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Double assassinat de Poretta : La vie "complexe" et "radicale" d'une "matonne" tombée dans le grand banditisme corse


La rédaction avec AFP le Lundi 13 Mai 2024 à 18:55

Qu'est-ce qui a poussé Cathy Chatelain, surveillante de prison, mère de cinq enfants, à plonger dans le grand banditisme corse ? Au procès du double assassinat de Bastia-Poretta s'est dessiné lundi le portrait d'une femme "complexe", "radicale", "corsicalisée".



La cour d'assises des Bouches-du-Rhône §https://www.courdassises.fr)
La cour d'assises des Bouches-du-Rhône §https://www.courdassises.fr)
Devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, loin des salles de cinéma où son histoire a inspiré le film "Borgo", sorti mi-avril, cette femme a tenté d'expliquer ce qui a pu l'amener à se retrouver dans ce box, ultra-surveillée, parmi 15 hommes, dont des héritiers du gang de la "Brise de Mer".
Longs cheveux bruns, veste grise laissant apparaître des tatouages, Cathy Chatelain est restée relativement insondable pour l'enquêtrice de personnalité, qui a décrit une femme alternant entre "un côté très féminin" et un autre "garçon manqué".
"Pourquoi la Corse ? Pourquoi elle s'y intéresse autant ? Elle lit le corse, elle l'apprend, je n'ai pas la réponse", admet l'experte.
Cathy Chatelain, ex-Sénéchal, raconte que quand elle était surveillante à la prison de la Santé, elle discutait beaucoup avec un détenu corse. Son aîné rencontrait alors des problèmes de harcèlement au collège: "Un jour, il me dit: +tu sais là-bas (en Corse), c'est l'enfant-roi, y'aura pas de problème".
Elle demande alors sa mutation et la famille débarque sur l'île de beauté en juin 2014. Son mari postier, Dominique Sénéchal, dont elle est aujourd'hui divorcée et qui comparaît lui notamment pour destruction de preuves, s'occupe alors des enfants.


L'arrivée en Corse est une "réelle délivrance" pour l'adolescent, a témoigné lundi son fils, devenu adulte, en visioconférence. Décrite comme "froide", en tous cas avec une attitude distante, son visage, relativement fermé, s'illumine à la vue de celui-ci, l'un de ses "cinq bébés". Ses quatre autres enfants sont désormais placés dans sa belle-famille.
L'aîné parle de sa mère comme d'une "femme exemplaire", qui "malheureusement a commis une erreur".

"Posture de soumission"  
Cette erreur ? Le 5 décembre 2017, Jean-Luc Codaccioni, détenu de la prison de Borgo (Haute-Corse), de retour de permission, et Antoine Quilichini, dit "Tony le boucher", sorti de prison 15 jours plus tôt, étaient les cibles de tirs sur le parking de l'aéroport de Bastia-Poretta. Une minute avant les tirs, Cathy Chatelain était vue arriver en courant, sur les caméras de surveillance, pour embrasser Codaccioni: un "baiser de la mort" qui était le signal pour le tireur.
Aujourd'hui âgée de 48 ans, elle a reconnu avoir renseigné les assassins sur les dates de sortie des deux victimes et avoir proposé de se rendre à l'aéroport pour décrire au tueur la tenue de Jean-Luc Codaccioni. "Un boulot" réalisé en échange de la promesse d'"une somme à six chiffres", selon l'enquête.


L'expert psychologue a tenté d'expliquer ce qu'il voit comme une "posture de soumission" destinée à "mettre sa famille sous la protection d'un +autre+ tout puissant qu'elle ne cite pas", se bornant à parler à de multiples reprises du "clan", de "son clan".
Il parle d'une personnalité "complexe et radicale", d'une forme de "corsicalisation" et "d'identifications déviantes" face à des manques et des carences. D'abord le manque du père, qui quitte le domicile familial alors qu'elle est toute petite. Puis le rôle du beau-père, dont elle révèle lundi avec pudeur le "comportement inadapté et malsain envers les enfants".


"Qu'est-ce qui fait qu'on bascule ?", même s'il y a "une certaine fascination du milieu", demande au psychiatre l'un de ses avocats, Renaud Portejoie.
Mais l'expert a du mal à répondre, tant l'accusée s'est peu livrée. Il parle d'un terrain dépressif, d'une fragilité, d'un trouble de la personnalité. Pour lui, des "gens très méfiants" comme elle "vont avoir comme seul bonheur d'appartenir à un groupe". Et ce groupe, c'est la Corse donc.
Pendant l'enquête, l'accusée avait d'ailleurs lâché: "La Parisienne comme moi, qui arrive en Corse (..) et qui rentre dans un truc comme ça, c'est fort quand même".
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Par Sandra LAFFONT