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Malgré sa remise en question, la mise en place du protocole sanitaire au lycée du Fangu est applicable, selon Jean-Martin Mondoloni

Covid-19


Pierre-Manuel Pescetti le Jeudi 5 Novembre 2020 à 14:37

Mardi 3 novembre des étudiants ont bloqué le lycée Giocante de Casabianca à Bastia. En cause, le protocole sanitaire renforcé appliqué dans l’établissement qu’ils jugent insuffisant dans un contexte actuel de recrudescence de l’épidémie de Covid-19. Face aux doutes et aux inquiétudes des lycéens et des parents, Jean-Martin Mondoloni, proviseur du lycée, se veut rassurant.



Jean-Martin Mondoloni, proviseur du lycée Giocante de Casabianca de Bastia
Jean-Martin Mondoloni, proviseur du lycée Giocante de Casabianca de Bastia
- Concernant le protocole sanitaire, qu’est-ce qui a changé par rapport à la rentrée de septembre ?
- Ce n’est pas un nouveau protocole. C’est ce qu’on a appelé un protocole renforcé, et il est utile de rappeler que le premier était déjà opérant et efficient.  En effet du 1er septembre au 16 octobre on a dénombré que 5 cas positifs au Covid-19 au lycée du Fangu et aujourd’hui, à la rentrée de la Toussaint on en dénombre 5 nouveaux. Ceux déclarés aujourd’hui ont été testés hier : c’est donc bien la démonstration factuelle que c’est dans la sphère privée, c’est-à-dire pendant les vacances scolaires, que les jeunes sont entrés en contact avec le virus et non pas au lycée.
Le protocole initial a bien fonctionné mais il faut faire en sorte qu’il marche encore mieux. 

- Quels sont les principaux changements ?
-  Il y a interdiction de stationner devant l’établissement en raison du plan Vigipirate et des règles de confinement, les élèves ne devront donc plus sortir en dehors du lycée pendant la récréation et la cour a été divisée en 3 espaces différents : un pour les classes de seconde, un pour les classes de première, un pour les classes de terminales. Concernant la demi-pension, là où on pouvait organiser un service unique avec une tolérance de distance entre les élèves de 80 cm, on fait trois services en discontinu qui débutent à 11 heures 30 et se terminent à 13 heures 15 et où les élèves mangent en quinconce ce qui leur permet d’être à plus d’un mètre les uns des autres. On a donc optimisé l’existant mais plus vous optimisez ces règles et plus ça devient privatif.

- Ce protocole renforcé est-il réellement applicable ?
Oui il l’est sinon on n’ouvrirait pas. Mais avant de pouvoir dire s’il est applicable ou pas il faut le lire. Souvent les gens qui disent qu’il n’est pas applicable ne l’ont pas lu. Il faut comprendre qu’il y a des règles qui ne sont pas codifiées au centimètre près. On est donc dans l’esprit du protocole. Le problème des gros établissements c’est la circulation. On réfléchit à des sorties décalées mais cela pose d’autres problèmes au niveau des transports, par exemple. On peaufine le tout. Le modèle est posé de manière théorique et ensuite on le fait vivre.

- L’idée de faire du mi-distanciel, mi-présentiel a été évoquée par le ministère. Est-ce envisageable au lycée du Fangu ?
- Nous avons travaillé sur le sujet cet après-midi (NDLR mercredi 4 Novembre) en visio-conférence avec le rectorat puisqu’il y a une demande. Ce n’est pas stupide dans le contexte actuel que des enseignants responsables demandent du distanciel, nous sommes obligés d’y réfléchir. Maintenant il faut y mettre de l’ingénierie pédagogique. Par exemple s’il s’agit qu’on fasse deux groupes, l’un en présentiel et l’autre en distanciel qui inversent toutes les semaines alors à chaque fois l’un des deux sera lésé. On s’en est bien rendu compte au début de la crise du Covid-19, le métier de professeur est un métier d’incarnation. Il faut assister les enseignants on ne peut pas improviser et faire de l’enseignement hybride en un claquement de doigt.

- Parents et élèves sont inquiets qu’avez-vous à leur dire ?
- Je veux les rassurer. Au lycée les élèves se sentent dans un cadre où ils sont plus obligés de respecter la règle. Par exemple avant de rentrer dans l’établissement ils ne portent pas forcément le masque mais quand ils franchissent les grilles du lycée ils le mettent. On a été très surpris, les élèves ont été très disciplinés dès la rentrée. Il y a une sorte de discipline dans l’établissement et les élèves y sont mieux protéger statistiquement et factuellement. Il n’y a pas de clusters dans les établissements de Corse. Ça ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas améliorer le protocole et c’est la raison pour laquelle j’ai pensé qu’on pouvait mieux faire à la cantine en faisant trois services plutôt que d’en faire un seul même s’il faut malheureusement rogner sur le temps de cours. Le message que je veux faire passer c’est que les parents soient aussi exigeants avec leurs enfants dans la sphère privée que nous le sommes dans la sphère publique. C’est une conviction de dire que les élèves sont relativement bien protégés au lycée.

- Quel est votre sentiment quant à la vague de contestation des lycéens ? Est-ce que vous la comprenez ?
Evidemment qu’on comprend c’est d’ailleurs notre métier de comprendre. On ne fait pas ce métier là si on n’est pas capable d’écouter un jeune qui est quelqu’un qui doute. On leur donne les outils pour mieux comprendre le monde. Il y a beaucoup de gens qui travaillent pour garantir à chacun les meilleures conditions de présence dans l’établissement au confluant de deux crises inédites : l’une est sanitaire et l’autre est sécuritaire. J’en appelle aux parents et à leur responsabilité afin qu’ils disent bien à leurs enfants de respecter les gestes barrières comme ils le font dans l’établissement, qu’ils ne s’attroupent pas devant le lycée car il y a des fanatiques qui passent leur vie sur les réseaux sociaux et qui, s’ils savent qu’il y a un attroupement peuvent avoir des idées sombres. Il y a aussi ce souci-là. Lorsque les élèves arrivent à 8h on a un réflexe paternaliste. On a cette charge lourde de se dire qu’on a 1 300 enfants qui appartiennent à des familles avec des parcours et des trajectoires différentes. Cela n’interdit pas l’expression de la diversité d’opinion, la colère, la révolte, l’insurrection des esprits qui est même partie prenante du parcours éducatif mais ensemble c’est un combat qu’on va gagner. Il faut avoir confiance dans les institutions avec la part d’erreur qui s’attache à toute démarche et avec beaucoup d’humilité.