Saveriu Luciani, Conseiller exécutif en charge de la Langue Corse et de la Mission Eau, Président de l’Office d’équipement hydraulique de Corse, Vice-Président du Comité de Bassin de Corse. Photo Michel Luccioni.
Voici le communiqué intitulé : « Loi Molac : Torna à Vignale ? ».
« Le recours contre la loi Molac introduit auprès du Conseil constitutionnel par Aurore Bergé et soixante députés ne constitue pas à proprement parler une surprise.
Le succès obtenu le 8 avril dernier, au Palais Bourbon, a très certainement irrité un gouvernement qui ne s’attendait pas à l’expression d’un tel consensus majoritaire en faveur du premier texte législatif voté en faveur des langues dites régionales. Le premier depuis la loi Deixonne de 1951, si l’on excepte, bien sûr, l’article 75-1 de la Constitution, voté en 2008.
Pour entrer dans le détail, cette saisine des 60 députés LREM entend demander de déclarer inconstitutionnel l’article 6 de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, lequel viendrait modifier l’article L. 442-5-1 du code de l’éducation, en imposant une contribution financière obligatoire, « contraire à la Constitution », à la commune de résidence, dès lors qu’un enfant s’inscrit dans une école d’une autre commune dispensant un enseignement de langue régionale, quand la commune de résidence ne le propose pas elle-même.
L’argument majeur du recours est exprimé dans le considérant suivant : une telle obligation de financement, à la charge des communes de résidence, ne se justifie donc que pour des raisons tenant au choix des parents de l’enfant et pour favoriser l’accès à un enseignement qui, tant dans son principe que dans ses modalités, ne peut avoir qu’un caractère facultatif.
Pour notre part, nous nous interrogeons sur cette attaque d’un article qui n’est pas forcément le plus déterminant ni le plus symbolique de cette loi. Beaucoup d’observateurs avertis soupçonnent une manœuvre dilatoire, voire même une diversion n’ayant que l’objectif de faire tomber la loi ainsi votée. Un possible cheval de Troie en somme. N’oublions pas en effet que le Conseil Constitutionnel a toute latitude, au prétexte d’une quelconque saisine, pour éventuellement s’attaquer à la loi et à la totalité de ses articles.
Cela, ces députés macronistes le savent pertinemment, comme ils savent très bien que leur initiative constitue incontestablement une menace pour l’existence même de ces langues dites « régionales » en grande fragilité, ainsi que l’a reconnu l’ONU en 2009.
Or, cette loi, même si elle n’a que peu de retombées pour la Corse, dont le statut particulier et son article 7 ont en l’occurrence fait figure de modèle pour les autres langues minoritaires, ouvre la perspective d’une immersion généralisée qui, à l’évidence, n’a nullement fait peur à une très grande majorité de députés.
En guise de rappel, dans l’académie de Corse, l’enseignement immersif - acquis de notre majorité dès 2016, au même titre que la création du concours de l’agrégation de langue corse et que le grand plan de formation en Corse des professeurs des écoles - concerne déjà plusieurs centaines d’élèves dans l’enseignement public, soit 15 classes pour près de 320 élèves. Il en est de même au Pays Basque.
L’Etat et une partie de sa majorité ont bien du mal à se débarrasser de leurs vieux démons jacobins.
Pour notre part, nous restons extrêmement vigilants car le risque existe de voir le Conseil constitutionnel rendre un avis absolument défavorable à l’enseignement immersif, ce qui non seulement pourrait menacer tout ce qui a été construit dans l’enseignement public, en Corse et au Pays basque, avec un très large consensus des élus, mais par-dessus le marché risquerait d’ébranler aussi toute tentative d’enseignement de type associatif.
De la part de députés considérés comme proches du Ministre Blanquer, cette réplique marque une opposition franche de La République En Marche à la marche de l’histoire vers une Europe plurilingue.
Pire encore, elle réinstalle la vision obsolète du monolinguisme d’Etat au moment où une majorité de députés traduisent l’aspiration à l’avènement d’une démocratie linguistique.
En Corse, répétons-le, ce vote n’a que peu d’incidence, au regard du statut particulier et de la compétence de notre Collectivité en matière d’enseignement de la langue.
Pour conclure, réaffirmant notre soutien total à tous les défenseurs des langues minoritaires, est-il utile de répéter que cette nouvelle ruade parlementaire n’étonne vraiment personne dans notre île ? Ici comme à Paris, tout le monde le sait, depuis longtemps, une grande majorité de Corses s’est prononcée en faveur du développement du bilinguisme scolaire et sociétal ainsi qu’à la mise en œuvre effective d’un statut de coofficialité du Corse ».
« Le recours contre la loi Molac introduit auprès du Conseil constitutionnel par Aurore Bergé et soixante députés ne constitue pas à proprement parler une surprise.
Le succès obtenu le 8 avril dernier, au Palais Bourbon, a très certainement irrité un gouvernement qui ne s’attendait pas à l’expression d’un tel consensus majoritaire en faveur du premier texte législatif voté en faveur des langues dites régionales. Le premier depuis la loi Deixonne de 1951, si l’on excepte, bien sûr, l’article 75-1 de la Constitution, voté en 2008.
Pour entrer dans le détail, cette saisine des 60 députés LREM entend demander de déclarer inconstitutionnel l’article 6 de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, lequel viendrait modifier l’article L. 442-5-1 du code de l’éducation, en imposant une contribution financière obligatoire, « contraire à la Constitution », à la commune de résidence, dès lors qu’un enfant s’inscrit dans une école d’une autre commune dispensant un enseignement de langue régionale, quand la commune de résidence ne le propose pas elle-même.
L’argument majeur du recours est exprimé dans le considérant suivant : une telle obligation de financement, à la charge des communes de résidence, ne se justifie donc que pour des raisons tenant au choix des parents de l’enfant et pour favoriser l’accès à un enseignement qui, tant dans son principe que dans ses modalités, ne peut avoir qu’un caractère facultatif.
Pour notre part, nous nous interrogeons sur cette attaque d’un article qui n’est pas forcément le plus déterminant ni le plus symbolique de cette loi. Beaucoup d’observateurs avertis soupçonnent une manœuvre dilatoire, voire même une diversion n’ayant que l’objectif de faire tomber la loi ainsi votée. Un possible cheval de Troie en somme. N’oublions pas en effet que le Conseil Constitutionnel a toute latitude, au prétexte d’une quelconque saisine, pour éventuellement s’attaquer à la loi et à la totalité de ses articles.
Cela, ces députés macronistes le savent pertinemment, comme ils savent très bien que leur initiative constitue incontestablement une menace pour l’existence même de ces langues dites « régionales » en grande fragilité, ainsi que l’a reconnu l’ONU en 2009.
Or, cette loi, même si elle n’a que peu de retombées pour la Corse, dont le statut particulier et son article 7 ont en l’occurrence fait figure de modèle pour les autres langues minoritaires, ouvre la perspective d’une immersion généralisée qui, à l’évidence, n’a nullement fait peur à une très grande majorité de députés.
En guise de rappel, dans l’académie de Corse, l’enseignement immersif - acquis de notre majorité dès 2016, au même titre que la création du concours de l’agrégation de langue corse et que le grand plan de formation en Corse des professeurs des écoles - concerne déjà plusieurs centaines d’élèves dans l’enseignement public, soit 15 classes pour près de 320 élèves. Il en est de même au Pays Basque.
L’Etat et une partie de sa majorité ont bien du mal à se débarrasser de leurs vieux démons jacobins.
Pour notre part, nous restons extrêmement vigilants car le risque existe de voir le Conseil constitutionnel rendre un avis absolument défavorable à l’enseignement immersif, ce qui non seulement pourrait menacer tout ce qui a été construit dans l’enseignement public, en Corse et au Pays basque, avec un très large consensus des élus, mais par-dessus le marché risquerait d’ébranler aussi toute tentative d’enseignement de type associatif.
De la part de députés considérés comme proches du Ministre Blanquer, cette réplique marque une opposition franche de La République En Marche à la marche de l’histoire vers une Europe plurilingue.
Pire encore, elle réinstalle la vision obsolète du monolinguisme d’Etat au moment où une majorité de députés traduisent l’aspiration à l’avènement d’une démocratie linguistique.
En Corse, répétons-le, ce vote n’a que peu d’incidence, au regard du statut particulier et de la compétence de notre Collectivité en matière d’enseignement de la langue.
Pour conclure, réaffirmant notre soutien total à tous les défenseurs des langues minoritaires, est-il utile de répéter que cette nouvelle ruade parlementaire n’étonne vraiment personne dans notre île ? Ici comme à Paris, tout le monde le sait, depuis longtemps, une grande majorité de Corses s’est prononcée en faveur du développement du bilinguisme scolaire et sociétal ainsi qu’à la mise en œuvre effective d’un statut de coofficialité du Corse ».