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Gilles Simeoni : "La levée du statut DPS est un premier pas, nous attendons d’autres signes forts, publics, immédiats"


Nicole Mari le Vendredi 11 Mars 2022 à 13:08

Réaction mesurée du président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, à la levée, vendredi matin, par le Premier ministre, Jean Castex, du statut de DPS (Détenu particulièrement signalé) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Cette décision intervient après six jours de manifestations et de tension qui secouent la Corse suite à la tentative d’assassinat perpétrée contre Yvan Colonna, le 2 mars à la centrale d’Arles. Gilles Simeoni explique, à Corse Net Infos, que le combat fut long, mais qu’il attend maintenant un engagement public, clair et fort, de l’Etat, au-delà de l’élection présidentielle, sur la libération des prisonniers, la vérité sur l’agression d’Yvan Colonna, et l’ouverture d’un processus de négociations pour l’autonomie.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
- Comment réagissez-vous à la levée immédiate du statut de DPS, comme vous l’avez demandé ?
- Je prends acte de la décision du Premier Ministre. C’est un premier pas. Il était temps ! Je rappelle que ce n’est que l’application du droit et qu’il a fallu un très long combat, initié il y a plusieurs années, et qui s’est poursuivi, y compris dans la rue ces derniers jours, pour arriver à cette décision. Ce combat s’est traduit notamment par un vote à l’unanimité de l’assemblée de Corse, des délibérations de la quasi-totalité des communes, de la mobilisation de la société corse, du soutien des parlementaires, de l’action des associations de prisonniers… Le soutien aussi récemment de nombreux parlementaires, députés et sénateurs de toutes les familles politiques, dont l’engagement a fait honneur à la démocratie. Jusqu’à ces derniers jours avec les manifestations et la mobilisation dont la jeunesse étudiante et la jeunesse de façon générale ont été les fers de lance, suite à la tentative d’assassinat perpétré contre Yvan Colonna. Au bout de ce trop long processus, une décision intervient, elle est importante parce qu’elle permet le rapprochement. Mes premières pensées vont à Yvan Colonna en espérant qu’il se rétablisse, même si malheureusement son état est extrêmement grave, vers Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et leurs familles. J’espère que ces hommes vont revenir en Corse le plus vite possible avant une libération qui est, là aussi, normale. Il ne faut pas oublier que derrière la dimension juridique et éminemment politique de ce dossier, il y a aussi d’immenses souffrances humaines qui sont un peu le résumé de ce qu’a vécu notre pays depuis des décennies et que l’on ne veut plus qu’il vive. Je pense aussi aux personnes qui ont été blessées pendant les manifestations, notamment les jeunes, et à leurs familles, et je les assure de mon entier soutien.
 
- Cette décision reste arrachée par la violence ?
- Cette décision intervient dans un contexte de tension extrême en Corse. Cette tension, on sait par quoi elle a été alimentée et suscitée. L’étincelle, le facteur déclenchant, a été la tentative d’assassinat perpétré contre Yvan Colonna dans des conditions aussi atroces que suspectes et inacceptables, mais aussi, et nous le disons depuis longtemps, depuis des mois et des années, par le refus de tout dialogue de la part de l’État, le mépris pour les institutions de la Corse, le mépris pour les choix majoritairement et massivement fait par les Corses à travers leurs votes et le suffrage universel. Tout cela ne pouvait conduire qu’à une situation explosive. Nous sommes exactement là où nous avions dit que nous serions si l’État ne respectait pas la démocratie. Donc, aujourd’hui, au-delà de ce geste d’application du droit, il faut que le gouvernement et l’État continuent de donner des signes forts, publics, immédiats, de leur volonté de changer d’attitude et d’ouvrir un nouveau cycle. Nous avons, à la fois, l’exigence de justice et de vérité pour Yvan Colonna, parce qu’on ne laissera pas enterrer cette affaire. Et de façon plus globale, il y a la nécessité qu’au plus haut niveau de l’État, on exprime, enfin, la volonté politique d’ouvrir un processus de dialogue et de négociation avec la Corse.
 
- Sous quelle forme ? Selon quelles modalités ?
- Ce sera à définir par l’ensemble des parties prenantes. J’aurais à faire, bien sûr, des propositions, d’autres aussi. J’ai toujours dit que ce processus doit permettre de construire une solution politique globale qui permet de traiter la question Corse. Ce que l’État s’est, jusqu’à aujourd’hui, refusé à faire. Pour être à la hauteur de cet enjeu historique, il faut réintégrer la question Corse dans sa dimension politique, symbolique, historique, également les aspects institutionnels avec l’autonomie de plein droit et de plein exercice, les aspects économiques sociaux, sociétaux etc. Donc, je le répète, la discussion doit avoir lieu avec l’État et les élus de la Corse, notamment la Collectivité de Corse qui est la garante des intérêts matériels et moraux du peuple corse, comme nous l’avons voté dans le règlement intérieur à l’unanimité. Et de façon complémentaire, selon des modalités à définir ensemble, il faut aussi que ce processus implique, non seulement l’ensemble des forces nationalistes, mais l’ensemble des forces vives de ce pays pour qu’ensemble, nous construisions une perspective réelle d’émancipation.
 
- Comment, dans un contexte d’élections présidentielle et législative, pouvez-vous être sûr que les engagements pris ne seront pas remis en cause après cette échéance ?
- C’est pour cela qu’à mon avis, il faut un acte et une parole publique forte et claire qui engagent l'État, y compris au-delà de l’élection présidentielle. Notamment que celui qui est encore Président de la République, aujourd’hui candidat, peut-être demain, sans préjugés du résultat de l’élection, de nouveau président, s’engage au nom de l’État.
 
- La mobilisation doit-elle, selon vous, continuer ?
- Oui ! Bien sûr ! La mobilisation doit continuer avec toujours le souci, notamment pour les plus jeunes et les jeunes de façon générale, qu’ils n’exposent pas leur intégrité physique.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.