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​Jean-Michel Cavalli : "Je ne me suis jamais senti aussi Corse que durant le coup d’Etat au Niger"


Patrice Paquier Lorenzi le Jeudi 21 Décembre 2023 à 10:12

Sélectionneur de de l’équipe nationale du Niger pendant plus de trois ans, Jean-Michel Cavalli a décidé d’arrêter l’aventure d'un commun accord avec la Fédération après le coup d’état militaire du mois de juillet. Rentré à Ajaccio, l’ancien entraineur du GFCA, de Lille, d’Al Hilal, d’Al Nassr ou du Wydad Casablanca notamment, revient sur ces années passées à la tête du Niger. Agé de 64 ans, il étudie actuellement les offres qui se proposent à lui avant de continuer à partager son expérience et sa science du football afin de poursuivre à vivre sa passion dévorante du ballon rond.



Jean-Michel Cavalli est resté trois ans à la tête de la sélection nationale du Niger.
Jean-Michel Cavalli est resté trois ans à la tête de la sélection nationale du Niger.
- Vous avez mis fin à votre collaboration en tant que sélectionneur du Niger, quel bilan tirez-vous de ces années ?
-Pour rester 3 ans et demi, dans une sélection, il faut déjà se dire que le travail effectué a été apprécié. C’est déjà une performance en soi. Le Niger a été pour moi une très belle aventure sportive, humaine et sociale. Je suis arrivé à une période très compliquée pour le football au Niger, qui restait sur une très lourde défaite à domicile face à Madagascar (2-6). C’était le désert footballistique. À partir de là, j’ai effectué un audit et j’ai pu constituer un groupe de 30 joueurs avec lesquels j’ai pu travailler.
 
-Vous retrouvez ensuite l’Algérie dans votre groupe de qualification à la Coupe du Monde 2022 puis encore pour la qualification à la CAN…

- Oui, durant cette phase de qualifications à la Coupe du monde, nous prenons quand même 7 points tandis que le seul qualifié du groupe en avait pris 11, et c’était l’Algérie donc un adversaire forcément difficile. Contre eux, nous étions malheureusement passés complètement au travers. Et rebelote lors de la CAN, malgré de bons matchs face au Burkina Faso et Madagascar notamment. Ces résultats encourageants pour la suite m’avaient conforté dans mon poste de sélectionneur, car nous avions redoré le blason de cette équipe du Niger. Lors de la CHAN 2023, les résultats ont d’ailleurs été à la hauteur puisque nous avions créé la surprise en nous hissant en ½ finale de la compétition.
 
- Votre plus grand regret ?
- Sans aucun doute les U23 ! Nous nous sommes qualifiés pour la CAN. C’est la catégorie des Jeux olympiques. Après deux bons résultats, nous nous sommes fait éliminer sur un coup du sort à deux minutes du coup de sifflet final. C’est quelque chose qui me reste en travers de la gorge. Car, aller aux Jeux olympiques de Paris 2024 avec le Niger, cela aurait été quelque chose de fabuleux. Avoir été éliminé sur un fait de jeu est vraiment regrettable. Faire les Jeux olympiques en France aurait été la cerise sur le gâteau pour l’ensemble de ma carrière. On était reparti sur un cycle et puis est arrivé ce qui est arrivé…
 
- Arrive alors ce fameux 26 juillet et le coup d’État au Niger…
- Quand j’ai appris cela, nous étions au Maroc, en train de préparer deux matchs là-bas face à l’équipe nationale et l’Ouganda. J’ai de suite compris que cela allait être compliqué par la suite. Sur ce coup-là je tiens à vraiment remercier le Président de la Fédération Djibrila Hamidou dit Pelé et le chef de délégation Tiemogo Soumaila, dit l’Empereur, qui a de suite été à mes côtés pour me protéger et que tout se passe bien. Ils ont pu également me faire partir en France dans de bonnes conditions. Là, où je suis déçu en revanche, c’est que ni l’État français ni les institutions du football françaises ne sont demandés ce qu’il advenait de ma situation alors que le pays était en guerre. J’étais une cible numéro 1 en tant que citoyen français et sélectionneur du Pays. Cela a été une grande déception pour moi. Je ne me suis jamais senti aussi Corse que ce jour-là. J’étais en première ligne et j’ai du mal à comprendre et accepter cela. Il y a quand même eu un gouverneur d’un Consulat qui a été enfermé avec des employés une trentaine de jours. Le gouvernement ne s’est pas soucié de mon cas, ou de savoir ce qui pouvait m’arriver. Tout cela m’interpelle et m’interroge. Je ne peux que remercier que les instances du football nigérien de m’avoir soutenu et protégé durant cette période. Cela a mis fin à notre collaboration sportive, mais d’un point de vue humain, la reconnaissance a été d’un grand salut. Cela fait chaud au cœur.
 
- Avez-vous senti venir les choses dans la vie de tous les jours là-bas ?
- Non pas du tout ! C’est un pays francophone. On parlait souvent de ce qui pouvait se passer dans les pays alentour comme au Mali par exemple, mais rien ne laissait présager une telle issue. Même le Président, en personne, ne s’en doutait absolument pas. Ce sont des gens qui parlent très bien le français, je n’ai jamais eu de soucis là-bas en trois ans et demi. C’est un peuple très chaleureux. Tout cela a été incompréhensible et réel d’une surprise. Après, je suis resté 30 mois sur place au Niger et c’est vrai que la vie n’est pas facile. Je me suis également beaucoup investi au niveau social et caritatif, car c’est un pays qui le mérite. Footballistiquement parlant, c'était difficile d'avoir des performances, car le football n'est même pas le sport numéro 1 (la lutte est le sport national au Niger), mais nous avions remis le pays sur de bons rails grâce notamment à une expatriation de nos joueurs en Europe. J’aurais laissé là-bas, je pense, un socle solide pour les années à venir, du moins je l’espère.
 

 
- Il était inconcevable de continuer ainsi pour vous ?
- Pour les deux parties, il valait mieux arrêter. Nous nous quittés en très bons termes comme une famille. Parfois, il ne faut pas insister quand les aléas de la vie passent par là. Après ce putsch au Niger, nous jouons un match à Marrakech, le jour même du tremblement de terre. Cela fait quand même beaucoup en deux mois et demi… Il faut savoir dire stop. Maintenant je vais me reposer. Vous savez, j’ai souvent entraîné des équipes qui jouaient la Ligue des champions, ou des sélections à forte pression, qui jouaient la CAN, comme l’Algérie. Je suis sollicité par des sélections notamment, et une équipe européenne qui joue l’Europa League, je vais réfléchir tranquillement.
 
- Quel regard portez-vous sur le football corse ?

- La situation du Gazélec d’Ajaccio me fait beaucoup de peine. Je ne vais pas refaire l’histoire, mais le GFCA pour moi, c’est mes débuts, c’est beaucoup d’histoire, beaucoup d’émotion. C’est une catastrophe au niveau sportif, mais le Gazélec refera surface, tôt ou tard comme tous les clubs corses qui ont eu des problèmes comme le Sporting, avec la catastrophe de Furiani, ou l’ACA, quand le club a disparu pendant des années. Nous les Corses, nous avons cette qualité et l’Histoire n’est jamais finie…
 
-La Squadra Corsa ?
- Je lui souhaite de vivre et faire vivre des émotions et de donner de l’espoir aux footballeurs corses ; de donner de l’espoir aux dirigeants corses afin de montrer, qu’on peut faire avec les nôtres, c’est cela le plus important. Bien entendu, on ne peut pas faire qu’avec les nôtres, mais en tout cas, quand on vît des émotions comme contre la Bulgarie par exemple, cela reste des souvenirs impérissables. Comme également, ce match en mémoire des victimes de Furiani. Pour le reste, le temps fera son histoire.