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Bastia : Jérôme Ferrari invité de Una Volta, Dui Mondi


Odile de Petriconi le Vendredi 5 Juin 2015 à 20:31

Les deuxièmes rencontres littéraires de Bastia "Una Volta, Dui Monti" ont débuté jeudi soir dans les jardins suspendus du Musée devant plusieurs centaines d'auditeurs. Après une présentation effectuée par Pierre Négrel (libraire) et Dominique Mattei (directrice du centre culturel), la parole était donnée à Grégoire Leménager (journaliste à l'Obs") qui avait pour mission de mener le débat avec Jérôme Ferrari (écrivain, philosophe, traducteur, enseignant...)



Jérôme Ferrari, venait surtout présenter son dernier roman sorti en mars 2015, "Le Principe" consacré au savant allemand Werner Heisenberg (1901-1976), découvreur du "principe d'incertitude" à 26 ans,  à l'origine de la mécanique quantique, mais aussi de la bombe atomique. Scientifique de génie, Heisenberg a reçu le prix Nobel en 1932. Le troisième Reich l'a embauché, il a accepté pour des raisons troubles et a participé au projet Uranium qui avait pour but l'invention de la bombe atomique.

A l'arrivée du nazisme au pouvoir, Werner Heisenberg n'a pas quitté l'Allemagne. Cet homme n'était pas nazi et pas non plus antisémite, il éprouvait en outre un profond attachement pour son pays. Parmi les historiens certains pensent qu'il n'avait aucune conscience politique, ni aucune conscience morale. D'autres sont persuadés qu'il a volontairement travaillé sur le projet Uranium pour le faire échouer. En fait sa passion pour la science l'a aveuglé. Et le projet Uranium pour la construction de la bombe atomique s'est révélé, trop long, trop cher, trop compliqué à mettre en oeuvre et a finalement été enterré. Dans la course à l'armement nucléaire ce sont finalement les américains qui devancent les allemands avec le résultat que l'on connaît à Hiroshima et Nagasaki. Les américains persuadés que les allemands étaient très en avance dans l'élaboration de la bombe atomique, s'étaient hâtés de la produire.

Et les bombardements sur le Japon, par l'armée américaine, ont lieu alors que Werner Heisenberg et neuf autres physiciens allemands, soupçonnés d'avoir travaillé sur le programme nazi de bombe atomique, étaient détenus, en 1945 pendant 8 mois, dans le manoir "Farm Hall" à Godmanchester près de Cambridge. Cette maison était truffée de micros et les conversations des scientifiques enregistrées à leur insu. Ces écoutes n'ont pas été concluantes et leur résultat a été tenu secret jusqu'en 1993. Pour la rédaction de ce roman Jérôme Ferrari s'est rendu en Allemagne car il a toujours besoin d'une connaissance intime des lieux lorsqu'il rédige un ouvrage. Les pages les plus difficiles à écrire ont été celles où il fait part de notes techniques de physique. Cependant l'auteur s'intéresse depuis ses études de philosophie à la physique quantique et avait déjà abordé ce thème dans "Aleph Zéro" édité chez Albiana. Dans ce roman, "Le Principe" construit en quatre parties (position, vitesse, énergie, temps), Jérôme Ferrari ne cache pas l'empathie qu'il ressent pour Werner Heisenberg.

Le personnage l'intéresse entre-autre, par son côté romanesque et pour son mysticisme. Le manuscrit a été traduit en allemand par l'éditeur en Allemagne, qui est aussi le traducteur, et est sorti en librairie une semaine avant la sortie du livre en France.

Quatrième de couverture
Fasciné par la figure du physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976), fondateur de la mécanique quantique, inventeur du célèbre "principe d'incertitude" et Prix Nobel de physique en 1932, un jeune aspirant-philosophe désenchanté s'efforce, à l'aube du XXIe siècle, de considérer l'incomplétude de sa propre existence à l'aune des travaux et de la destinée de cet exceptionnel homme de sciences qui incarne pour lui la rencontre du langage scientifique et de la poésie, lesquels, chacun à leur manière, en ouvrant la voie au scandale de l'inédit, dessillent les yeux sur le monde pour en révéler la mystérieuse beauté que ne cessent de confisquer le matérialisme à l'œuvre dans l'Histoire des hommes.


Extrait 
"Ils voulaient comprendre, regarder un instant par-dessus l'épaule de Dieu.
La beauté de leur projet leur semblait la plus haute qu'on pût concevoir.
Ils étaient arrivés là où le langage a ses limites, ils avaient exploré un domaine si radicalement étrange qu'on ne peut l'évoquer que par métaphores ou dans l'abstraction d'une parole mathématique qui n'est, au fond, elle aussi, qu'une métaphore.
Ils devaient sans cesse réinventer ce que signifie "comprendre".
Les connaissances qu'ils vénéraient ont servi à mettre au point une arme si puissante qu'elle n'est plus une arme, mais une figure sacrée de l'apocalypse.
Ils en ont été les oracles et les esclaves."