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Bastia : Mediapart poursuivi en diffamation par la chambre d'Agriculture de Haute-Corse


Livia Santana le Mardi 4 Mai 2021 à 20:33

Le procès en première instance du journal en ligne Mediapart se tenait au tribunal de Bastia ce mardi 4 mai. Le média d’investigation est poursuivi en diffamation par la chambre d’agriculture de Haute-Corse pour des articles rapportant des propos sur une complaisance des chambres insulaires dans les fraudes aux aides agricoles.



Edwy Plenel et Joseph Colombani au tribunal de Bastia.
Edwy Plenel et Joseph Colombani au tribunal de Bastia.
« 36 millions d’euros auraient été détournés par des agriculteurs, entre 2015 et 2018, avec « l’accord et la complicité des autorités de contrôle », c’est-à-dire les services de l’État et l’« accompagnement de personnes très bien informées de la complexité et des failles du système de distribution des aides », à savoir les chambres d’agriculture. », écrivait la  journaliste Hélène Constanty en décembre 2018 dans un article pour le site d’investigation Mediapart.
Trois ans plus tard, ce mardi 4 mai, le tribunal de Bastia doit examiner si les propos à l’encontre de la chambre d’agriculture de Haute-Corse et de son président Joseph Colombani, sont diffamatoires. 

A 14 heures au début de l'audience, la salle est comble. Le président du tribunal demande aux personnes debout de quitter les lieux. Ce sont majoritairement des agriculteurs venus soutenir la démarche de Loulou Colombani.

Edwy Plenel le fondateur de Mediapart est appelé à la barre, il retire son masque : "Notre journal en ligne défend l’intérêt général, la presse a une légitimité qui remonte à la Révolution française".  Il commence à défendre le sérieux de son média et de sa journaliste, spécialiste des questions de criminalité, qui s’est appuyée sur un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), sur une plainte de l’association Anticor luttant contre la corruption et sur le témoignage de lanceurs d'alerte pour documenter son papier. "Nous avons été l'écho des lanceurs d'alerte", reprend-il.

Devant les magistrats Hélène Constanty, témoin et auteure de l'article expliquera sa démarche journalistique l'ayant menée à la découverte d'une fraude aux aides européenne à partir de 2015. "J'ai enquêté durant plusieurs mois sur le terrain auprès des agriculteurs pour comprendre et expliquer comment certains déclarent des têtes de bétail qu'ils n'ont pas", explique la journaliste à la barre. Élise Van Beneden, présidente de l'association loi 1901, Anticor également témoin, rentrera dans les détails de la plainte déposée devant le parquet national financier, celle qui vise les éleveurs corses, si bien qu'à un certain moment les rôles sembleront s'inverser. 

Une stigmatisation des agriculteurs insulaires 

Habitué des procès, Joseph Colombani en polo et doudoune noire, l'air sérieux, s'empresse de démentir tout ce qui a été écrit sur la complicité de la chambre d'agriculture de Haute-Corse dans l'article de Mediapart. A la barre, il s'offusque que la journaliste ait écrit : "Cette opération de main basse sur les terres agricoles n’a été possible que « grâce aux conseils avisés des structures professionnelles », sous entendu les chambres d'agriculture, des propos qu'il considère comme diffamatoires. "Il y en a assez de cette stigmatisation de nos agriculteurs, perçus comme des fraudeurs. Notre agriculture avait un retard de 20 ans sur le continent et de ça, personne n'en parlait et ne venait faire d'article", lance Joseph Colombani. 

Pour les propos tenus dans l'article, la chambre d'agriculture et son avocat maître Benjamin Genuini ont demandé un euro symbolique de dommages ainsi que le retrait de l'enquête sur le site internet de Mediapart. Ce à quoi l'avocat de la défense, maître Emmanuel Tordjman s'est opposé en démontrant l'utilité "pour les Corses", de dénoncer ces pratiques. Durant plus d'une heure et demie, l'avocat de la défense s'est attelé à démontrer l’irrecevabilité de la poursuite. 

"Les peuples fiers, libres et indépendants ne peuvent pas avoir peur de la vérité et nous n'avons fait que dire la vérité", conclut Edwy Plenel de retour à la barre. 

Le jugement a été mis en délibéré. Il sera rendu le 7 septembre prochain.

Hélène Constanty, journaliste pour Mediapart, rédactrice de l’article mis en cause.
Hélène Constanty, journaliste pour Mediapart, rédactrice de l’article mis en cause.