Corse Net Infos - Pure player corse

Jean-Charles Orsucci : "Pendant que nous réfléchissons à des choses irréalisables, les touristes réservent ailleurs"


Julia Sereni le Dimanche 10 Mai 2020 à 15:07

Bonifacio est certainement la plus touristique des communes de Corse. Pour son maire, Jean-Charles Orsucci, également président du Groupe Andà per dumane à l’Assemblée de Corse, il n'y a pas d'alternative : il faut composer avec le virus, et s'unir pour sauver ce qui peut l'être de la saison estivale. C'est ce qu'il tente de mettre en œuvre dans sa commune, en travaillant, d'ores-et-déjà, à l'ouverture des plages.



(Photo Michel Luccioni)
(Photo Michel Luccioni)
- Pourquoi êtes-vous contre le Green Pass proposé par Gilles Simeoni, que vous avez défini comme "une chimère juridique" ?
-Tout le monde sait que cette proposition est anticonstitutionnelle. Et, surtout, je me pose la question du timing : est-ce vraiment le moment de partir dans de telles discussions ? À mon sens, il y a d’autres priorités. Tous les spécialistes s’accordent à dire que c’est parfaitement inapplicable. D’une part, parce que les scientifiques reconnaissent que le test n’est pas au point en termes de fiabilité. D’autre part, parce que ce n’est pas opérationnel. Pour autant, je tiens à dire que je ne suis pas philosophiquement opposé à l’idée de vérifier l’état de santé des personnes qui viennent sur notre île. J’ai eu l’occasion de discuter avec des membres éminents de la majorité territoriale, ils partagent une analyse, qui à mon sens, est la bonne : il s’agit d’adapter les flux, qu’ils soient touristiques ou non (diaspora, déplacements professionnels), et de définir ensemble, avec le concours d’infectiologues et de mathématiciens, une stratégie afin de déterminer le nombre de personnes qui pourraient venir en Corse.
 
- N'est-ce pas ce que prévoit le plan de l'Exécutif au-delà de l'annonce du Green Pass ?
- Cette annonce a été faite pour créer une discussion, mais elle n’est pas opérationnelle et elle ne va procurer que des effets négatifs. Pendant que nous réfléchissons à des choses irréalisables, les touristes vont réserver ailleurs ! Les retours des professionnels vont d’ailleurs dans ce sens : ils regrettent ce message profondément négatif.
 
- Comment concilier la reprise économique de l’île qui passe par le tourisme avec la crise sanitaire que l'on vit ?
Ma théorie est très forte : il faut désormais apprendre à vivre avec le virus, que l’on soit à Quenza, à Maubeuge ou à Paris. Ce qui est impératif  aujourd’hui, c’est d’abord de continuer à respecter les gestes barrières et la distanciation sociale. Les soignants, avec lesquels je suis en contact, sont inquiets. Il ne faut pas qu’après le déconfinement nous nous retrouvions de nouveau dans des situations de promiscuité au supermarché, sur la plage… Aussi, il faut mesurer quel nombre de personnes nous pouvons raisonnablement accepter et comment nous pouvons les accueillir. J’ai échangé avec le Dr Colombani à ce sujet, et sa réflexion me parait plus raisonnable que le chemin proposé par le Président de l’Exécutif. Il faut discuter. Ce déconfinement ne peut pas être un match France/Corse. Cela me parait totalement contreproductif. L’union totale doit être de mise. Le Président de l’Exécutif doit dialoguer avec le Préfet. Nous devons nous unir avec l’objectif d’assurer la protection sanitaire.
 
- Quelles seraient vos propositions pour sauver la saison ?
- Le monde professionnel doit réfléchir à ce qui doit être fait en concertation : déterminer le nombre de passagers dans les bateaux et avions, mettre en place des dispositifs tels que les masques obligatoires dans les transports en commun. Pour les bateaux, on peut réfléchir à un voyage qui se déroulerait uniquement en cabine. Peut-être pourrions-nous mettre en place des billets non modifiables pour obtenir un numerus clausus et ainsi mieux organiser les flux ?

- Quelle est votre position sur la réouverture des plages ?
- Je suis fier de dire que j’ai été le premier à monter au créneau pour l’ouverture des plages. Je rejoignais alors la position du Président de la région Bretagne. Les plages sont nos jardins et nos parcs. Néanmoins, il faut rester vigilant et travailler avec deux principes : précaution et travail collectif entre le préfet et le maire. J’ai été un des premiers à dire qu’il fallait donner cette décision au binôme maire/préfet. Le préfet sera, d’ailleurs, vendredi à Bonifacio, nous travaillerons de concert pour valider une ouverture.
 
- Comment peut-on faire respecter les mesures sanitaires sur une plage ? Avez-vous des propositions ?
- Des réunions de travail, notamment avec l’office du tourisme doivent se tenir sur à ce sujet. J’ai d’ores-et-déjà quelques propositions. Certaines plages pourraient être ouvertes et d’autres fermées, sur des critères de taille, de typologie : urbaine ou non urbaine, ou selon la dynamique de passage. Les agents de la police municipale, de la gendarmerie nationale ou maritime, et de l’office de l’environnement pourront aider à faire respecter ces mesures afin d’allier protection sanitaire et utilisation sociale  des plages.

- Pourquoi avez-vous voté contre le plan de déconfinement de la majorité territoriale ?
- Comme je l’ai indiqué, la mise en place du passeport est contreproductif. Par ailleurs, la façon dont la question scolaire a été traitée ne me convient pas. En effet, le principe devait être l’ouverture des écoles, comme le prônent le Pr Raoult, dont l’Exécutif a répété qu’il était une référence, et Bianca Fazi, conseillère exécutive en charge des questions sanitaires. L’Exécutif s’est posé comme le plus à même de régler cette question alors qu’il s’agit d’une compétence communale. C’est au maire de prendre la décision ! D’ailleurs, je ferai, ce lundi, la démonstration que l’on peut ouvrir les écoles dans de bonnes conditions - même si je respecte la position du maire d’Ajaccio car sa ville est un cluster et qu’il est le plus à même de savoir ce qui est bon pour elle. Enfin, concernant le versant économique ce plan est en deçà des ambitions : le projet Sustegnu n’est pas opérationnel. Aujourd’hui d’autres régions sont bien plus avancées dans l’aide aux entreprises, par exemple certaines ont établi des prêts Rebonds. Ce plan manque de souffle, d’une dynamique et de réflexion économique.