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Alzheimer en Corse : un manque de moyens là où la maladie est la plus répandue


Thibaud KEREBEL le Mardi 18 Avril 2023 à 16:39

Particulièrement présente en Corse, la maladie d'Alzheimer demande une prise en charge rapide et au long terme. Pour le moment, les structures insulaires manquent de moyens, et tentent tant bien que mal d'apporter des solutions aux patients et à leurs proches.



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En France, on estime qu’un million de personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer. Proportionnellement à la population régionale, les chiffres sont légèrement plus élevés en Corse, où seraient présents 5 000 patients potentiels. « C’est une maladie dont le risque d’apparition augmente avec l’âge. Et comme on est la région la plus vieillissante du pays, on a forcément des statistiques plus élevées que sur le continent », explique le docteur Marie-Pierre Pancrazi, coordinatrice du Centre régional de mémoire, et vice-présidente de l’association Corse Alzheimer.

Concrètement, cette maladie se caractérise par une atrophie cérébrale, qui touche certaines zones caractéristiques. « C’est une lente dégénérescence des neurones, qui s’étend petit au petit à l’ensemble du cerveau. On perd progressivement la mémoire, puis la reconnaissance du visage, la parole... », précise Marie-Pierre Pancrazi. « Il y a des médicaments qui existent, pour ralentir l’évolution de la maladie, mais ils ont un effet modeste, et ils ne sont pas remboursés. Donc plus c’est pris en charge tôt, plus on peut mettre en place une stratégie globale, autour de l’hygiène de vie ou du travail de la mémoire. »

Problème : en Corse, du fait de la géographie, de nombreuses personnes âgées sont isolées, alors que la moyenne d’apparition d’Alzheimer est établie à 75 ans. « Il n’y a pas forcément d’entourage pour se rendre compte de la situation, donc beaucoup sont atteints mais ne sont pas pris en charge. » Car si certains malades constatent eux-mêmes leurs troubles naissants, ce sont principalement les proches qui sont à l’initiative des diagnostics, après avoir constaté des signes avant-coureurs, comme des oublis ou des plaintes de mémoire.

« Le travail évolue en fonction de l’avancée de la maladie »

Sur l’île, c’est le Centre régional de mémoire (CMRR) qui coordonne la réponse médicale. Mais il doit composer avec peu de moyens. « À l’heure actuelle, il n’y a pas de gériatre libéral en Corse, et très peu de consultations neurologiques en libéral. Pareil dans les hôpitaux de proximité, même si on essaie de le développer. Pour le moment, on a seulement deux consultations mémoire labellisées : une à l’hôpital d’Ajaccio et une à l’hôpital de Bastia », note le docteur Marie-Pierre Pancrazi.

Un manque de moyens qui complique la prise en charge des patients, alors que le premier diagnostic, lui-même, demande beaucoup d’investissement. « Il faut faire une imagerie cérébrale pour observer les zones touchées, une prise de sang, des tests neuropsychologiques, et un examen neurologique », énumère la vice-présidente de l’association Corse Alzheimer. Et une fois le diagnostic établi, reste la prise en charge !

« Le travail évolue en fonction de l’avancée de la maladie. Au début, quand c’est léger, on fait des jeux de mémoire, on incite les gens à lire, à marcher, ou à écouter de la musique… Ensuite, quand l’Alzheimer évolue, on améliore l’environnement, en donnant un bracelet GPS, ou en proposant une aide à domicile. Et enfin, quand la maladie est à un stade sévère, il faut rassurer les gens et prévenir les troubles du comportement. »

Les aidants, des personnes à ne pas oublier

Sur l’île comme ailleurs, l’un des aspects importants autour de la maladie d’Alzheimer est la considération des aidants. Car l’entourage qui gravite autour des personnes atteintes (famille, proches), nécessite également du soutien et de la formation. C’est en partie pour cette raison que l’association Corse Alzheimer a été créée à Ajaccio il y a une dizaine d’années, et connaît maintenant une antenne bastiaise très active. « Comme il n’y a pas beaucoup de ressources au centre mémoire, c’est important d’avoir un engagement supplémentaire. Avec l’association, on propose des groupes de parole pour les aidants, des activités de stimulation pour les patients, mais aussi des entretiens individuels », explique la vice-présidente Marie-Pierre Pancrazi.

Justement, un « café mémoire » sera organisé à Bastia ce jeudi (14 heures) au Jardin de l’Annonciade. « Ça permet aussi de se retrouver dans un endroit plus convivial, qui n’est pas apparenté à un hôpital. » L’occasion, aussi, de faire un pas de plus vers la dédramatisation de la maladie. « Actuellement, l’Alzheimer, c’est tabou. On parle plus librement du cancer ou du Sida, mais dès qu’on évoque Alzheimer, ça effraie les gens. Donc on a fait signer un charte à la ville de Bastia, pour qu’elle s’engage dans ce sens. Il y a aura plusieurs actions au cours de l’année. »