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Sébastien Ristori : « Pour l’après Covid-19, la Corse peut connaître des faillites d’entreprises »


C.-V. M le Mardi 14 Juillet 2020 à 12:08

Sébastien Ristori est directeur des opérations en entreprise. Également consultant et enseignant en finance et management, il a été directeur de transition en entreprise. Auteur d’ouvrages en management aux éditions Ellipses, il revient pour Corse Net Infos sur la situation actuelle des dispositifs de soutien à l’économie.



789 millions d’euros ont été prêtés au titre du PGE en Corse(Photo Moerschy 127-417)
789 millions d’euros ont été prêtés au titre du PGE en Corse(Photo Moerschy 127-417)
- Que pouvez-vous nous dire, en quelques chiffres, du dispositif de l’activité partielle et du prêt garanti par l’état pour la Corse ?
- C’est près d’un salarié sur 4 qui a été placé en télétravail en Corse, et plus de 2 salariés sur 4 placés en activité partielle. Les chiffres sont assez évocateurs : Plus de 10 000 demandes d’activités partielles, pour plus de 65 000 salariés, soit plus des 2/3 du salariat de l’île pour 35 millions d’heures de travail. Concernant le Prêt Garanti par l’Etat, 789 millions d’euros ont été prêtés au titre du PGE, dont 427 millions en Corse du Sud. Les activités de commerce, d’hébergement et de construction sont celles qui ont sollicités massivement le dispositif PGE pendant la période de crise sanitaire : 2 857 dossiers déposés en Corse du Sud, 2 332 dossiers en Haute-Corse pour une moyenne globale de prêt à 153 000 €. C’est à peu près 20% des entreprises qui ont obtenu des PGE. Le fonds de solidarité a également été sollicité : 6 900 entreprises, notamment des PME de 2 à 5 salariés, ont sollicité pour 44 millions d’euros d’aides pour, dans les secteurs en tête, les mêmes que pour le PGE. Plus de 50% des entreprises de l’île ont bénéficié d’une aide.


- Peut-on s’attendre à des défaillances d’entreprises ?
- Oui. L’arrêt de l’activité économique dû à la covid-19 a aggravé le cas des sociétés déjà très fragile. Certaines sociétés risquent de faire faillite puisqu’elles ont été précipitées dans une situation difficile avec une nette diminution des carnets de commande entraînant une carence de trésorerie. Il y aura, pour notre tissu économique, des cessations d’activités : En premier, les entreprises trop endettées ou déjà en situation de faillite qui n’ont pas eu droit au PGE se trouveront en situation de cessation de paiement. Le tribunal de commerce devra prendre le relais pour élaborer, si cela est faisable, un plan de sauvegarde et de restructuration. Dans un second temps, ce sont les entreprises en difficulté commerciales et structurelles qui auront bénéficié des dispositifs PGE et de l’activité partielle qui ne réussiront pas à résorber leurs problématiques. L’absence d’activités pendant la crise sanitaire et la difficulté à relever l’entreprise entrainera alors une faible profitabilité pour l’exercice 2020. L’endettement étant devenu important suite à l’octroi du PGE, ces entreprises n’auront plus accès au crédit et devront rembourser les prêts en cours. Cette situation pourrait mettre fin à tout projet d’avenir et de développement et ainsi occasionner des cessations d’activités.


- Le PGE et le chômage partiel peuvent-ils se transformer en piège pour les entreprises ?
- Le PGE est à considérer comme une avance de trésorerie. Le prêt a permis de maintenir à flot les entreprises qui ne disposaient pas de cash disponible pendant la période du confinement et ainsi amortir le choc pour les sociétés qui ont dû fermer. Et, si à la reprise de l’activité, certaines entreprises n’ont pas utilisé l’intégralité du prêt, il est fortement conseillé de préserver au maximum cette trésorerie disponible tant que le choc économique est encore devant Nous. Il y a parfois certaines entreprises qui ont privilégié, dès la sortie du confinement, des investissements avec ces liquidités : Il faut faire preuve de beaucoup plus de prudence : Tout d’abord, parce que ces prêts, qui devront être remboursés, n’ont financé aucuns investissements productifs ou innovants pour générer une création de valeur, mais de plus, la baisse du résultat de l’exercice 2020 aura un impact sur les fonds propres de l’entreprise, ce qui viendra diminuer la capacité d’endettement, déjà grevé par le PGE. Les entreprises qui seront donc en difficulté ne pourront donc plus emprunter, entrainant ainsi d’autres entreprises vers une cessation d’activité. Concernant l’activité partielle, le mécanisme est identique : La compensation de la perte d’activité ne fait que maintenir à flot les entreprises en difficulté ne faisant que reporter les problématiques de développement ou de coûts à plus tard.


- Quel impact peut avoir la disparition d’entreprises sur l’économie ?
- Il n’y a qu’en fin d’année, voir en début d’année prochaine, que nous pourrons avoir un aperçu des dégâts causés par la crise sanitaire. Des mesures de soutien sont encore actives et le gouvernement peut, avec un ministère de l’économie élargi à la relance, envisager d’autres dispositifs. Concernant la Corse, majoritairement composée de petites structures sur des métiers ultraspécialisés, la faillite d’entreprises pourrait s’accompagner de disparition définitive. En temps normal, les plans de sauvegarde et de restructuration s’accompagnent d’une reprise de l’activité avec un changement de direction et de management, mais dans notre cas, la carence de compétences sur des métiers qui nécessitent des qualifications précises pourraient purement et simplement faire disparaitre les activités économiques. Pour cet après Covid-19, la Corse peut connaître des faillites d’entreprises : Il appartient aussi aux pouvoirs publics de détecter les entreprises sur les secteurs les plus fragiles pour accompagner d’ores et déjà d’éventuelles reprises d’entreprises.