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A Bastia, la confrérie San Carlu célèbre l'Office des Ténèbres


J.C. le Mercredi 27 Mars 2024 à 09:31

Au cœur des traditions sacrées de la Semaine Sainte, l'office des Ténèbres reste une célébration d'une solennité et d'une profondeur remarquables. Ce Jeudi Saint à 20 heures, l'église San Carlu à Bastia deviendra le théâtre d'une liturgie intense, mêlant lectures bibliques et chants sacrés, éclairant ainsi le chemin vers la résurrection. La confrérie San Carlu, qui préside cette cérémonie, déploie une fervente dévotion lors de ce moment où les ténèbres semblent régner, contrastant avec l'éclat de la lumière divine. Pierre-Jean Didier, hospitalier de la Confrérie, détaille les différentes étapes de la célébration.



En 1997, la confrérie San Carlu a été relancée par une poignée de laïcs. Elle compte maintenant environ quarante membres nommés Hospitaliers, dont le président Pierre-Jean Didier. Celui-ci assiste aux différents évènements organisés au sein de la confrérie depuis les 24 dernières années. Chaque année à San Carlu se déroule la cérémonie des Ténèbres, un moment de recueillement et de réflexion durant lequel les participants peuvent exprimer leurs sentiments religieux. Comme ses confrères, Pierre-Jean est rompu au déroulement et à la symbolique de cet office."La célébration des Ténèbres transmise par des confrères italiens, remonte aux âges anciens. Afin de s’approprier l’esprit de cet office, notre confrérie s’est engagée dans la traduction en corse des textes ; le travail n’est pas terminé. Nous n’avons pas souhaité avoir un caractère lettré, car pendant E Tenebre, les textes sont lus ; on est dans une forme parlée de la Parole qui s’adapte aussi à notre espace. Nos recherches, nos rencontres et notre foi nous permettent de nous enrichir. E Tenebre symbolise la mort du Christ ; cet office raconte l’itinéraire du cheminement du Christ vers sa mort. Dans l’église, au fur et à mesure que les lumières s’éteignent, il fait de plus en plus sombre et c’est seulement à ce moment que le clair apparaît. Le chandelier qui porte 15 bougies s’éteindra à chacune des étapes de la célébration. Une seule bougie restera, celle qui représente la lumière du monde. La symbolique est forte : de la conscience de la mort à la résurrection. C'est dans cet esprit-là que notre confrérie s'implique et chacun de nous est toujours déboussolé lors de cette commémoration. Récemment, nous avons repris un terme anciennement utilisé, il s'agit de U Passiu. Ce mot vient de la fête de Pessah, son caractère sacré annonce le passage de l'ombre à la lumière." explique-t-il.

À San Carlu, E Tenebre est une pratique riche en symbolisme, associée à l'extinction progressive des bougies et des cierges qui illuminent discrètement l'église, les fidèles et quelques badauds aussi se retrouvent bientôt dans l'obscurité avant l'aube mystérieuse de la résurrection.
 
 


Prières, vacarme et granitula, le triptyque de l'espérance
Dans le monde spirituel, E Tenebre se démarque par son caractère ésotérique et profondément symbolique. La confrérie San Carlu s’inscrit dans cette démarche. Les différentes étapes de la célébration vont mêler tradition et dévotion, qui incarnent la quête humaine éternelle du sens. L’office commence par l’entrée en procession de tous les confrères. Dans l’église, le clair-obscur occupe tout l’espace et le dépouillement des autels, ce qui montre l’entrée du Christ dans sa Passion. Pierre-Jean explique : « Placées devant l’autel, les 15 bougies représentent les 12 Apôtres et les 3 Marie. La 15e bougie marque le corps du Christ qui n’est plus, mais c’est le lien entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit que nous voulons montrer aux fidèles. »

« Lors de cet office, chaque confrère, dans l’intimité de son cœur, lit et chante. Nous sommes en pleine prière ; nous vivons intensément ce récit qui est ponctué de lectures des Évangiles, de psaumes, d’antiennes et de chants, tout est dit en corse. Petit à petit, la bougie blanche s’éteint, laissant la seule bougie rouge qui représente l’espérance du Christ ressuscité. Ensuite, intervient le temps du silence, qui est interrompu par le vacarme des cloches et des chaînes que des confrères battent derrière l’autel. Cet épisode montre la vérité au monde : le ciel s’est fendu lors de la mort du Christ, c’est un cataclysme, et nous sommes plongés dans les ténèbres.» 
« En procession dans la nef centrale, les confrères sortent de l’église pour occuper l’espace profane, la granitula peut alors commencer à la lueur du seul cierge qui reste allumé. » Le confrère poursuit "Le massaru est celui d'entre nous qui guide la granitula, qui s'enroule en un premier cercle sacré marquant les points cardinaux. Nous passons ensuite vers le point dur qui correspond au vacarme, celui de la mort. Puis, on dénoue 3 fois, cette étape nous ramène dans l'espoir de la renaissance. Et enfin, nous formons une croix, l'espace profance, le parvis de l'église devient sacré. La procession regagne l'intérieur, la bougie est conservée, elle servira à allumer le feu du samedi saint.'"

L'office terminé, le questionnement sur la vie du Christ resurgit sur celle des paroissiens que la prégnance di U Passiu a suscité. À l'extérieur, la distribution des fritelle erbose, des beignets aux 7 herbes, vient clore et adoucir l'émotion palpable chez tous. Di pettu à u lume si sò  sdrutte eTenebre.