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35ème campagne des "Restos du Cœur" en Corse : " les gens osent venir"


Rémi Di Caro le Mardi 26 Novembre 2019 à 19:07

Ce 26 novembre 2019 a marqué le lancement officiel de la 35ème campagne de l'association "Les Restos du Cœur". En Corse, ce sont plus de 200 bénévoles qui se mobilisent, une année de plus, pour accueillir les nombreux bénéficiaires. Raymond Ceccaldi, président régional, dresse, pour Corse Net Infos, le constat de la situation actuelle sur l'Île.



Raymond Ceccaldi, président régional
Raymond Ceccaldi, président régional
- En France, selon "Les Restos du coeur", le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a considérablement augmenté puisqu'il concerne 9,3 millions de personnes. Même constat en Corse ?

" Vous savez, à partir du moment où l'on change sa manière de voir les choses, il est facile de faire parler les chiffres. Pour mon cas, je suis assez réservé sur cette évolution. Effectivement, il y a 4 ou 5 ans en arrière, l'augmentation était prononcée. En Corse tout du moins, on est plutôt sur une période de stabilisation même si on varie tous les ans de -0,5% à +1%. Ça dépend aussi de nombreux autres facteurs : le nombre de centres qu'on ouvre, notre implantation sur le territoire, etc.. Je ne dis pas qu'il y a une baisse, mais je ne pense pas qu'il y ait eu un "Boom" de personnes en difficulté. "


- Donc la fréquentation n'augmente plus, contrairement aux années précédentes ?

" On est peut-être sur une augmentation de 1% à 2% en 3 ans, mais c'est assez stable. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas dû obligatoirement à l'accroissement de la pauvreté, mais d'autres facteurs sont à prendre en compte. Notre implantation, notre façon de couvrir le territoire.. Mieux on est représenté, plus on a de bénéficiaires. Mais en toute honnêteté, c'est assez stable. "

- Pouvez-vous nous dresser un portrait global des bénéficiaires ?

" Ça, c'est en train d'évoluer ! Il y a 10 ans, il se disait que les gens qui se rendaient aux "Restos du Cœur"  n'étaient pas originaires d'ici, que dans les villages c'étaient surtout les vieux.. C'était un cliché qui, cependant, correspondait plus ou moins à la réalité. Maintenant, dans une ville comme Ajaccio, on s'aperçoit que cette population est très très variée. On a beaucoup de gens d'ici, comme on a beaucoup de gens venus d'autres départements, et pour certains, d'autres pays. Ça ne veut pas dire qu'il y a forcément plus de pauvres en Corse, mais plutôt que les gens osent venir. Ils se rendent compte que nous ne sommes pas là pour les juger, mais pour les aider, alors ils viennent un peu plus volontiers qu'auparavant.

- Justement, Il y a-t-il encore des personnes dans le besoin qui hésitent à franchir le pas ?

" C'est à la marge. Moi je parle de ce que je connais, et les "on dit" ne m'intéressent pas. A Ajaccio, on compte à peu près 2 000 bénéficiaires, et on a eu 5 ou 6 cas maximum de personnes qui n'osaient pas  venir. C'est plus prégnant dans les villages, où il existe encore quelques réticences car tout le monde se connaît, ou bien on craint le regard de la famille. Souvent les gens nous demandent de ne pas les servir chez eux, de laisser les colis sous des ponts.. En ville, je me répète, c'est à la marge. "

- Est-il vrai que de plus en plus de jeunes font partie de ces bénéficiaires ?

" Il y a, sans conteste, un "rajeunissement" de la demande. Eux aussi dépassent, maintenant, leurs réticences initiales, puis souvent ils sont jeunes, mariés ou en couple, et avec un enfant. Et là, même le jeune travailleur avec un salaire de débutant, d'environ 1 200€ à 1 300€ par mois, qui doit vivre avec un loyer à payer, sa femme, et son enfant en bas âge va se retrouver en difficulté.. "

- Existent-ils des solutions durables ?

" Notre rôle n'est pas politique ! Nous, nous sommes dans le dur. On constate le besoin des gens, et ce qu'on peut faire pour les aider. On essaye d'être le plus présent possible, d'avoir des bénévoles partout. Nous avons des contacts avec chaque composante de la société, qu'il s'agisse d'assistantes sociales, de docteurs, ou autres. On essaye simplement d'avoir un maximum d'informations pour aider la personne. "

- Certains de vos homologues se disent inquiets pour 2020, année où l'Europe redéfinira le budget alloué à l'aide alimentaire.Lorsque l'on sait que 25% des repas sont financés par ce FEAD (Fonds Européen d'Aide aux plus Démunis), existe-t-il une crainte de votre côté concernant la diminution de ce soutien ?

" C'est encore plus prégnant chez nous ! Etant la plus grosse organisation dans ce domaine, nous sommes les plus grands perdants ! Alors, évidemment que ce changement constitue une grande inquiétude. Le FEAD devrait être intégré à un très grand fonds européen, et on craint de perdre une grosse partie de l'enveloppe qui nous était réservée. On pourrait perdre 20%, ce qui est énorme pour "Les Restos du coeur". On essaye de s'organiser car si nos aides diminuent, le nombre de personnes que l'on doit aider, lui non.. "

- Quelles actions sont prévues en Corse concernant la récolte des aliments ?

" On a fait une collecte il y a une dizaine de jours. Le "problème" que l'on rencontre, c'est que de plus en plus d'associations voient le jour et se mettent elles aussi à collecter. Et donc les gens sont de plus en plus sollicités, et donnent de moins en moins.. A nous de nous débrouiller pour être le plus inventif possible, de créer des évènements, etc.. "

- Un dernier message à faire passer ?

" On compte sur la solidarité des gens !  On recherche toujours plus de bénévoles car on a beaucoup d'actions à mettre en place. Même si on est un peu plus de 200, avec 100 personnes en plus on ne s'ennuierait pas. Plus on a de bénévoles, mieux on quadrille le terrain, plus on organise de manifestations, plus on est efficaces.. "


A noter, par ailleurs, que la campagne hivernale débutée ce 26 Novembre prendra fin le 13 mars prochain.