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Stage obligatoire pour les élèves de seconde : en Corse, la plateforme "1 jeune 1 solution" ne croule pas sous les offres


le Jeudi 4 Avril 2024 à 12:50

Après le stagiaire de troisième, le monde de l’entreprise s’apprête à découvrir, fin juin, le stagiaire de seconde. Ce nouveau stage d’observation obligatoire a été décidé par le ministère de l’Education nationale. En Corse, ce sont 2 535 lycéens inscrits en classe de seconde générale et technologique (GT) qui vont devoir trouver un stage, du 17 au 28 juin. Mission impossible ?



Photo d'illustration Pixabay
Photo d'illustration Pixabay
Officiellement, l’année scolaire se termine le 6 juillet 2024. Mais dans les faits, les lycées sont désertés plusieurs semaines plus tôt, car les élèves de première et de terminale préparent les épreuves du bac. Par ricochet, les cours des élèves de seconde s’arrêtent aussi, car les établissements ferment leurs portes pour pouvoir préparer les salles qui accueilleront l’épreuve.

En conséquence, le troisième trimestre se voit généralement amputé d’un mois entier de cours. L’occasion d’envoyer les élèves de seconde en stage en entreprise, s’est dit le ministère de l’Education nationale. Dans un communiqué de presse, le rectorat de Corse confirme : « L’organisation de ce stage participe à la reconquête du mois de juin. »

Concrètement, il est demandé aux lycéens de seconde de trouver un stage d’observation du 17 au 28 juin, avec une restitution succincte, à rendre au début de l'année scolaire suivante. « L’idée, c’est que ce stage soit le plus proche possible de ce qu’ils aimeraient faire plus tard, détaille Valérie Lombardo, la déléguée régionale académique à l’information et à l’orientation.  Même si aujourd’hui, on ne fait plus forcément le même métier toute sa vie, ce stage leur permettra de développer des compétences. »

"Plus de maturité en seconde"

Ce nouveau stage ne fera-t-il pas doublon avec celui qui scelle déjà le parcours d’un élève au collège, en classe de troisième ? Valérie Lombardo ne le croit pas : « En troisième, c’est plus un stage de découverte. En seconde, les élèves ont un peu plus de maturité, ils ont une tendance à pouvoir mieux explorer les métiers qui se trouvent autour d’eux. »

Au total en Corse, ce sont 2 535 lycéens qui vont devoir se mettre en quête d’un stage, celui-ci étant obligatoire. Pas une mince affaire. Pour les aider, le ministère de l’Education nationale a mis en ligne la plate-forme 1jeune1solution. Les employeurs potentiels peuvent y proposer des stages et les élèves, postuler. Et ce mercredi, dans un rayon de 10 km autour d’Ajaccio, il y avait dix propositions de stage, d’une durée d’une ou deux semaines. A Bastia, c’est encore moins : quatre. Et quand on fait une recherche pour Porto-Vecchio, le système vrille : il propose des offres de stage à Quenza, Propriano, Cozzano, mais aussi à… Lille, Alençon ou Nice !

En Corse, ce nouveau stage est loin de faire l'unanimité auprès des représentants syndicaux. "Il y a déjà de fortes inégalités au lycée, nous pensons que ce stage ne fera que les accroître, confie Nathalise Marcellesi, membre du bureau académique du SNES-FSU. Car il y a des parents qui ont un réseau social développé et d'autres non, ce qui veut dire que des élèves vont devoir se débrouiller tout seuls." Du côté du STC, le syndicat des travailleurs corses, Jean-Pierre Luciani fait savoir qu'il ne souhaite pas s'exprimer dans l'immédiat sur la question : "Nous sommes en attente d'une position officielle. Nous allons nous réunir la semaine prochaine."

Quant à Charles Casabianca, de la CGT Education en Corse, il ne mâche pas ses mots : « Je ne vois pas l’utilité de ces stages, si ce n’est d’occuper les élèves en juin. Et puis notre tissu économique est ce qu’il est. » Valérie Lombardo est consciente que la Corse ne pourra pas accueillir tous les élèves de seconde : « On sait pertinemment qu’on n’y arrivera pas, c’est pourquoi ces stages sont élargis à l’administration et au milieu associatif. »  Compliqué malgré tout, estime Charles Casabianca : « Il faudrait qu’il y ait une cellule dans les lycées qui soit en relation avec les entreprises, toute l’année. »

"Garderie"

Et à la différence du stage de troisième, qui peut être organisé à n’importe quel moment de l’année scolaire, celui de seconde doit être effectué entre le 17 et le 28 juin, ce qui réduit d’autant les possibilités de le décrocher. « Il faudrait plutôt mettre des périodes de formation tout au long de l’année, sur des dates courtes, avec la possibilité de découvrir des entreprises différentes », note le délégué syndical.

D’autant que ce stage, qualifié d’obligatoire, n’a été annoncé que courant novembre, pour s’appliquer dès le mois de juin, ce qui laisse peu de temps de recherche aux élèves. "Et au lycée, je ne vous cache pas qu'on n'en parle pas de ce stage. Qui va s'en occuper ? On ne sait pas du tout", s'interroge Nathalie Marcellesi, qui enseigne au lycée Fesch d'Ajaccio. « Cette réactivité, l’Education nationale devrait plutôt la mettre en œuvre pour trouver des professeurs remplaçants », ironise Charles Casabianca. Valérie Lombardo assure qu’il n’y aura pas de sanction si des élèves ne trouvent pas de stage : « Il est prévu de les accueillir au CDI, dans l’établissement scolaire, encadré par des professeurs documentalistes. Ils travailleront sur un parcours construit par l’Onisep (*). » Pour Charles Casabianca, pas de doute : « Ca va être de la garderie. »

(*) L’Office national d’information sur les enseignements et les professions.