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Assemblée de Corse : Le ton s’envenime entre Gilles Simeoni et la droite sur la condamnation de la violence


Nicole Mari le Jeudi 27 Avril 2023 à 14:38

Nouvel échange tendu, jeudi matin, lors des questions orales de l’Assemblée de Corse entre la droite et l’Exécutif sur la condamnation de la violence. Valérie Bozzi, pour le groupe U Soffiu Novu, a accusé les Nationalistes de légitimer la violence et d’alimenter la discréditation des élus. Elle demande de faire de la sécurité, un préalable à la reprise des discussions avec Beauvau. Réponse cinglante du président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, qui dénonce une « posture indigne » et l’instrumentalisation de la violence par le groupe d’opposition. Pas question, pour lui, de préalable. Il réaffirme que seuls, le respect de la démocratie et la réussite dans le processus d’autonomie apporteront la paix.



L'hémicyle de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
L'hémicyle de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
« Le refus de cautionner les actes valent toutes vos condamnations ! » Le ton dur et le visage fermé, le moins que l’on puisse dire est que la président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, n’apprécie pas la ritournelle entonnée avec constance par la droite sur la violence et le refus nationaliste de condamner les attentats. Le groupe U Soffiu Novu a remis le couvert, jeudi matin, à l’ouverture de la session de l’Assemblée de Corse par le biais d’une question orale posée d’un ton tout aussi pincé par Valérie Bozzi. « Nous sommes collectivement confrontés à la banalisation de la violence physique et verbale. La violence est parfois légitimée, elle n'est parfois même plus condamnée par les responsables politiques. Cette banalisation est accentuée par l’impunité qui règne sur les auteurs. On a normalisé la discréditation des élus de terrain. Les slogans du type « Tutti manghjoni ! » ont prospéré. On a stigmatisé les élus du littoral, les élus, qui développent leurs territoires et qui travaillent, sont tous suspects. On a également stigmatisé les chefs d’entreprises. Vous avez alimenté cela ou cela a fait votre lit, mais aujourd’hui, cela se retourne contre vous ».

Valérie Bozzi. Photo Michel Luccioni.
Valérie Bozzi. Photo Michel Luccioni.
Un préalable
Pour lutter contre ce qu’elle nomme « un phénomène de société », la mairesse de Grosseto-Prugna appelle à « collectivement remettre la bienveillance au cœur de nos actions, la valeur travail au goût du jour, et non la jalousie ou la dénonciation. Élus et population vivent dans la crainte de cette violence, mais également la violence que constitue l’absence totale de justice. La Corse a besoin de projets qui rassemblent, d’une nouvelle vision, de sérénité. Quand on aime la Corse on ne la détruit pas, on la construit, on ne se satisfait pas de salir les Corses ! ». Elle interpelle le Président de l’Exécutif sur sa volonté de « demander des comptes au ministre de l’Intérieur sur l’insécurité grandissante en Corse » et de « mettre tout en œuvre pour permettre à la justice de résoudre les crimes de sangs, pour arrêter les assassins qui galopent depuis de nombreuses années, d’identifier les incendiaires qui détruisent le patrimoine de la Corse, les outils de travail d’une économie déjà fragile et les symboles de la démocratie ». La droite estime que les discussions de Beauvau, qui reprendront le 16 mai au matin, « sont l’occasion pour l’Etat de rendre des comptes aux Corses. Cela doit passer avant même la réforme constitutionnelle, cela doit même être un préalable à la reprise des discussions ». Elle présente également une motion qui sera examinée en fin de session pour « condamner sans réserve » l’attentat ayant visé Simone Guerrini.
 
Une posture indigne
La réponse de Gilles Simeoni est cinglante : « Ce propos est inacceptable ! Il est faux ! Et vous savez qu’il est faux ! ». Et d’asséner : « Dans la vie, ce qui compte, ce sont les mots et les actes. Mes mots, depuis qu’ils sont prononcés dans l’espace public en qualité de militant, de responsable, d’élu et de président du Conseil exécutif, ont toujours été clairs et constants pour dire qu’il ne peut pas y avoir d’autres chemins pour ce pays et ce peuple que ceux de la paix et de la démocratie. J’ai décidé de ne pas employer de mots, comme celui de « condamner », qui ne contribuent pas à trouver des solutions. Ceux qui condamnent, ce sont les juges ! Les mots, que j’ai eu pour exprimer ma solidarité à Simone Guerrini, aux maires d’Afa et d’Appiettu, sont clairs. Ils valent toutes vos condamnations ! Feindre de ne pas les entendre, de ne pas les comprendre, comme vous le faites, de façon artificielle depuis quelques semaines, est une posture indigne ! ». Et d’accuser, à son tour, la droite d’instrumentaliser la violence : « Vous instrumentalisez des actes avec lesquels nous sommes tous en désaccord et qui nous inquiètent au plus haut point. Des logiques que nous refusons et que nous avons combattu, vous les instrumentalisez à des fins partisanes ». S’il respecte le choix politique de la droite de porter ses propres propositions, il récuse sa justification « dictée par le refus du mot « condamner ». C’est un prétexte et un mauvais prétexte ! ».

Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Le choix des mots
Le président de l’Exécutif martèle sa cohérence entre les mots et les actes : « Je n’ai eu de cesse, depuis que je suis élu, et même au sein de ma famille politique, de dire qu’il ne pouvait pas y avoir d’autre chemin que celui de l’expression démocratique. Y compris, et je l’ai toujours dit, si nous avons affaire à une violence initiale fondatrice d’une politique qui, en Corse, a longtemps été coloniale. Y compris si nous avons affaire tous les jours à une violence symbolique extrême, une violence morale, politique, économique, épistémologique. C’est le cas aujourd’hui, dans la spéculation immobilière, l’accaparement de notre terre, le refus que notre langue soit parlée dans cet hémicycle. La seule arme qui vaille pour combattre cette violence, c’est celle de la démocratie. Je l’ai dit et je continue à le dire ». Face à la gravité de la situation, il faut avant tout, lance-t-il à la droite, réaffirmer « les principes essentiels de la société Corse dans laquelle nous voulons vivre, dans laquelle nous voulons que nos enfants grandissent et deviennent des adultes et des citoyens, les valeurs de démocratie, de respect de l’autre, d’écoute réciproque. Vous souhaitez « condamner », je respecte ce choix. D’autres souhaitent exprimer leur désaccord total et dire que ces comportements ne sont ni acceptables, ni compréhensibles. Respectez ce choix ! Laissez-nous le choix des mots pour dire ce que nous voulons dire ! ». Il prévient que dans une société de proximité comme la société insulaire où tout le monde se côtoie, « nous devons laisser le pouvoir régalien s’exercer. Je ne suis pas policier et je ne suis pas juge. Je ne sais pas qui brûle. Je ne sais pas qui fait sauter. Je ne sais pas qui menace… Il y a ceux qui sont frappés aujourd’hui. Il y a ceux qui risquent d’être frappés demain, y compris dans une logique de vengeance que notre île peut produire. Il y aura l’avenir de la prison, les familles, les rassemblements devant les commissariats, les incidents, la logique de conflit, celle à laquelle nous voulons tourner le dos », l’important est de faire passer le message que la violence n’engendre que le malheur. 
 
Une solution politique
Enfin, Gilles Simeoni redit avec force que le meilleur moyen de faire reculer et disparaître tous ces comportements, « c’est de construire une solution politique qui ne laisse plus d’espace à leur développement ». Il rappelle que la décision prise en 2014 par le FLNC- Union des combattants et d’autres organisations clandestines d’arrêter unilatéralement la violence a ouvert un chemin « pour enraciner la paix, mais nous avons laissé passer trop de temps. Ce temps est venu alimenter les doutes, les colères et la défiance, y compris vis-à-vis de la démocratie qui n’était pas respectée. A côté de cette violence politique, il y a toutes les autres formes de violences qui inquiètent les Corses ». Donc pas question, pour lui, de suspendre les travaux et le processus de discussion en cours sous prétexte de parler de sécurité ! « Vous faites un préalable de la disparition de ces actes et de l'arrestation de leurs auteurs à la poursuite du processus. C’est exactement le contraire qu’il faut faire ! Si nous posions ce préalable-là, cela voudrait dire que chacun peut venir avec son préalable et que nous devrions accepter le préalable de renoncer à la notion de peuple Corse. On ne peut pas aller dans une discussion avec un préalable ! Cela veut dire que la solution politique serait otage d’une ou de quelques personnes qui pourraient décider, parce qu’elles ont commis un acte de violence, qu’elles restent inconnues, que les choses s’arrêtent. Non, surtout pas de préalable ! ». Et de conclure : « Dépêchons-nous au contraire de faire que le processus avance afin que nous mettions en œuvre des solutions dans tous les domaines, notamment celui essentiel de la lutte contre la spéculation ! Et vous verrez que les violences qui prospèrent aujourd’hui sur le terreau du mépris de la démocratie, de l’absence de solution politique, de la spéculation, de l’injustice économique, sociale et linguistique, ces violences-là disparaîtront définitivement ! ».
 
N.M.