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Tocc'à voi : "Muru, u mo caru paese luntanu, nuvembre 2020"


Danielle Marchetti le Mercredi 25 Novembre 2020 à 15:38

Aujourd’hui CNI veut aller encore plus loin pour répondre à la demande toujours plus croissante des ses lecteurs et invite les internautes à participer à l'élaboration du journal avec leurs "contributions". Les articles retenus seront mis en page d'accueil, tout comme les articles, rédigés par les journalistes. On les distingue de ces derniers par la mention «Tocc'à voi ». Comment devenir contributeur? Dans cette première phase pour devenir contributeur il suffira juste de nous adresser un mail à corsenetinfos@gmail.com avec en objet Tocc'à Voi.



(Image d'illustration https://www.toucharger.com)
(Image d'illustration https://www.toucharger.com)
 
Elles sont légions, les histoires de Bêtes extraordinaires qui ont partagé quelques fractions de nos décennies humaines.
Minette était nouvelle, de la maison voisine chez Marie-Pascale, noire et blanche, menue, aimant vaquer dans notre jardin, impossible à approcher tant elle était avisée. Un été, deux étés passèrent, puis vint le troisième, dans la maison réouverte où mon père n’était plus. Cet été-là, Minette vit que ma mère et Marie-Pascale notre amie bien plus qu’une voisine, se connaissaient. Perchée sur le muret dans la courbe de la route entre les deux maisons, elle les regarda se parler.
Minette se mit dès lors à entrer dans la nôtre par petites incursions de funambule. Elle entra surtout dans la vie de ma mère. C’était quelque chose d’entendre les salutations du matin et la voix de ma mère s’égayer à nouveau. Quand elle dû garder le lit après une séance de jardinage têtu, la chatte qui était si vive resta près d’elle. Quelle pensée derrière ce regard intense pouvait bien la conduire à se priver de jardin et de lumière pour garder une vieille malade, s’étonnait ma mère. Il y eut leur sieste et quelquefois leur bouderie, ou encore la chatte qui reconnaissait le pas de mère, lorsqu’elle revenait d’une veillée, désormais raccompagnée, et tant de choses. Un été, deux étés passèrent dans cette maison où ma mère aimait encore revenir depuis Minette.
Lorsque ce jour de novembre, alors que nous étions loin du village, Marie-Pascale m’a appris la nouvelle au téléphone, j’ai attendu le moment de voir ma mère. Je voulais le lui dire le plus doucement possible, moi qui murmurais mes recommandations à Minette, lorsque nous la quittions, la fin de l’été venue.
Elles sont légions, ces histoires de Bêtes comme celle de Minette trouvée, si encore elles sont trouvées, gisant le museau abimé, dans une courbe pourtant lente à l’entrée d’un village (à moins que la limitation à trente n’ait agi sur le nombre de neurones). Sur ces malheurs indifférents dont nul ne dit rien, sur cette ultime balade, nous nous questionnons à jamais.
J’aimerais dédier ces mots à Minette qui repose maintenant sous l’olivier, et aussi à chaque Bête extraordinaire et à qui la garde au cœur, et que ces mots soient à la place la plus noble du journal.