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Après la crise, la mue de Corse Composites Aéronautiques


Julia Sereni le Lundi 23 Mai 2022 à 16:23

L’entreprise ajaccienne, qui fête ses quarante ans cette année, a été durement touchée par la crise. Aujourd’hui, elle déploie une stratégie ambitieuse pour rebondir.



Photo Michel Luccioni
Photo Michel Luccioni
Devant l’entrée de l’entreprise, Jean-Yves Leccia, directeur général de Corse Composites Aéronautiques, attend avec impatience le préfet Amaury de Saint-Quentin. Ce dernier a réservé à l’entreprise l’un de ses tout premiers déplacements officiels, entre deux périodes de réserve. Et le directeur général ne rechigne pas à ouvrir les portes de ses locaux. Surtout pour une raison. « Tout le monde parle de Corse Composites Aéronautiques, mais personne ne sait vraiment ce que nous faisons ! », confie t-il.
 
S’il est vrai que le nom de l’entreprise ajaccienne est familier à de nombreux Corses, son activité, elle, reste encore méconnue. Pourtant, ce fleuron de l’industrie aéronautique, qui fabrique des pièces pour Airbus ou Dassault, rivalise avec les plus grands à l’échelle internationale. « Imaginez qu’en France, nous n’avons qu’un seul concurrent et il est vingt fois plus gros que nous, et les autres se trouvent dans le monde entier », indique Jean-Yves Leccia. Corse Composites emploie 200 personnes à Ajaccio, 400 avec sa filiale en Tunisie.

Faire de la crise un tremplin

Malgré ce succès l’entreprise n’a, évidemment, pas échappé à la crise. Et elle en a souffert. « Nous avons été durement touchés, nous avons perdu 40% d’activité sur les deux dernières années », se désole le directeur. Mais de cette crise, il a voulu faire un tremplin pour l’entreprise, qui fête ses quarante ans d’existence.
« En fait, la crise nous a poussés à mettre en place des solutions pour transformer l’entreprise. Nous savions qu’il fallait aujourd'hui axer le site d’Ajaccio sur les développements, puisque c’est là où on amène le plus de valeur ajoutée, et moins sur de la production. On produit toujours, mais des choses différentes », résume Jean-Yves Leccia.

En clair, l’entreprise embauche aujourd’hui « beaucoup plus d’ingénieurs et de techniciens, et moins d’opérateurs ».

Traverser le trou d’air

La mue s’est effectuée en plusieurs étapes. « La première, c’était de ne pas mourir dans la crise ! », reconnait le dirigeant. L’entreprise a, durant cette phase critique, dû faire « énormément d’économies pour être capable de passer ce trou d’air ». Ces mesures de sauvegarde avaient d’ailleurs provoqué, l’an dernier, un important mouvement social. Désormais en sortie de crise, l'entreprise a bénéficié du plan France Relance, « un plan extraordinaire », pour Jean-Yves Leccia, et de l’aide de l'ADEC. « Nous avons investi et transformer l’entreprise, et aujourd’hui je peux dire que nous sommes sur la bonne voie », se félicite t-il. Corse Composites Aéronautiques développe désormais, entre autres, des pièces importantes du futur Falcon 10X de Dassault Aviation, qui sera le plus gros avion d’affaires au monde.
 
Mais si l’horizon s’est éclairci, il n’est pas exempt de nuages. Après avoir perdu quasiment la moitié de son activité dans la crise, l’entreprise reste encore 20% en dessous de son activité de 2019. « 20%, dans l’industrie c’est énorme », commente son directeur. « Et on ne voit pas un retour à l’activité de 2019 avant… 2025 », poursuit-il.

L’enjeu du recrutement

Dans son souci de remonter la pente, l’entreprise rencontre une difficulté majeure : le recrutement. « On n’avait pas l’habitude d’avoir du mal à recruter dans l’aéronautique, car c’est plutôt un secteur qui fait rêver les gens. Mais depuis un certain nombre de mois, nous avons une vingtaine de postes ouverts, de l’opérateur sur machine à commande numérique, jusqu’à l’ingénieur de développement, et on peine aujourd’hui à recruter », affirme Jean-Yves Leccia. Corse Composites a beau multiplier les partenariats avec les établissements scolaires, recruter par le sport, se rendre dans les jobs dating… Rien n’y fait. « Les gens semblent moins attirés par l’industrie », tente d’expliquer le directeur.
 
Et pourtant, pour Jean-Yves Leccia, Corse Composites Aéronautiques occupe une place stratégique dans le développement régional. « Dans une région comme la Corse, on a besoin aussi d’entreprises à même de proposer des postes de très forte valeur ajoutée pour nos jeunes techniciens, ingénieurs. C’est bénéfique pour l’entreprise mais aussi pour la région », estime t-il. Des arguments, qui, semble t-il, ont convaincu le préfet. « Bravo pour ce que vous faites ! », lance, enthousiaste, le représentant de l’État au directeur, dans une ultime poignée de main.