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CAB : Des finances dans le rouge !


Nicole Mari le Mardi 22 Avril 2014 à 14:29

Premier choc plutôt rude pour la nouvelle majorité, à peine installée, de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB) ! Le débat d'orientation budgétaire révèle une dégradation de la situation financière pire que prévue. Les chiffres sont accablants. Un audit sera réalisé pour mesurer l’ampleur des dégâts. L’opposition PC-PRG, hier aux commandes, réfute toute responsabilité, affiche son autosatisfaction et accuse la politique d’austérité du gouvernement. Explications, pour Corse Net Infos, de François Tatti, nouveau président de la CAB, et réponse de Francis Riolacci, élu d’opposition, ancien responsable des finances sous la précédente mandature.



Le président de la CAB, François Tatti, entouré des deux premiers vice-présidents, Michel Rossi et Jacky Padovani.
Le président de la CAB, François Tatti, entouré des deux premiers vice-présidents, Michel Rossi et Jacky Padovani.
 
Tout le monde s’y attendait. Ce fut, d’ailleurs, l’un des points de discorde de la campagne électorale entre l’équipe sortante et ses adversaires réunis qui lui reprochaient l’opacité de sa gestion et supputaient des problèmes sans en mesurer l’ampleur. La dure réalité a dépassé les craintes et les soupçons distillés alors. Les chiffres découverts sont alarmants !  « La CAB amorce l’année 2014 avec une situation financière dégradée. Nous avons trouvé la situation pire que celle que nous craignions ! », annonce François Tatti, mardi matin, dès l’ouverture de la session consacrée au vote du compte administratif 2013 et au débat d'orientation budgétaire (DOB) pour l’exercice 2014. Les comptes sont dans le rouge !
 
Des chocs financiers
Avec gravité et prudence, tout en se voulant rassurant, le nouveau président fait un constat sans appel : « Plusieurs facteurs sont en cause, notamment la réalisation d’importantes dépenses d’équipement financées par emprunt et le transfert d’importantes charges mal compensées. 2014 sera l’année de la prise en charge de dépenses nouvelles convenues, de la fin des affermages de l’eau potable et de l’assainissement collectif. Ces différents facteurs vont impacter les épargnes de l’ensemble des budgets. La CAB n’est pas en situation d’absorber ces différents chocs en l’état ! ». Les chocs seront d’autant plus violents que la CAB, à l’inverse d’autres collectivités, n’a pas anticipé la baisse des dotations de l’Etat.
 
A la diète !
Face à une chute de 2% des recettes et une marge de manœuvre qui se réduit comme peau de chagrin, les dépenses de fonctionnement augmentent sous l’effet, notamment, du poids du personnel, de certains équipements comme le stade Armand Cesari et le transfert, mal réalisé, de la collecte des déchets. L’épargne nette, c’est-à-dire l’argent qu’il reste à investir quand tous les frais sont payés, est négative (-1,3 million €). La CAB dispose, à peine, d’une enveloppe de 600 000 € pour expédier les investissements courants, va devoir recourir à un nouvel emprunt et juger de l’urgence ou pas des investissements déjà engagés, mais pas réalisés. François Tatti a, déjà, annoncé qu’il faudra optimiser le fonctionnement, l’entretien des équipements, éviter les dépenses inutiles ou excessives, renégocier avec les partenaires et s’interroger sur la pertinence de certains emplois. En bref, il s’agit de mettre la CAB à la diète. « Nous n’avons pas le choix si nous voulons remettre l’outil en ordre de marche ! ». Pour cela, il lance dès la fin du mois, un audit financier.
 
Un changement de gouvernance
La nouvelle majorité fait bloc derrière son président. Fustigeant la mauvaise gestion précédente, l’élu bastiais Julien Morganti appelle à un changement de gouvernance. « La CAB est gravement malade. Tous les clignotants sont au rouge. Il est venu le temps d’un changement de gouvernance. La CAB ne doit plus être une simple annexe de la mairie de Bastia, mais doit être un outil pour l’ensemble du territoire ». Il préconise trois points de vigilance avec, d’abord, un audit social sur les dépenses de personnels « pour sortir d’une logique électorale et entrer dans une approche de la fonction publique territoriale ». Au niveau des grands projets, il fixe la priorité sur le cofinancement et les subventions pour des équipements productifs. Et entend remettre en cause la gratuité d’utilisation de certains équipements sportifs et de certaines collectes de déchets. Il demande une véritable feuille de route pour garantir un service public de qualité.
 
Pas coupable !
Les propos ne sont pas du goût de Francis Riolacci qui trouve la note d’orientations budgétaires « tendancieuse ».  L’élu d’opposition, en charge des finances de la CAB sous la précédente mandature, se lance dans un long plaidoyer de défense et se décerne un satisfecit qui fait sourire la nouvelle présidence. « Le bilan des réalisations est largement positif. Les nuages sont dus au contexte. » Il estime que l’équipe sortante a laissé les finances en parfait état et désigne le coupable : la politique d’austérité du gouvernement et le choix de l’ancienne mandature de la refuser. Pour lui, la CAB peut largement trouver des recettes si elle s’en donne les moyens. Il propose, notamment, de faire payer une redevance au Sporting pour l’utilisation des équipements et du stade et de demander aux communes du Nord de verser leur part de fiscalité, dont elles étaient dispensées. « Nous avons les ressources financières pour faire des investissements et mener une action contre la politique d’austérité », conclut-il.
A sa suite, Jean Zuccarelli tente d’enfoncer le clou : « Cette mandature achevée mérite que l’on salue les efforts accomplis ».
 
Stopper l’hémorragie
La longue démonstration de l’élu communiste et son cours de bonne gestion finissent par agacer la nouvelle majorité. Sans perdre son flegme, Michel Castellani remet les pendules à l’heure : « Nous ne nous attendions pas à cela ! Je n’ai jamais vu un rapport aussi alarmant ! Il y a le feu ! Ne nous faisons aucune illusion sur l’audit : une capacité d’autofinancement négative signifie que nous avons la tête sous l’eau, que nous sommes dans la tempête. Nous n’avons pas d’alternative : il faut stopper l’hémorragie, rétablir notre capacité opérationnelle et faire au mieux. Toute autre approche est irresponsable ! ».
 
Une approche rétrograde
Pierre-Noël Luiggi, plus incisif, daube une approche qu’il juge dépassée, pessimiste et rétrograde. Tout en s’étonnant du coût du carburant et du prix du transport affichés dans le rapport, qu’il juge trop élevés, il fustige une vision du monde où « l’on n’apporte que de l’eau et de l’électricité et où on donne peu de place au développement économique » et la proposition de taxer le Sporting « qui a besoin d’un équilibre financier ». Pour le PDG d’Oscaro, « il faut mettre en place un schéma et une ambition à long terme qui attirent les entreprises et créent de la richesse dans une vision du développement du territoire ».
A son tour, François Tatti ironise : « Les chiffres sont têtus. Si la situation n’est pas corrigée, nous allons dans le mur ! Francis Riolacci a expliqué pendant 20 minutes ce qu’il fallait faire. Mais quel dommage que cela n’ait pas été fait auparavant ! Cela nous aurait mis dans une autre situation aujourd’hui ! ».
Le débat se poursuivra le 30 avril avec le vote du budget primitif. Affaire à suivre.
 
N.M.

François Tatti, nouveau président de la CAB.
François Tatti, nouveau président de la CAB.
François Tatti : « Nous devons passer ce cap financier difficile »
 
Le nouveau président de la CAB ne cache pas sa surprise et ses inquiétudes devant l’état catastrophique des finances.
 
- Dans quel état avez-vous trouvé les finances de la CAB ?
- En l’état actuel et avant tout audit, la situation de la CAB est dégradée. Le fonds de roulement a été diminué par 5. Cela signifie que nous partons avec un handicap et que nous sommes obligés de puiser dans les importants restes à réaliser des recettes d’investissements de l’exercice précédent pour équilibrer les comptes de 2014, si tant est que ces restes sont tous validés. Pour l’instant, nous les prenons tels qu’on nous les a transmis, mais nous les ferons expertiser. Ce que faisons aujourd’hui ne vaut pas quitus.
 
- Comment expliquez-vous une telle dégradation des comptes ?
- Pour l’instant, je n’en suis pas aux explications, mais au bilan et au diagnostic. Il ne m’appartient pas, à ce stade, de faire des analyses précises. Nous allons engager un audit approfondi de la situation. Chacun verra en fonction des éléments, qui seront mis sur la table, et fera ses propres commentaires.
 
- Quand sera effectué cet audit ?
- Nous devons faire un premier diagnostic avant l’été, donc nous allons le lancer dès la fin de ce mois. Nous allons travailler, expertiser les difficultés et faire en sorte de trouver des solutions parce qu’il faut, quand même, que cette collectivité avance. L’audit comportera une partie prospective qui nous montrera les moyens de dégager des marges de manœuvre nouvelles pour remplir au-mieux nos missions.
 
- Quel est votre objectif à court terme ?
- Notre objectif est de boucler le budget 2014 dans de bonnes conditions. Grâce aux recettes provenant de l’exercice précédent, nous allons pouvoir continuer à faire des investissements d’entretien courant. Mais la marge nette, c’est-à-dire l’épargne nette qui reste, après avoir payé le fonctionnement (le personnel, les travaux courants..) et les emprunts, est négative. Alors que, normalement, c’est avec cet argent que l’on investit, en début d’année 2014, cette épargne nette est de -1,3 million €.
 
- Le budget 2014 sera-t-il en équilibre ?
- Il sera en équilibre, mais extrêmement restreint. Nous adopterons un budget de transition, à minima. C’est la dernière année que nous pouvons le faire car, l’an prochain, il n’y aura pas de reste de recettes à réaliser. La situation sera encore pire d’autant que l’Etat, contraint de restreindre son train de vie, ponctionne les recettes des collectivités locales pour équilibrer ses propres comptes. La situation devient, non pas critique parce que nous sommes là pour gérer et affronter les difficultés, mais difficile. Elle va demander de sacrés efforts et une gestion très sévère. En 2015, sans mesures nouvelles, nous n’équilibrerons pas les comptes !
 
- Avec des finances complètement dégradées, est-il possible de mettre en œuvre une politique ?
- Dans l’immédiat, avec 600 000 € d’investissements, nous ferons de l’entretien pour éviter que les équipements ne se dégradent et nous répondrons aux attentes les plus urgentes.
Mais, nous avons été élus parce que la CAB répond à un besoin pour la population en termes de développement économique, de création d’emplois, de transports, de sport… Nous allons nous atteler à cette tâche. Mais, il est clair qu’il est très complexe de développer des politiques, en tous cas à court terme, avec des finances dans cet état-là ! Nous devons passer ce cap financier difficile, nous travaillerons d’arrache-pied pour faire toute la lumière sur cette situation et remonter la pente.
 
Propos recueillis par Nicole MARI

Francis Riolacci, élu de l'opposition.
Francis Riolacci, élu de l'opposition.
Francis Riolacci : « Nous ne laissons pas une situation catastrophique »
 
L’élu communiste de l’opposition, ancien responsable des finances de la CAB, défend le bilan des mandatures Zuccarelli et rejette la faute sur la politique d’austérité du gouvernement.
 
- La situation financière de la CAB est très dégradée. Pourquoi plaidez-vous le contraire ?
- J’ai rétabli la réalité des choses et resitué les responsabilité qui ne sont pas, en premier lieu, internes à la structure que nous avons gérée. D’abord, nous avons clôturé la mandature, c’est-à-dire l’exercice 2013, non avec un déficit, mais avec un excédent de 7 millions € dont 2,8 millions € au budget principal. Ces chiffres sont inscrits sur le compte administratif. Donc, les finances de la CAB ne sont pas dégradées à la clôture de l’exercice 2013. Le constat est comptable.
 
- Dans ce cas, pourquoi le budget 2014 est-il si contraint ?
- L’exercice 2014 s’avère très contraint, comme les derniers exercices, surtout en raison de la politique d’austérité et de désengagement de l’Etat. Cette année, nous perdons plus d’1 million € de recettes fiscales et de dotations de l’Etat. Chaque fois que ces recettes, qui représentent 95% de nos ressources, stagnent ou baissent, cela crée des tensions très fortes dans les budgets à établir.
 
- Pourtant, certains élus vous accusent de mauvais choix et de mauvaise gestion. Que leur répondez-vous ?
- Je réponds que le président actuel de la CAB était membre de la majorité sortante. Il a voté tous les budgets et tous les programmes, y compris leurs financements ! Je peux comprendre que ceux, qui ont tout le temps été opposants, aient une opinion négative, sinon ils n’auraient pas été opposants. Mais, je suis surpris d’entendre certains, issus de la précédente majorité, faire des critiques sur la gestion passée alors qu’ils se sont targués de son bilan. 
 
-  Redoutez-vous l’audit prévu ?
- Ce qui me fait peur, c’est la politique d’austérité du gouvernement ! Les moyens vont être réduits pour répondre aux besoins. Nous n’avons pas la fleur au fusil, nous ne l’avons jamais eu ! Cela ne nous a pas empêché de travailler durement et de prendre quelquefois des risques. Nous ne laissons pas une situation catastrophique puisque les principaux équipements sont réalisés. Nous avons achevé une mandature avec 114 millions € d’investissements. Nous avons maintenu une fiscalité à un niveau relativement bas et le prix de l’eau inférieur à la moyenne nationale, permis la gratuité de 43% des passages transportés et soutenu le logement social. Notre bilan est éloquent. Nous verrons les propositions qui seront faites pour financer ceux à venir.
 
- Que pensez-vous des choix de la nouvelle majorité pour redresser les comptes ?
- La nouvelle majorité aura des propositions à faire. Elle est au pied du mur. Elle sera confrontée aux mêmes difficultés que nous avons connues. Nous avons fait le choix de ne pas faire subir à la population, l’austérité. La vraie équation budgétaire est la suite : accompagner ou combattre l’austérité imposée par le gouvernement. Nous, nous la refusons ! Nous l’avons combattu, ce qui est compliqué budgétairement. Mais la vraie responsabilité des élus, c’est de satisfaire les besoins de la population sans lui faire supporter excessivement le coût des services.
 
Propos recueillis par Nicole MARI