Corse Net Infos - Pure player corse

Archéologie sous-marine : au large du Cap Corse deux épaves livrent leurs secrets


David Ravier le Mardi 11 Juillet 2023 à 08:45

Une mission d'exploration franco-italienne du Département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines de Méditerranée (Drassm) et du parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate a étudié pendant deux semaines deux épaves qui reposent dans les profondeurs des eaux du Cap Corse. Les premiers résultats de cette expédition ont été présentés ce 8 juillet à Bastia



Le navire Alfred Merlin, utilisé pour faire les expéditions sous-marines.
Le navire Alfred Merlin, utilisé pour faire les expéditions sous-marines.

Sonder les fonds marins à la recherche de trésors culturels et naturels. C'est ce qu'une équipe internationale d'archéologues subaquatiques du Drassm a décidé d'entreprendre en fouillant les eaux profondes du Parc naturel marin du Cap Corse et de l'Agriate. Dans cet endroit, de nombreuses épaves datant de l'Antiquité à la Seconde Guerre mondiale sont à découvrir. 

Cette mission de recherche, à bord de l’Alfred Merlin, le navire scientifique du Drassm, a associé pour la première fois des recherches archéologiques et de l’observation biologique de la faune marine. « Nous avons construit ensemble ce projet qui nous offre la possibilité d’étudier les fonds marins tout en répertoriant les futures mesures de protection à prendre pour ces sites, indique Arnaud Schaumasse, le directeur du Drassm. Il y a des enjeux qui sont à la fois pour la faune, pour la flore, pour les paysages marins et pour le patrimoine culturel, avec une convergence des scientifiques et des moyens de protection, ça rend les choses plus lisibles. » 

Découverte d’espèces très rares en Méditerranée 
La mission s'est déroulée en deux phases distinctes : tout d'abord, l'identification de deux nouveaux sites dans la région du Cap Corse, suivie de l'exploration de ces sites à l'aide de robots. Ces sites se situent à la pointe nord du Cap, à proximité du haut fond de Centuri, et abritent deux épaves immergées à des profondeurs allant de 200 à 700 mètres. La première épave, qui remonte à l'antiquité, transporte des amphores en verre, tandis que la seconde, probablement datant du XIXe siècle, renferme de la vaisselle, des canons et des ancres.
La deuxième phase de l'exploration a été rendue possible grâce à deux robots nommés Hilarion et Arthur capables de plonger respectivement à des profondeurs de 500 et 2 500 mètres, et de filmer en temps réel en qualité 4K. Le robot Arthur, développé en collaboration avec l'université de Montpellier, a joué un rôle essentiel dans cette mission grâce à son bras articulé permettant de prélever des objets, ainsi qu'à ses capacités d'aspiration et de soufflage des sédiments marins, ce qui a grandement facilité le travail d'exploration.
 

 


Les amphores découvertes près de l'épave antique, au niveau du haut fond de Centuri
Les amphores découvertes près de l'épave antique, au niveau du haut fond de Centuri

Une faune peu connue
Les scientifiques se sont penchés sur l'étude de la biodiversité qui s'est développée sur les épaves et leurs environs. Comme le souligne la directrice du parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate, Madeleine Cancemi, « les épaves sont des espaces de nidification pour les espèces marines. Dans les amphores près de l’épave antique, on a retrouvé des congres, des crevettes, des langoustes. »
Les chercheurs ont également étudié un champ de laminaire, une formation d'algue assez rare en Méditerranée, croyant qu'elle n'existait que dans les bouches de Bonifacio. De plus, ils ont observé un phénomène encore peu connu appelé les anneaux de coralligènes, qui se forment en cercle autour de certains rochers. Bien que la formation de ces anneaux reste un mystère, ils jouent un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité. Au centre de ces anneaux, des rochers servent de refuge pour des espèces de poissons et de coraux qui sont devenues rares en Méditerranée, telles que les porcelaines et les gorgones, explique Madeleine Cancemi.

 

Un grand travail de protection
Les données collectées lors de cette expédition, représentant environ 20 heures de vidéos, seront analysées ultérieurement. À l'heure actuelle, ces documents sont principalement utilisés pour la protection des zones marines. Pour Franca Cibecchini, responsable du littoral de Corse au sein de la Drassm, en plus des connaissances scientifiques qui seront tirées de cette expédition, elle souligne l'importance essentielle de la documentation rapportée. Selon elle, il est crucial de savoir à quoi ressemblent ces sites et de définir leur composition, car il est difficile de protéger quelque chose que l'on ne connaît pas. "En explorant ces lieux, nous cartographions les fonds marins afin de déterminer si des objets disparaissent avec le temps". Les informations extraites serviront notamment à protéger une zone au nord du Cap Corse qui ne fait pas partie ni de l'Italie ni de la France. Bien que les deux pays aient ratifié la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique en 2001, son statut précaire le laisse pour l'instant sans défense.
L'Alfred Merlin poursuivra une troisième semaine d'exploration sous-marine aux environs d'Aléria à partir du 10 juillet, se rendant cette fois-ci sur une épave romaine datant du premier siècle de notre ère.


Le robot Arthur, capable de descendre à 2 500 mètres de profondeur.
Le robot Arthur, capable de descendre à 2 500 mètres de profondeur.