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Mylène Jacquet (association Savannah) : "Il est important de faire ouvrir les yeux au Gouvernement sur les sévices que subissent les femmes"


Philippe Peraut le Jeudi 7 Mars 2019 à 18:15

Un drame. Un de plus. Un de trop. Le meurtre de Julie Douib, dimanche dernier à l’Isula Rossa a plongé, une fois encore, la Corse dans la consternation. Une fois de plus. Une fois de trop. Mais c’est justement pour que l’on n’ait plus de tels drames à subir, sur l'île ou ailleurs, qu’à l’appel de différentes associations, la population descendra dans la rue. Une marche blanche à l’Isula Rossa, un rassemblement à Bastia, plage de l’Arinella, ce jeudi. Et dans la foulée une troisième à Ajaccio à l’initiative de Mylène Jacquet, responsable de « Femmes Solidaires d’Ajaccio » et de l’association « Savannah », en hommage à sa fille décédée en mai 2016.



Mylène Jacquet (association Savannah) : "Il est important de faire ouvrir les yeux au Gouvernement sur les sévices que subissent les femmes"
- En quoi consiste la marche de dimanche ?
- C’est une initiative que j’ai prise dès le lundi qui a suivi l’assassinat de Julie Douib. Je me suis dit qu’il fallait, cette fois, manifester notre indignation en mobilisant beaucoup de monde. Il doit y avoir une révolte des femmes, de la rue et des élus. On ne peut plus subir chaque année, de tels drames. Ainsi, l’antenne « Femmes Solidaires » de Bastia, organise un rassemblement à l’initiative de Rosy Sarrola, à Ile-Rousse, des proches de Julie organisent une marche blanche. J’ai, personnellement, pris l’initiative d’organiser une marche blanche dimanche à Ajaccio avec le soutien du Centre d’Information des Droits de la Femme et de la Famille (CIDFF). On espère beaucoup de monde. La manifestation a été annoncée sur le site de la Ville d’Ajaccio. Il est important qu’elle rassemble le plus de monde possible. D’autres partenaires, préoccupés par le sujet des violences faites aux femmes seront également là.


- L’objectif n’est-il pas de créer, cette fois, une manifestation d’une plus grande ampleur ?
- Nous aimerions tous que la France entière soit au courant de ce qui est arrivé. Si cela reste à l’échelle locale, l’impact sera trop limité car nous voulons, cette fois, associer à cette démarche toutes les femmes de France. On doit protester et soutenir la famille. Mais surtout rassembler, unir dans notre sillage, toutes les femmes qui subissent des violences. Il faut aller plus loin. Malgré l’implication de toutes les associations, les violences continuent, les femmes qui subissent des sévices refusent d’en parler et, bien souvent, il faut le souligner, les craintes ne sont pas prises en compte par les pouvoirs publics. Malgré la gravité de certains faits, les femmes ne sont pas assez protégées. On aurait très certainement pu éviter le drame d’Ile Rousse. Julie Douib a malheureusement été victime alors que l’entourage était au courant et qu’elle avait déposé plainte. Cela ne doit plus se reproduire. Jamais !


- Quelles solutions préconiseriez-vous ?
- Il faut, à mon sens, un travail important au niveau des consciences. Le respect de la vie humaine doit s’imposer. On doit pouvoir mettre en place des modules de formation à la non- violence et casser tous les stéréotypes sur la place de la femme dans la société. Cette place a peu évolué quoiqu’on en dise. Et puis, on doit intégrer ce volet dans la formation des gendarmes ou de tous les métiers qui travaillent au niveau de la justice. De manière à ce que les réactions soient beaucoup plus rapides et adaptées aux situations.


- Le fléau des violences faites aux femmes est-il plus important en Corse qu’ailleurs ?
- Le pourcentage doit rester identique. Mais nous sommes une petite île et trop souvent, les femmes subissent de tels drames. Il y a deux ans et demi, c’était Savannah. Joannah en 2010, Julie aujourd’hui, Jennifer aussi et il s’agit là de femmes qui sont tuées. Derrière, il y a toutes celles qui subissent des pressions ou sont battues et dont très peu parlent. L’objectif de ces associations et de nos actions, c’est aussi une manière de les inviter à parler et à se dire qu’elles ne sont pas seules. Mais il nous faut plus de moyens. Il nous faut des hébergements d’urgence, des locaux de manière à aider ces femmes dans le besoin qui ne savent pas où aller et restent sous une emprise qui peut s’avérer dramatique.


- Un lien existe-t-il au niveau national entre les femmes qui subissent de tels comportements ?
- Plus le réseau sera lié, plus cela montrera l’importance du phénomène. Si les associations communiquent et font ressortir tous les appels reçus, toutes les situations difficiles à gérer, cela peut commencer à faire bouger les choses. Il faut faire ouvrir les yeux au Gouvernement. Nos revendications (hébergements, prises en charge plus rapides, lois plus dures) ne sont, pour l’heure, pas prises en comptes. On a l’impression que nous sommes seuls, peu ou pas entendues. On a rencontré les élus de Corse et cela a débouché sur un observatoire de la violence avec un état des lieux qui permette, à terme, de voir ce qu’il a lieu de faire mais nous aimerions des mesures nationales pour lutter contre ce fléau. On ne peut plus subir.