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À Sari d'Orcinu et à Alata, Myriam et Stella élèvent les ânes corses


Livia Santana le Dimanche 9 Juillet 2023 à 20:08

Depuis la reconnaissance de la race d’âne corse, Myriam Beauvair et Stella Zonza ont décidé de se lancer dans la filière asine. Les deux femmes veulent produire des cosmétiques à base de lait d'ânesse, mais la tâche est loin d'être aisée…



Stella Zonza a accueilli ses premiers ânons en mai dernier
Stella Zonza a accueilli ses premiers ânons en mai dernier
Myriam Beauvoir et Stella Zonza se connaissent à peine, elles n’ont pas le même âge, l’une est de Sari d’Orcinu, l’autre d’Alata, pourtant, sans le savoir, elles ont un destin commun. Toutes deux ont tout abandonné pour se consacrer à leur passion : les ânes. Cet amour les a menées à, individuellement, quitter leur métier respectif et développer leur activité d’éleveuse asine. Pour les deux femmes, cette nouvelle orientation professionnelle intervient quelque temps après la reconnaissance de la race « âne corse » en juin 2020. 

"Être au contact des animaux"

C’est durant la période Covid, que Myriam Beauvoir, CPE dans un collège depuis une vingtaine d’années, se rend compte qu’elle ne veut plus faire ce métier. La femme d’une quarantaine d’années passionnée d’équitation depuis toujours, a depuis longtemps dans un coin de la tête, le projet de faire du lait de jument, une matière première pleine de vertus quand on l’intègre dans des cosmétiques. Après une mûre réflexion, elle abandonne l’idée. «Un élevage de juments cela coûtait très cher, alors je me suis tournée vers les ânesses, car les bienfaits de leur lait sont presque identiques », explique la femme. Très vite, ce projet résonne comme une évidence, elle demande donc de passer à mi-temps au collège : « J’habite au village, j’aime être au contact des animaux et se lancer dans l’élevage, cela permet de gérer mon temps de travail comme je le veux.»

Myriam Beauvoir qui possède déjà un petit terrain fait l’acquisition de deux ânes de race corse et de quatre autres. En parallèle, elle commence des formations pour fabriquer de la cosmétique artisanale et une formation agricole. Elle se rend par la suite dans des asineries sur le continent pour apprendre à traire ainsi que la saponification à froid. Deux ans plus tard, elle lance sa marque Asinella et commence à produire des savons avec du lait d’ânesse appartenant à une de ses connaissances. « Je n’ai pas encore eu de petits alors je ne produis pas encore de lait », se désole la nouvelle éleveuse qui vend désormais sa petite production sur les marchés. 

Pour pouvoir agrandir son cheptel, elle se met en quête d’un terrain. « Je ne pensais pas que se lancer allait être aussi compliqué », confie-t-elle alors qu'elle est toujours en quête de foncier. Mais Myriam Beauvoir reste confiante concernant les débouchés de sa nouvelle activité . « Les savons se vendent bien et je crois à un véritable retour de la cosmétique naturelle », poursuit-elle. À long terme, elle aimerait doubler son nombre de bêtes pour pouvoir produire des laits pour le corps ainsi que des crèmes pour le visage.

Myriam Beauvair fabrique et vend ses cosmétiques à base de lait d'ânesse
Myriam Beauvair fabrique et vend ses cosmétiques à base de lait d'ânesse
« C’est un rêve qui se réalise » 

À Trova, sur la commune d’Alata, Stella Zonza, 37 ans, vit désormais un rêve éveillé. « À présent, je me lève tous les matins heureuse de savoir que je vais aller les brosser, les soigner, nettoyer les terrains et faire des choses très différentes à l'extérieur », se réjouit la nouvelle éleveuse. Pour cette femme, le milieu agricole n’était pas inconnu. Durant un peu plus de 6 ans, l’agricultrice était installée en filière maraîchère. Après des problèmes de santé, elle n’a plus pu continuer. Un temps, elle s’est tournée vers la restauration, mais la période Covid a vite interrompu son activité. C’est à ce même moment qu’elle a décidé de se réorienter et de vivre enfin son rêve : élever des ânes pour produire de la cosmétique. 

Naturellement, elle se tourne vers un ami de sa famille, le ponte de la filière asine en Corse, le président de l’association « U sumeru corsu », Eugène Tramini. « Cet homme est un puits de savoir, il m’a tout appris et tout transmis. Il est vraiment passionné, alors quand le projet s’est dessiné, j’ai été de suite le voir c’était une évidence », se souvient-elle. Des conseils sur l’élevage quotidien des ânes, à la préparation des saillies en passant par la traie… le vieil homme lui enseigne tout et se rend disponible à toutes heures pour répondre à ses questions. 
 
Si l’élevage ne pose pas de problèmes, c’est sur le plan administratif que la tâche s’avère plus complexe. « Pour obtenir les aides d’installation de l’Odarc il faut un cheptel d’un minimum de 15 ânesses », indique Stella Zonza. Par chance, elle dispose d’un petit terrain de famille qui lui permet d’y installer ses bêtes et de faciliter le développement de sa structure « A runcata » (Ndlr; le braiment de l’âne en Corse). En 2022, elle obtient enfin le feu vert de l’Odarc pour débuter son parcours d’installation. « Ça a été un véritable soulagement », indique la femme qui a fait beaucoup de concessions pour atteindre cet objectif, notamment, louer son appartement pour s’assurer un petit revenu. Mais ses efforts n’ont pas été vains. Notamment depuis l’arrivée le 21 mai dernier de Niolu, son premier petit ânon de race corse. « À sa naissance, j’ai compris pourquoi j’avais fait autant de sacrifices », lance-t-elle très émue.