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Stéphane Sbraggia : « Airbnb ? La Ville d’Ajaccio est allée au bout de ses compétences »


Patrice Paquier Lorenzi le Samedi 18 Novembre 2023 à 09:29

Depuis plusieurs années, les locations de meublées explosent dans l’hypercentre d’Ajaccio, au grand dam des socio-professionnels, mécontents d’une concurrence qu’ils estiment déloyale. Avec également pour conséquence, une raréfaction des biens disponibles à la location annuelle, rendant le marché immobilier très tendu dans la cité impériale. Près de 1500 annonces sur la plateforme AIRBNB ont été répertoriées par la Mairie d’Ajaccio. A la suite de la visite des députés en Corse, à l’initiative du projet de loi visant à rééquilibrer les offres de locations en zone tendue, Stéphane Sbraggia, le Maire d’Ajaccio nous donne son sentiment sur cet épineux dossier.



Stéphane Sbraggia, le Maire d'Ajaccio, a pu échanger avec les députés Le Meug-Kasbarian-Echaniz, lors de leur visite dans la cité impériale (crédit photo : Ville d'Ajaccio).
Stéphane Sbraggia, le Maire d'Ajaccio, a pu échanger avec les députés Le Meug-Kasbarian-Echaniz, lors de leur visite dans la cité impériale (crédit photo : Ville d'Ajaccio).
- Dans une situation de crise du logement que nous vivons aujourd’hui, la proposition de loi Le Meug-Echaniz, peut-elle changer la donne ?
-  Il n’y a pas de modèle idéal. Aujourd’hui, il y a un consensus  pour dire qu’il faut doter les territoires d’outils factuels adaptables à la main des maires en particulier. Concernant Ajaccio, nous avons eu raison, je pense, de ne pas nous précipiter, car il faut bien peser le pour et le contre. Il faut bien comprendre des situations qui peuvent être complexes. Il faut trouver la parade contre ce type de situations concurrentielles. En tant qu’élus, nous sommes là pour faire cohabiter des ensembles qui peuvent être source de conflit. A Ajaccio, il y a des difficultés pour accéder au logement, notamment les jeunes, les primo-accédants, mais la population en général. C’est un marché immobilier très tendu, avec des prix élevés. Nous sommes sur un territoire très attractif, notamment dans l’hypercentre et qui engendre des difficultés dans ce domaine, il ne faut pas se le cacher. Il y a une nécessité d’avoir des outils pour répondre à une offre équilibrée au niveau du logement.
 
- Concernant les locations de type AIRBNB, comment la Ville d’Ajaccio peut-elle agir dans le cadre de ses compétences ?
- Nous avons lancé une étude, il y a quelque mois, qui a démontré que la Ville d’Ajaccio est allée au maximum de ce qu’elle pouvait faire en termes de régulation avec la mise en place notamment des déclarations et des numéros d’enregistrement. Nous nous sommes également aperçus, dans le même temps, que cela pouvait générer un basculement des recettes liées à l’activité au détriment du budget de la Ville. Il peut donc y avoir des conséquences très importantes et très négatives. Nous sommes donc arrivés à la limite de notre niveau de compétence. C’est pour cela que nous faisons appel aujourd’hui au législateur pour qu’il fasse évoluer les outils réglementaires et législatifs sur ce sujet pour permettre aux collectivités de disposer d’outils adéquats à cette situation. Nous attendons une évolution législative pour nous permettre d’agir.
 
 
- Avec quel objectif, in fine ?
- Notre stratégie est claire : nous voulons remettre sur le marché, des biens de consommation durables et donc des locations de longue durée. Il faut absolument mettre en place un système plus incitatif pour les propriétaires. Actuellement il y a une distorsion réglementaire plus avantageuse pour les meubler de courte durée, notamment sur les contraintes qui pèsent en matière énergétique et sur les avantages fiscaux avec des abattements importants. Aujourd’hui, un propriétaire de bien a vite fait son calcul : à tous points de vue, il vaut mieux mettre son appartement en location en courte durée que sur du long terme. Nous attendons donc une cohérence en alignant notamment la fiscalité quel que ce soit le mode de location. 
 
- Il y a des Ajacciens qui louent leur bien en courte durée, pour avoir un complément de revenu et d’autres qui en font leur business, comment différencier ces situations totalement différentes ?
- C’est toute la complexité du sujet ! Il y a évidemment un travail de différenciation qu’il faut mettre en place parce qu’il y a des réalités qu’il faut distinguer, et le cas que vous évoquez en est un parfait exemple. C’est pourquoi il ne faut pas mettre en place un système de copier-coller de ce qui pourrait être fait ailleurs, car chaque territoire a ses spécificités et encore plus en Corse et à Ajaccio. L’élu de proximité que je suis doit être en première ligne et disposer des outils d’évaluation et de contrôle pour permettre d’ajuster au cas par cas. Il faut permettre de la flexibilité parce que ce qui pourrait sembler être un remède serait finalement une situation aggravante pour des ménages en situation de fragilité financière, qui ne sont pas là pour faire du business, mais juste pour arrondir leurs fins de mois .

Ajaccio. Archives CNI Michel Luccioni
Ajaccio. Archives CNI Michel Luccioni