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Les adieux de Josiane Chevalier à la Corse : l’émotion au rendez-vous


Victoria Leonardi le Samedi 25 Janvier 2020 à 16:10

Arrivée en Corse en mai 2018, la première femme préfète de l'histoire de l'île, Josiane Chevalier, a quitté ce samedi 25 janvier Ajaccio.
Avant son départ pour la région Grand-Est la préfète avait réuni atour d'elle de nombreux élus, des responsables socio professionnels et des "amis" rencontrés au cours des deux années passées sur l'ile de beauté.
Lors de cette réception informelle, au cours de laquelle le maire d'Ajaccio, Laurent Marcangeli lui a remis la médaille de la ville, la haute fonctionnaire de l'Etat a tenu à remercier celles et ceux qui lui ont permis "d'exercer ses fonctions et de vivre une formidable aventure humaine".
C'est remplie de tristesse et pas sans émotion qu'elle a évoqué des rencontres qui ont marqué son passage sur l'ile. "Ce qui est frappant en Corse - a affirmé Josiane Chevalier - c’est que quelle que soit la personne avec qui on dialogue, que ce soit un simple citoyen ou un responsable politique important de l’île, il y a chez elle la conviction d’appartenir à une communauté particulière dont elle souhaite partager, souvent avec passion, l’histoire et les valeurs qui l’ont structurée à travers les siècles."



Un extrait de son discours

Photos Michel Luccioni
Photos Michel Luccioni
"Je voudrais tout d’abord vous remercier d’avoir si nombreux répondu à mon invitation et remercier également toutes celles et ceux qui se sont manifestés par des attentions très délicates.
A ceux qui me demandaient quel était mon état d’esprit au moment où je vais quitter la Corse pour le Grand Est, j’ai répondu que j’étais remplie de tristesse, car c’est comme si je devais quitter une partie de ma famille.
Ce sentiment m’habite tout particulièrement en cet instant, car cette famille que je vais laisser, vous en êtes chacun et chacune une partie. Chacun de vos visages me rappelle un souvenir heureux.
En effet, j’ai souhaité inviter à cette réception non seulement les responsables politiques et socio-économiques avec lesquels j’ai travaillé pendant deux ans, mais également des personnes qui n’ont pas de fonctions officielles mais qui, à l’occasion de mes déplacements, m’ont accueillie chez elles, avec lesquelles j ai partagé un moment de convivialité autour d’un café… ou encore des personnes avec lesquelles j’ai eu l’occasion de dialoguer, en tête à tête, ou par messagerie
" a souligné Josiane Chevalier en entamant cette cérémonie d'adieux.


"Leur présence aujourd’hui, aux côtés des personnalités, évoque des moments privilégiés des rencontres où la dimension humaine primait, sur le positionnement ou le statut de chacun.
Je pense ainsi à ce café pris à Peri dans ce bistrot, au nom quelque peu exotique d’Honolulu où j’ai fait la connaissance de Josiane et Lionel Collomb, ces chocolatiers qui font rayonner la Corse à l’international, qui sont, je peux le dire, devenus des amis.…
Je pense également à l’accueil que m’ont réservé dans leur jardin M et Mme Gori à Sampolo, de quoi inspirer Monsieur le maire pour l’écriture d’un nouveau roman, entre conflits et solidarités… Ce en quoi je lui répondais qu’entre les deux, il y a de la place pour l’apaisement !
Je pense encore à cet échange avec un groupe de gilets jaunes non pas sur un rond-point mais dans mon bureau à plusieurs reprises. Le message de leur porte-parole à l’occasion de mon départ m’a touchée.
Je pense à Juliette qui nous donne des leçons de vie, à Marina qui a su braver toutes les frontières et créer cette école du design à Ajaccio !
Comment ne pas citer aussi le maire de Cozzano qui a donné une si belle image de la ruralité corse et de la République lors de la venue du Président de la République le 4 avril 2019.
A travers lui, à travers l’ardente présidente des maires, chère Joselyne, c’est à l’ensemble de ces serviteurs de la chose publique que je tiens à rendre un hommage appuyé"
a poursuivi la préfète de Corse lors de son allocution.

"Ces rencontres ont été pour moi aussi riches et utiles que les réunions de travail avec les élus, ou que les nombreuses visites que j’ai effectuées dans les communes (145), dans les exploitations agricoles, les entreprises ou des associations.
En effet, ce qui est frappant en Corse, c’est que quelle que soit la personne avec qui on dialogue, que ce soit un simple citoyen ou un responsable politique important de l’île, il y a chez elle la conviction d’appartenir à une communauté particulière dont elle souhaite partager, souvent avec passion, l’histoire et les valeurs qui l’ont structurée à travers les siècles.
C’est au travers de ces contacts et de ces rencontres que j’ai compris ce qui fait l’identité de la Corse et ce qui est attendu de l’Etat.
L’identité c’est cette volonté farouche de construire un vivre ensemble et un avenir pour les jeunes dans le respect d’un « capital nature » d’une valeur exceptionnelle et d’une culture transmise de génération en génération"
a poursuivi la représentante de l'Etat


"Ce projet de société, porté par chaque membre de la communauté insulaire, se décline sur tout le territoire et dans toutes les activités :
- dans des productions agricoles et agro-alimentaires de très grande qualité, je pense évidemment à Jacques Abbatucci avec sa déclinaison du veau tigré dans une logique ambitieuse d’économie circulaire (la preuve par l’exemple !) ou à son frère Jean-Charles, qui m’a expliqué cette viticulture de demain avec la biodynamie, dont le talent lui a permis d’être membre de la prestigieuse Académie du vin ; à Raphaël Vesperini qui a construit un modèle d’agriculture de proximité , à Benoît Rinaldi qui sur son buggy m’a fait découvrir à San Lorenzo le parcours du porcin ! 
- dans la vitalité d’associations œuvrant pour les personnes fragiles autour des associations réunies dans la CLE sous l’animation passionnée du Docteur Pernin. Comment ne pas évoquer aussi les maraudes de la Croix-Rouge auxquelles j’ai participé, chère Marie-France ; 
- dans des projets de recherche portés par nos deux plate-formes, Myrthe dans le Sud et Stella Mare dans le Nord ! 
- dans la créativité et l’audace d’élus locaux qui se battent pour maintenir des services dans leurs communes, pour sauvegarder leur patrimoine, pour améliorer le cadre de vie de leurs habitants, dans les projets culturels avec des artistes qui ont envie de donner de leur expérience à leur territoire comme Bertrand Cervera à Vico. Et je pourrai citer beaucoup d’autres talents, n’est-ce pas Stéphane Deguilhen, sculpteur à Levie qui parcourt le monde ou plus proche à Ajaccio, Fanfan Salvini qui fortifie le lien social ou encore Jean-Jacques Gristi qui nous a fait vivre une fête de la musique inoubliable ici même ! 
- dans les débats de l’Assemblée de Corse où tous les dossiers, même les plus techniques, sont toujours replacés dans le contexte historique et politique de la Corse.
Dans tous les dossiers que j’ai eu à traiter, dans toutes les rencontres que j’ai eues, j’ai senti chez mes interlocuteurs cette énergie toute entière attachée à sauvegarder "l’art d être et de rester Corse".
La sincérité et la force de conviction qui ont animé mes interlocuteurs ont toujours suscité le respect."


Josiane Chevalier a poursuivi de la sorte.
"C’est au nom de ce respect que j’ai tenu "à occuper le terrain" en visitant le maximum de communes (à raison de 50 heures de voiture par mois) pour témoigner de la considération de l’Etat pour cette vitalité ancrée dans les territoires.
C’est au nom de ce respect que j’ai veillé à ce que les politiques publiques de l’Etat se mettent en œuvre rapidement et efficacement en Corse : 
- les dispositifs pour favoriser l’emploi et le développement économique parce que seule l’insertion professionnelle peut rendre la dignité ; 
- les politiques de solidarité pour corriger les inégalités nombreuses en Corse, l’accès aux droits ; 
- les politiques environnementales ; 
- et bien entendu une attention particulière portée aux droits des femmes et à la parité. Je l’ai souvent répété, le fait d’être la première femme préfète de Corse me donnait une responsabilité encore plus grande.


Dans ce domaine ma tâche a été grandement facilitée par un accompagnement et un appui sans faille des ministères (grâce à la revue de projets qu’a animé toutes les six semaines Madame Gourault, Ministre en charge des affaires Corses, un soutien très fort pour moi).
C’est au nom de ce respect que j’ai veillé à pratiquer "la religion du partenariat" avec le président du conseil exécutif, avec les présidents des Offices (qu’il s’agisse notamment de Lionel Mortini, président de l’ODARC ou M. Xavier Luciani, président de l’office hydraulique), avec les maires à travers la conférence des maires attendue et que j’ai eu à cœur de faire vivre, avec les acteurs socio- professionnels… convaincue que seule la co-production pouvait permettre d’apporter les bonnes réponses aux nombreux problèmes auxquels sont confrontés les habitants de l’ile.


C’est au nom de ce respect de l’identité de la Corse que j’ai veillé à ce que l’action des services de l’Etat dont j’avais la responsabilité s’exerce en toutes circonstances dans la proximité et dans le respect intransigeant des valeurs du service public ; la neutralité, l’impartialité et l’égalité.
Je veux en cet instant remercier les Chefs de service et les fonctionnaires d’Etat qui exercent leur mission en Corse ; leur engagement quotidien au service des élus, des acteurs socio-économiques, des habitants scelle chaque jour le lien entre la Corse et le continent.
Cette forme « de continuité territoriale dans l’action » est indispensable pour permettre à la Corse de rester fidèle à son histoire et à ses valeurs dans un monde en perpétuelle évolution et en quête de nouveaux repères.
Pour ma part, je vais rejoindre une autre région passionnante, le Grand-Est, avec un goût d’inachevé par rapport à certains problèmes qui ne sont pas encore entièrement réglés (les travaux engagés après les tempêtes successives, les opérations de rénovation urbaine...), mais avec la certitude que l’accueil que vous réserverez à mon successeur lui permettra d’être très rapidement opérationnel pour continuer le travail.
Pour conclure, je veux tout simplement vous remercier de m’avoir permis d’exercer mes fonctions en vivant une formidable aventure humaine avec vous et avec tous les habitants de la Corse."