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Crise liée au Covid-19 : les intermittents du spectacle corses en difficulté


Pierre-Manuel Pescetti le Dimanche 1 Août 2021 à 15:05

Avec la recrudescence de l'épidémie en Corse et les nouvelles mesures sanitaires mises en place dès le 21 juillet, les annulations et les reports de représentations se multiplient pour les intermittents du spectacle. Une situation des plus inconfortable pour ces professionnels qui doivent absolument valider un certain nombre de dates pour renouveler leur statut d'intermittent.



Entre un bon début de saison et des annulations qui se multiplient dès le mois d'août, les intermittents du spectacle corses restent dans l'inquiétude de ne pas renouveler leur statut. Crédits Photo :  Alte Studio / Spaziu culturale Natale Rochiccioli
Entre un bon début de saison et des annulations qui se multiplient dès le mois d'août, les intermittents du spectacle corses restent dans l'inquiétude de ne pas renouveler leur statut. Crédits Photo : Alte Studio / Spaziu culturale Natale Rochiccioli
Ils sont musiciens, chanteurs, danseurs, comédiens, techniciens et ont tous un point en commun : ils sont intermittents du spectacle. Un métier mis à mal depuis mars 2020 par la crise sanitaire et l’impossibilité de se produire. Si l’horizon semblait se dégager au début de l’été 2021, la recrudescence du nombre de contaminations et les nouvelles mesures sanitaires entraînent les annulations en cascade des dates prévues au mois d’août. Un danger pour ces professionnels du spectacle qui doivent justifier de 43 dates déclarées par an pour bénéficier de leur statut d’intermittent. Si la Corse, grâce au grand nombre d’évènements qui se déroulent l’été, semble être un paradis pour eux, la deuxième partie de saison pourrait bien se révéler être un enfer.

Jérémy Lohier est l’un d’entre eux. Musicien, ingénieur du son et de la lumière, il porte la double casquette. « Sur la saison, une dizaine de dates a sauté ! » désespère-t-il. Plus le temps passe et plus les annulations se multiplient. En cause, la prise de décision des organisateurs des représentations qu’ils soient des organismes publics, privés ou les intermittents eux-mêmes comme l’explique Jérémy Lohier : « il y a deux types de situations. Les annulations qu’on nous impose, celles décidées par la préfecture ou les organisateurs et celles que nous décidons nous-même car nous ne sommes pas sûr d’arriver à remplir le public à cause du passe sanitaire ».

Une incertitude constante

Pourtant, malgré une baisse de fréquentation enregistrée depuis le 21 juillet et l’obligation de présenter un passe sanitaire lors des spectacles, il est possible de travailler correctement. « Par exemple, la semaine dernière à Serra-di-Ferro, près de 200 personnes sont venues assister à l’opéra Madama Butterfly. Nous avons simplement recruté des infirmières pour effectuer des tests antigéniques à l’entrée » explique Jérémy Lohier qui note une méconnaissance de certains organisateurs, apeurés par l’idée de ne pas rentabiliser leur investissement.

Puis il y a les concerts en autoproduction, où la charge financière pèse entièrement sur les épaules des intermittents. « Un concert en autoproduction c’est aussi 48 heures de travail, entre l’affichage, la communication, le déplacement, la prestation et l’enlèvement des affiches après » précise Jérémy Lohier. Autant de travail qui part en fumée lorsque les concerts sont annulés.

La course pour le statut d’intermittent

Tous craignent la même chose : ne pas renouveler leur statut en loupant l’objectif des 43 dates. Un stress supplémentaire pour ces professionnels qui courent après les représentations. « Dans notre malheur nous avons quand même la chance d’être soutenus par le ministère de la culture qui a repoussé les aides jusqu’au 31 décembre 2021 » note une comédienne de la troupe U Teatrinu.

Mais qu’en est-il de ceux qui n’étaient pas intermittents l’année passée et qui veulent le devenir en 2021 ? Ces derniers n’ont droit à aucune aide. Le groupe Supplément Cheese en est l’exemple parfait. Composé de 6 jeunes musiciens et chanteurs, certains sont déjà intermittents, d’autres primo entrants au statut. C’est le cas de l’un d’entre eux qui désespère de voir les annulations se multiplier et son statut s’éloigner. « Déjà 6 dates ont été annulées et d’autres vont sûrement l’être. Si je n’arrive pas à avoir toutes mes dates je vais devoir faire un autre métier pour gagner ma vie en attendant des jours meilleurs ».

Bousculer le calendrier

Lorsque le téléphone sonne tous craignent l’annulation. Certaines fois, le simple report est privilégié. Une solution qui n’arrange pas totalement certains professionnels. C’est notamment le cas des danseurs et des comédiens qui préparent un spectacle tout au long de l’année et qui doivent enchaîner les projets. Déborah Lombardo est danseuse professionnelle et pour elle, « c’est l’embouteillage ». Elle doit jongler entre les anciens projets et ceux en préparation, laissant passer certaines opportunités, faute de temps.

Même chose pour les comédiens de la troupe de théâtre U Teatrinu qui compte une dizaine d’intermittents. « Nous jouons deux spectacles en même temps : celui qui devait l’être cet hiver et qui a déjà été reporté et celui que nous avons préparé pour cet été » explique Jean-Pierre Giudicelli, un des comédiens de la troupe.

La peur d’être contaminé

Devant l’obligation d’obtenir leurs 43 dates, les intermittents sont déterminés. Même si certains préfèrent annuler leur tournée de peur d’être trop exposés au virus. « Les artistes font souvent des résidences dans lesquelles ils passent plusieurs jours tous ensemble dans un même lieu. Il y a aussi la peur d’être contaminé et de le refiler aux autres » raconte Jérémy Lohier. D’une part, le sentiment d’altruisme, de l’autre l’impossibilité de continuer la tournée car, une personne contaminée doit rester confinée 10 jours. Du temps précieux pour les groupes qui doivent se passer d’un de leurs membres et se résoudre à annuler leur spectacle.

Au-delà des aspects purement pécuniaires et administratifs, ces artistes sont encore une fois privés de représentations. Un manque de contact avec le public qui met un coup au moral car tous l’assurent : « l’envie de jouer est plus forte que jamais ».