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"Catastrophe" pour certains, "trop important" pour d'autres : à Ajaccio, les bateaux de croisière divisent toujours


Naël Makhzoum le Samedi 25 Mars 2023 à 20:44

Du pain béni pour les commerçants, mais un drame environnemental. Cette année, 186 navires de croisière s'arrêteront au port d'Ajaccio, avec leur lot de pollution, de touristes et donc, de chiffre d'affaires pour les établissements alentours. Le premier bateau est arrivé ce samedi 25 mars, et le sujet divise la population.



De nombreux touristes étaient en ville ce samedi
De nombreux touristes étaient en ville ce samedi
A côté, les bateaux des compagnies maritimes au départ de la Corse paraissent minuscules. Face aux mastodontes des mers que sont les paquebots de croisière, tout paraît plus petit. Dans la baie d'Ajaccio, c'est une image aperçue pour la première fois de l'année ce samedi 25 mars, à laquelle il va falloir se réhabituer. Le premier navire d'une longue série de 186 qui s'arrêteront au port d'Ajaccio en 2023, a fait débarquer certains des 3500 passagers le temps d'une journée.

De précieuses heures durant lesquelles les touristes se presseront pour faire un tour en bus, acheter un souvenir ou déguster la "bread, baguette" avec une bière corse - pourquoi pas. "C'est plusieurs tables de plus ce midi, résume ce restaurateur d'une ruelle ajaccienne, après avoir enfin compris la demande atypique d'une cliente britannique. Pour moi, c'est vraiment positif, surtout avec l'hiver que je viens de passer... Ça ne peut pas me déranger, même si vis-à-vis de la pollution, ce n'est pas génial, ça fait travailler un peu tout le monde. Ça anime aussi la ville, après quatre mois sans voir personne. C'est un plus !"

Convaincu du bien-fondé de ce débarquement express ? Pas forcément. "La pollution" qu'il évoque, est au centre de toutes les préoccupations. "C'est une catastrophe, à tous points de vue, dénonce Pierre, en pointant du doigt l'"Enchanted Princess" et ses près de 1500 membres d'équipage encore à bord. On joue avec notre santé. Regardez la taille de ces trucs, vous imaginez ce que ça dégage ? C'est géant, ça pollue l'air et la vue, et vous trouvez que ça nous sert à quelque chose ? Qu'on ne vienne même pas me dire que c'est indispensable pour l'économie..."

"Chacun le voit en fonction de son cas personnel"

Effectivement, même si ces touristes redynamisent un centre-ville bien morose en mars, chiffrer leur apport reste difficile, autant qu'évaluer la balance bénéfices-risques. "On sait que dans les grosses unités de croisiéristes, 2/3 des passagers restent à bord, tandis que 1/3 descend avec un panier moyen faible. Dans les croisières de luxe avec des unités plus petites, tout le monde descend avec des retombées économiques sensiblement plus importantes, précisait le Président de l'exécutif, Gilles Simeoni, lors de la dernière session de l'Assemblée de Corse. Mais globalement, le modèle Croisière [...] ne correspond absolument pas au type de développement durable que nous voulons mettre en œuvre."

Loin d'être idéal, le tourisme des croisiéristes indigne. Dans la nuit de vendredi à samedi, le collectif "Stop Croisières" a peint "en lettres de sang" le message "Stop Criminal Cruise" sur le quai de l'Herminier à Ajaccio, pour s'opposer à ces arrivées. "Il faut être honnête, chacun le voit en fonction de son cas personnel, résume le gérant d'un établissement proche du port et bien rempli. Nous, ça nous apporte tellement... Sur une journée normale en semaine, on a autant de monde que sur un week-end quand il y a des croisiéristes. Les retombées économiques sont énormes. Il faut des croisières, c'est trop important."

L'an dernier, une pétition du collectif visant à interdire ces navires en baie ajaccienne avait recueilli près de 30 000 signatures. Un geste fort qui témoigne de la division actuelle autour du sujet. Un nouveau schéma de gestion de la problématique devrait voir le jour cette année et entrer en vigueur en 2024.