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Secours en montagne : En Corse, les interventions du PGHM en hausse de 30% par rapport à 2022


le Mercredi 14 Juin 2023 à 11:35

Le lieutenant Christophe Bellet, commandant du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM) de Corse, lève le voile sur l’organisation sur cette unité spécialisée, plus que jamais mobilisée à la veille d’une saison estivale qui s’annonce d’ores et déjà chargée



Le lieutenant Christophe Bellet, commandant du PGHM de Corse (Photo Michel Luccioni)
Le lieutenant Christophe Bellet, commandant du PGHM de Corse (Photo Michel Luccioni)
- Comment se structure le PGHM en Corse aujourd’hui ? 
- Aujourd’hui, le PGHM est structuré avec d’une part une base principale à Ajaccio, composée du commandement, la prise des alertes, la régulation et la coordination des opérations et un détachement d’intervention, et d’autre part un détachement en Haute-Corse, sur Corte. Le déclenchement de l’équipe d’intervention est commandé d’un côté ou de l’autre du massif en fonction du lieu de l’intervention, de la météorologie, de la disponibilité des hélicoptères, des décisions médicales et de ce qui prime pour la victime, ainsi que des besoins de renforts. La Corse étant une « montagne dans la mer », notre domaine d’action s’étend sur l’ensemble de l’île.
 
- Quelles sont vos missions ?
- Nos missions sont de secourir les personnes en difficulté, de rechercher les personnes disparues ou décédées, de contrôler le respect des réglementations et de constater les infractions, de surveiller le massif montagneux, de participer à des commissions de sécurité, prévenir les accidents, réaliser les enquêtes consécutives à des accidents en montagne, et de réaliser des expertises au profit des magistrats. Le secours en montagne est assuré en alternance hebdomadaire avec les pompiers du secours en montagne. Sur la semaine qui nous est confiée, nous avons une équipe prépositionnée à Ajaccio, et une sur Corte. Durant trois mois et demi l’été, cette organisation est renforcée d’une seconde équipe à Ajaccio et d’une à Borgo, afin d’être immédiatement près des hélicoptères de la section aérienne de gendarmerie (SAG) ou de la sécurité civile : 90 à 95 % des interventions se font avec une projection héliportée pour réduire les délais et gagner en efficacité. L’autre semaine, nous nous occupons toujours de tout le volet prévention, sécurité, judiciaire, et du contrôle des socioprofessionnels qui font partie du reste des missions gendarmerie, tout en intervenant en tant qu’officiers de police judiciaire sur des secours en montagne bien particuliers qui peuvent donner lieu à une poursuite judiciaire. (activité encadrée par un professionnel, accidents mortels, accidents graves avec tiers en cause, les accidents de mineurs encadrés, avalanches, ...)
   
 

Une partie de l'équipe du PGHM de Corse (Photo Michel Luccioni)
Une partie de l'équipe du PGHM de Corse (Photo Michel Luccioni)
- Combien d’interventions de secours réalisez-vous chaque année en Corse ? 
- Nous sommes environ à 260 missions de secours par an en Corse. Celles-ci sont réparties de manière à peu près équivalente entre la Corse-du-Sud et la Haute-Corse. Entre 70 et 80% de ces missions de secours s’effectuent en période estivale, où, sur quatre mois, nous avons vraiment une augmentation de l’activité et des journées pouvant aller jusqu’à 10 secours.  
  
- Quels sont les effectifs du PGHM en Corse ? 

- Le PGHM en Corse est composé de 18 militaires, dont 15 spécialistes et trois jeunes gendarmes adjoints volontaires qui pratiquent des activités de montagne, mais qui sont là d’abord pour le fonctionnement administratif de l’unité. 
  
- Quels sont le profil et les compétences des spécialistes ? 

- Pour rentrer en PGHM il faut déjà être gendarme sous-officier, et avoir passé les premiers stages montagne, dont le cursus total fait 43 semaines de formation étalées sur plusieurs années. Dans ces stages, il y a le certificat élémentaire montagne (CEM) qui se déroule sur deux semaines été et deux semaines hiver, puis le Diplôme de Qualification Technique Montagne (DQTM) qui est de six semaines été, cinq semaines hiver, et trois semaines au printemps. Ce sont les premiers diplômes que l’on passe avant d’accéder à la spécialité. À l’issue, on peut passer les tests de la spécialité qui s’étendent sur une partie hivernale sur trois jours et une partie estivale sur quinze jours. Puis il y a encore une formation qui est étalée sur deux ans, mais avec une affectation dans un premier PGHM. Le militaire est alors breveté spécialiste montagne et il est compétent dans les différents domaines dans lesquels il va devoir intervenir : en police judiciaire, en canyoning, en alpinisme, en alpinisme hivernal, en ski, en manips de secours et en secourisme. C’est le package minimum pour être spécialiste montagne en PGHM. Puis le secouriste continuera sa formation et ensuite seulement il pourra postuler au PGHM de Corse. 
 

  
- Pourquoi cette différenciation ? Quelles sont les spécificités du PGHM de Corse ? 

- D’abord un effectif restreint qui fait que nous avons vraiment besoin d’un haut niveau de compétences tout de suite, d’une vraie polyvalence, et d’une grande complémentarité entre les secouristes. Cela demande une grosse expérience pour être le plus efficace. La deuxième raison, c’est que dans son premier temps de carrière en spécialité, le gendarme va devoir se spécialiser dans tous ces domaines, va avoir beaucoup de semaines de formation, et devra continuer à parfaire son expérience en montagne. Et donc, pour cela, il aura besoin d’un massif plus varié, où il aura plus facilement accès aux stages et aux formations sur le continent qu’ici où il y a des années sans hiver où on ne peut pas découvrir comment gérer une avalanche, un secours en crevasse ou avec des hypothermies ou des complications graves. Nous avons donc cette exigence, comme cela est le cas au PGHM de la Réunion. Il n’est pas possible d’y aller trop tôt dans sa carrière, car il faut ce temps d’expérience.  
  
- Quelles sont les interventions qui vous occupent le plus ? 

- C’est principalement du secours en randonnée. Cela va de la personne qui s’est fracturé la cheville sur le chemin par une mauvaise glissade, à la personne qui a basculé dans le vide. Environ 15 % de nos interventions portent sur le canyoning. Et ensuite, on va avoir un peu de tout comme du parapente, du ski de randonnée, de l’alpinisme, du canoë, du trail et encore diverses choses. Après, il n’y a pas deux secours pareils sur la méthode d’intervention.  
  
- Vous connaissez une recrudescence d’interventions de secours ces derniers temps. Selon vous à quoi est-ce lié ? 
- Tout à fait, ces dernières semaines on voit qu’il y a une augmentation d’environ 30% de secours en plus par rapport à l’année dernière qui était une année avec un nombre d’interventions déjà élevé. Actuellement, nous avons certaines journées qui sont équivalentes à ce que l’on fait habituellement en pleine saison estivale. Les raisons sont difficiles à évaluer. Je pense qu’il y a un gros développement des activités de montagne que ce soit le trail, la randonnée, le canyoning ou tous les sports de nature qui sont en plein essor. Après, je pense que c’est aussi lié à la météo. On parle souvent d’imprudence, mais la plupart du temps ce ne sont pas des casse-cous que l’on retrouve en pleine montagne, mais des personnes qui ont une méconnaissance du milieu. On va par exemple avoir des gens qui vont aller en randonnée en haute montagne, comme sur le Monte Cinto, mais qui le font comme ils iraient sur le sentier des douaniers à Ajaccio. Or, là-bas on se retrouve avec tous les problèmes liés à l’altitude, avec des conditions météo très changeantes, ou de grosses quantités de neige face auxquelles ils ne sont pas prêts. Tout cela cumulé induit plus de secours. Mais je pense surtout que c’est lié au fait que plus de monde se promène en montagne et plus tôt cette année.