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Sécheresse : Selon l’hydrobiologiste Antoine Orsini « un été terrible » se profile en Corse


le Dimanche 24 Mars 2024 à 18:40

Au vu de l’absence de neige qui a caractérisé cet hiver, le scientifique estime que l’île pourrait bien connaître une importante sécheresse au cours de l’été.



Sécheresse : Selon l’hydrobiologiste Antoine Orsini « un été terrible » se profile en Corse
Du fait d’une habituelle douceur des températures et d’un déficit de précipitations, l’hiver qui vient de se terminer ne sera décidément pas parvenu à parer les sommets corses de leur habituel manteau blanc. Et cela pourrait bien avoir des conséquences importantes dans les prochains mois.  « Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure, et j’aimerais me tromper, mais je pense qu’on aura un été terrible cette année parce qu’il n’y a pas eu de neige », estime ainsi Antoine Orsini, hydrobiologiste et maître de conférences à l’Université de Corse. « On va voir des cours d’eau ainsi que les nappes alluviales associées s’assécher. On aura donc des problèmes d'eau souterraine et pas seulement de surface. Le corollaire, c'est qu’on aura en outre ce qu'on appelle des intrusions marines ou salines, c'est-à-dire que le sel va remonter par les rivières et avec de l'eau salée, on ne fait rien », précise le scientifique qui prévoit que toute une zone de la côte Est de l’île allant de Porto-Vecchio à Bastia pourrait notamment être concernée. 
 
« S'il n'y avait pas eu ces pluies de ces derniers jours, on aurait même pu connaître une sécheresse hivernale jamais vue », ajoute-t-il en constatant : « Cela a rattrapé un peu les choses, mais suffisamment. Les nappes ne se sont pas rechargées et les cours d'eau bientôt sont à sec ». Alors que certains misent sur les pluies qui pourraient intervenir à la fin du printemps pour remplir les nappes avant l’été - comme cela avait été le cas l’année dernière -, Antoine Orsini rappelle pour sa part que les probabilités tendent plutôt vers l’absence de précipitations à cette période. Et quand bien même celles-ci arriveraient, elles ne suffiraient, selon lui, pas à éviter la sécheresse. « Il faut bien se souvenir que l'an dernier, il y avait par endroits quatre mètres de neige. Et ce qui sauve les eaux courantes, mais aussi les eaux souterraines associées à ces cours d'eau, c'est la fonte des neiges au printemps. Or, cette année il n’y a pas eu de neige et il n’y a donc pas cette réserve disponible », explique-t-il. 
 
 
En montagne, les sources se tarissent
 
Du fait du bouleversement climatique en cours, l’hydrobiologiste constate en outre que les cours d’eau corses ont perdu 30% de leur débit durant ces 50 dernières années. « Et pourtant, les précipitations n'ont pas diminué, mais il pleut mal », souffle-t-il en déroulant : « Tout d’abord parce qu’il y a des zones moins arrosées que les autres comme le Cap Corse, la Balagne, et l'Extrême sud. Et puis aussi car il y a une distorsion temporelle, c’est-à-dire qu’aujourd'hui il peut ne pas pleuvoir pendant trois mois, et puis d’un coup pleuvoir énormément. Or, quand il y a de grosses précipitations, le débit des rivières augmente d’un coup, et l’eau ruisselle tellement qu’elle n’a pas le temps de pénétrer dans le sol et que tout va directement à la mer ». 
 
Dans ce droit fil, le scientifique observe avec désarroi que, faute d’être alimentées, de nombreuses sources ont tendance à se tarir en montagne. « Et cela se voit même dans des microrégions dans lesquelles on ne s’y attend pas comme la Costa Verde et la Castagniccia qui sont quand même le château d'eau de la Corse. C'est terrible », déplore Antoine Orsini qui avertit par ailleurs dans le Centre Corse, où nombre de villages sont dépendants de ces sources pour l’alimentation en eau courante, les coupures d’eau pourraient se multiplier à l’avenir. 
 
 
« L’eau c’est l’affaire de tous »
 
« La première solution pour lutter contre cela, c'est de ne pas perdre de l'eau dans les réseaux. Globalement en Corse, il y a 50% de fuites. C’est-à-dire que quand on a besoin d'un mètre cube pour un village, on est obligé d'en prendre deux dans la source. Il faut absolument réduire ces fuites », souligne Antoine Orsini en relevant également que les retenues d’eau ne sont pas suffisantes sur l’île. « On stocke environ 100 millions de mètres cubes d’eau en Corse. Il faudrait pouvoir en stocker au moins 150 millions », considère-t-il. « Pour cela, il faut trouver la bonne échelle et ne pas créer des autoroutes de l'eau. Il ne faut pas faire partir un tuyau de Bastia pour aller jusqu’à Bonifacio. Il faut que chaque territoire ait son stock pour montrer aux gens où ils en sont et faire de la pédagogie. Plus on tire de tuyaux en plastique et plus on s'éloigne psychologiquement et moins on appréhende le problème », ajoute-t-il encore avant de conclure : « Il faut comprendre que l’eau est l’affaire de tous et que ce n’est pas une ressource infinie ».