Corse Net Infos - Pure player corse
Corse Net Infos Corse Net Infos

CorseNetInfos


Tabac : ce décret qui irrite les buralistes de Corse


Philippe Jammes le Mardi 9 Avril 2024 à 19:24

Depuis le 29 mars dernier, l’importation de tabac en France, depuis un pays de l’Union Européenne, n’est plus limitée. Cela fait suite à la publication d'un décret du 27 mars 2024 au Journal officiel le 29 mars 2024. qui fait monter au créneau les buralistes insulaires.



José Oliva dans son bureau de tabac à Borgo.
José Oliva dans son bureau de tabac à Borgo.

Concrètement, ce décret multiplie par quatre les limites d’achats transfrontaliers en matière de tabac au sein de l’Union Européenne soient  800 cigarettes, 400 cigarillos, 200 cigares et 1 kg de tabac qui sont désormais autorisés par adulte. Des quantités qui sont même cumulables entre elles. Autrement dit vous pouvez rapporter à la fois 800 cigarettes et 200 cigares d’Italie. Et voilà où le bât blesse, voilà pourquoi l’inquiétude de José Oliva, buraliste à Borgo, président du syndicat des buralistes corses, qui pointe la Sardaigne toute proche !
"Les 212 buralistes de l’île sont très inquiets. La Sardaigne n’est qu’à 12 km de la Corse et mes collègues buralistes de l’extrême sud aperçoivent beaucoup de paquets de couleurs sur les tables sans qu’on puisse dire toutefois que ce soit de la contrebande. En tous cas ce décret peut l’encourager quand on sait que le paquet de Marlboro, par exemple, vendu à 11,30 € chez nous est commercialisé à 6 € en Sardaigne !"


- Une marge qui risque d’augmenter encore plus puisque la Corse doit rattraper ses prix par rapport au continent ?
- Avant 2022, la Corse disposait de 25 % d’écart avec les prix du continent. Depuis 2022, nous commençons à rattraper cette différence. On avait conclu un accord avec le gouvernement pour que rattrapage soit étalé sur 5 ans. Au 1er janvier 2026, on ne devait plus n’avoir que 5%. Je suis buraliste depuis 33 ans et j’ai toujours connu le touriste Italien venir prendre des cartouches chez nous lors de ses vacances corses, idem pour les continentaux. Cette clientèle représentait quand même jusqu’à 40% de notre activité. En France, on assiste même à un marché parallèle. Un paquet sur trois qui est vendu provient soit de la contrebande soit de la contrefaçon. Ce nouveau décret va mettre en péril nos buralistes insulaires et d’une manière générale ceux qui sont proches des frontières avec l’Espagne, la Belgique ou le Luxembourg. Il y a 15 ans, nous étions 34 000 buralistes au national. Nous ne sommes plus aujourd’hui que 23 000. En Corse cela représente 800 familles.


Notamment dans le rural ?
- Quand j’ai commencé l’activité, nous étions pratiquement 240 buralistes sur l’île. Aujourd’hui on recence pratiquement une fermeture par an. Ma crainte se situe dans le rural, les communes de moins de 3500 habitants. Le rural représente 55 % de notre réseau. Il faut vraiment se battre pour le rural. Le rural est le parent pauvre sur l’île. On ferme les trésoreries, les bureaux de postes etc...


- Quelle va être votre démarche ?
- J’ai rencontré tous les présidents de groupe de l’Assemblée de Corse et une motion* a été votée à l’unanimité. Cette motion a été envoyée au ministère de l’économie à Bercy. Je devrais ainsi être reçu dans les prochains jours par notre ministre de tutelle Thomas Cazenave. Je lui expliquerai que la situation devient critique pour les buralistes insulaires et que sans un moratoire sur la fiscalité on ne tiendra pas.


- Cela passerait par une fiscalité spécifique ?
- Aujourd’hui il y a encore 10 % d’écart entre la Corse et le continent. Ce qu’on a demandé par rapport aux discussions entre Paris et la Corse sur l’autonomie c’est qu’il y ait une spécificité sur la fiscalité.


- Cela peut aussi passer par une offre diversifiée dans les bureaux de tabac ?
- On est obligé de se diversifier. J’ai pu le faire et ça m’a apporté une hausse de 30 % de mon chiffre d’affaires. Mais tout le monde ne peut faire une transformation de son magasin, l’agrandir. Notre profession est vieillissante et beaucoup ne veulent plus investir. La profession est morose et certains envisagent la retraite c’est pourquoi j’attends beaucoup de cette rencontre avec le ministre.