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30 ans après, l'enfer de Furiani encore dans toutes les mémoires


Pierre-Manuel Pescetti le Mardi 26 Avril 2022 à 21:49

Il y a trente ans, le 5 mai 1992, la tribune Nord du stade de Furiani s’effondrait avant la demi-finale de Coupe de France entre le SCB et l’OM, emportant avec elle des milliers de personnes. Le drame de Furiani reste ancré dans les mémoires, même au-delà de l’île. Retour sur ce qui devait être un soir de fête, devenu à jamais une nuit d’effroi.



Au milieu des débris métalliques et des corps brisés, secours et spectateurs tentent de sauver les milliers de personnes tombées avec la tribune. Archive : Gérard Baldocchi
Au milieu des débris métalliques et des corps brisés, secours et spectateurs tentent de sauver les milliers de personnes tombées avec la tribune. Archive : Gérard Baldocchi
Les abords du stade Armand Cesari à Furiani sont noirs de monde en cette fin d’après-midi printanière du 5 mai 1992. Le Sporting Club de Bastia, alors en deuxième division, accueille l’ogre marseillais. Triple champion de France, vice-champion d’Europe en titre, l’Olympique de Marseille se déplace en terre corse pour la demi-finale de la Coupe de France de football.

Papin, Boli, Amoros, Pelé, Waddle. Les stars de l’OM de Bernard Tapie sont toutes là, prêtes à affronter l’antre de Furiani. Celui où, 14 ans plus tôt, les grands d’Europe ont tremblé face aux bleus de Claude Papi lors de l’épopée européenne de 1978. Celui où, l’espace de 90 minutes, les Corses venus de toute l’île ne font qu’un et rugissent tel un lion que rien ne peut entraver.

De 9 000 à 18 000 places en quelques jours

Quelques heures avant le coup d’envoi prévu à 20h30, la foule presse le pas. C’est l’évènement à ne pas manquer. Pour l’occasion, Armand-Cesari, l’un des plus vieux stades de France, et l’un des plus vétustes, a doublé sa capacité d’accueil. Ce soir du 5 mai 1992, il peut accueillir près de 18 000 spectateurs contre 9 000 habituellement. En une dizaine de jours, l’ancienne tribune Nord Claude Papi est détruite et remplacée par des gradins de 9 000 places.

Un colosse aux pieds d’argile

À 20h23, la partie supérieure de la tribune provisoire s'écroule. Archive : Gérard Baldocchi
À 20h23, la partie supérieure de la tribune provisoire s'écroule. Archive : Gérard Baldocchi
La nouvelle tribune attire l’œil. Pas de la meilleure des manières. Depuis plusieurs jours, des réserves sont émises quant à sa solidité. Malgré les observations des commissions de sécurité successives qui jugent « le niveau de sécurité très insuffisant », la tribune est validée, non sans zones d’ombres administratives et manipulations illégales mises en lumière par les procès des années suivantes.

Squelette métallique haut d’une vingtaine de mètres, l’édifice est un colosse aux pieds d’argile, reposant sur des parpaings et des planches de bois posés à même le sol en tuf. Scène surréaliste, à quelques minutes du coup d’envoi, des employés s’affairent encore à serrer des boulons au cœur de la structure.

« Ne tapez pas des pieds sur la partie en fer ! »

Certains habitués feront le choix de changer de tribune quelques minutes avant le match. D’autres, près de 9 000, grimpent les marches vers le sommet, insouciants. Cette soirée promet d’être belle et peut porter Bastia vers les cimes du football français. Les supporters en sont conscients. On chante, on crie, on tape des pieds sur la structure pour maintenir Furiani à la hauteur de sa légende, celle d’un chaudron bouillonnant de ferveur et de passion.  À 20h15, le speaker du stade, Jean-Pierre Paoli tente de calmer les supporters, poussé par les dirigeants et des représentants de la sécurité : « ne tapez pas des pieds sur la partie en fer ! Pour des raisons de sécurité ». En vain, sa mise en garde se perd dans le brouhaha ambiant.

Scène de guerre

Toute la soirée, la pelouse d'Armand Cesari est transformée en hôpital militaire où se succèdent les évacuations sanitaires aériennes. Archive : Gérard Baldocchi
Toute la soirée, la pelouse d'Armand Cesari est transformée en hôpital militaire où se succèdent les évacuations sanitaires aériennes. Archive : Gérard Baldocchi
Il est 20h23. Les joueurs sont au vestiaire pour les ultimes préparations. Sept minutes avant le coup d’envoi. Sur les ondes radio, le journaliste de RCFM Michel Vivarelli, placé au sommet de la tribune Nord s’exclame : « ici le soleil décline et l’ambiance monte ». Ses dernières paroles. Black out complet. La tribune s’effondre vers l’arrière, emportant avec elle, le journaliste et des milliers d’autres personnes. Le fracas métallique arrache la foule à sa passion. L’étonnement, puis l’horreur. Instantanément. La partie haute de la tribune a disparu. À la place, un champ de bataille où s’entremêlent poussière, barres métalliques, corps brisés et ensanglantés.

Les forces de l’ordre, les pompiers, les médecins sont aidés par les supporters et les joueurs pour apporter les premiers secours. Le plan rouge est déclenché. La pelouse est transformée en hôpital de campagne. Les hélicoptères s’y succèdent pour évacuer les blessés. Aux abords du stade, les civils et les secours organisent le transfert des blessés vers l’hôpital de Bastia rapidement saturé. 180 y sont amenés dès les premières minutes. 300 sont évacués par les airs vers Ajaccio, Nice et Marseille. Au total, 2 357 personnes ont été blessées. 19 ont perdu la vie.

C’était il y a 30 ans et aujourd’hui encore, le spectre du drame de Furiani hante encore les travées, autant que l’esprit de ceux qui y étaient, des absents, et, plus tard, des enfants à qui l’on raconte encore l’histoire du drame de Furiani de ce 5 mai 1992. De ce soir de fête devenu le théâtre de l’épouvante.

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Furiani, 5 mai 1992 :  "Il y a tellement de victimes qu’on ne peut pas toutes les secourir"