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Ajaccio : le Noël d'Adrien, sans-domicile fixe


Julia Sereni le Jeudi 24 Décembre 2020 à 18:10

Si pour beaucoup Noël est synonyme de partage et de réunions de famille, il en est d’autres pour qui ce jour-là, la chaleur d’un foyer vient à manquer un peu plus. Comme Adrien, 35 ans, hébergé depuis trois mois à la Fraternité du partage à Ajaccio, dans l'attente d'un logement.



Adrien récupère sa boite cadeau à l'accueil de jour Stella Maris à Ajaccio.
Adrien récupère sa boite cadeau à l'accueil de jour Stella Maris à Ajaccio.
Au cœur du quartier des Cannes, l’accueil de jour « Stella Maris » est un petit sanctuaire pour les personnes sans-abris ou en situation de précarité. En cette fin d’année, le local s’est paré de sapins et guirlandes afin de rendre la période un peu plus chaleureuse à la cinquantaine d’habitués qui passent régulièrement prendre un café, une douche, laver leur linge ou chercher leur courrier.
 

Comme Adrien, 35 ans, qui « aime bien venir de temps en temps », surtout pour « voir le personnel » avec qui il a créé des liens. Son histoire, il la raconte tout bas, d’une voix posée et parfois teintée de tristesse. Lui qui a dévoré « tout Maupassant » dans la bibliothèque mise à disposition par l’accueil de jour aime prendre le temps de choisir ses mots.
En attente de logement à la Fraternité du partage depuis trois mois, il a auparavant passé plusieurs semaines dans la rue. Originaire de Poitou-Charentes, il est arrivé sur l’île il y a trois ans, pour suivre sa petite amie de l’époque. Une relation qui a duré onze ans avant de se terminer brutalement : « On s’est séparés, je lui ai tout laissé et je suis reparti de zéro » raconte le jeune homme. Une situation partagée par nombre de ses compagnons d’infortune : « Certains étaient ingénieurs, ils avaient une bonne situation financière et sociale et puis il suffit d’un divorce… Ils ont tout perdu du jour au lendemain » explique Adrien, « Vous savez, la pente on la descend plus vite qu’on ne la remonte ».
 
Et lorsque l’on se retrouve au plus bas, Noël vient souvent raviver les blessures que la vie inflige parfois. « C’est ce soir d’ailleurs ? Je ne fais plus trop à attention à tout ça » confie t-il doucement, « Quand on a des enfants, un cadre, on est là-dedans, mais pour moi ce n’est plus très important ». Pourtant Adrien n’est pas en rupture familiale : une petite amie « qui va passer Noël dans sa famille », un père et deux frères sur le continent, qu’il appelle plusieurs fois par semaine. « Si j’avais pu, j’aurais bien voulu les faire venir, mais sans logement… ». Que va t-il faire alors, pour ce Noël ? « Venez dans deux jours, je vous le dirai ! » lance t-il, avant de reprendre : « Je vais aller à la Fraternité du partage, ils font un bon repas, ils gèrent bien les choses ».
 
« Ils », ce sont les travailleurs sociaux, agents d’accueil ou psychologues de ces structures, envers qui Adrien nourrit une profonde reconnaissance : « Ils font un super boulot, ils s’occupent de tout le monde, ils prennent sur eux, ils écoutent les problèmes des autres… ». Un rôle social très important « qu’on ne souligne pas assez » pour le jeune homme. Des personnels comme Sakina, 22 ans, monitrice-éducatrice au sein de « Stella Maris », qui tentent, par leur sourire et leur écoute, de redonner un peu de douceur à cette période de fêtes. « Avant le COVID, on faisait un buffet pour la Noël » explique t-elle, « Cette année, nous distribuons les boîtes solidaires, remplies de petits cadeaux ». 30 ont déjà été données, et, en ce 24 décembre, Adrien est justement venu récupérer la sienne : « Une attention, ça fait toujours plaisir, que ce soit une peluche ou un chocolat » souligne t-il.
 
À partir du mois prochain, Adrien devrait être embauché dans une entreprise d’insertion de la région ajaccienne. Une lueur d’espoir dans un parcours jusque là semé d’embuches : cuisinier de formation, il n’a pas été facile pour lui de « trouver un boulot dans la conjoncture actuelle ». Alors le jeune homme se dit « pressé de reprendre un rythme de travail ».
De quoi laisser espérer que, pour Adrien, ce Noël soit le dernier qu’il passe sans logement.