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Richard Orlinski à Bastia : "rendre l’art accessible en amenant le musée au spectateur"


Rose Casado le Jeudi 30 Mai 2024 à 11:08

Dans le cadre de la troisième édition de In Giru, six gigantesques œuvres de Richard Orlinski sont exposées à ciel ouvert dans les communes du Grand Bastia jusqu'au 4 octobre. Mercredi 29 mai, l'artiste français le plus vendu au monde était à Bastia pour présenter ces célèbres œuvres telles que Wild Kong, la Panthère et le Crocodile. Inspiré par la pop culture et les objets du quotidien, Richard Orlinski, continue de développer son univers artistique. Il revient pour CNI sur son parcours et sa démarche artistique.



Richard Orlinski à Bastia, dans le cadre de la troisième édition de In Giru, mercredi 29 mai 2024.
Richard Orlinski à Bastia, dans le cadre de la troisième édition de In Giru, mercredi 29 mai 2024.
 
- Comment avez-vous accueilli la demande de l’Office de Tourisme intercommunal de Bastia, lorsqu’ils vous ont proposé de prendre part au projet ? 
- Quand on m’a proposé cette aventure, il y a eu une réaction rapide, parce que le projet s’inscrit dans une démarche volontaire et collective, qu’on développe avec mes équipes. On cherche vraiment à rendre l’art accessible en amenant le musée au spectateur. Et là, c’est une opération pour partager avec le plus grand nombre. Il y a une initiative de chasse au trésor. Ça fait participer d’autres communes, c’est très fédérateur et ça correspond à l’ADN qu’on partage.
 
- Quel est le but de ces expositions à ciel ouvert, comme vous l’avez déjà fait par exemple à Nice, où à Paris ? 
- Je me suis baladé hier après-midi, et j’ai pu voir de nombreuses personnes prendre des photos. Je pense qu’à la fin de l’exposition, on pourra les compter en millions. C’est ce qu’on avait vu lors de précédentes expériences dans d’autres villes. Je crée pour faire plaisir, pour donner du plaisir, pour le sourire d’un enfant, c’est transgénérationnel. Quand on voit les rédactions, toutes ces émotions, même si ça ne plaît pas à tout le monde, ce n'est pas grave. L’art est fait pour ça, pour s’interroger sur la société. C’est l’ADN de toucher, on n’est pas dans un musée avec des cordons. C’est une façon de donner accès à l’art pour les enfants.
 
- Qu'est-ce qui vous a motivé à accepter cette exposition, ici ?
 - Tout simplement la volonté de l’office de tourisme, de la ville et de ses environs, de pouvoir rendre l’art accessible, de partager avec le plus grand nombre, de pouvoir offrir des émotions aux enfants, aux adultes, aux personnes plus âgées. C’est l’art pour tous, c’est populaire, dans le bon sens du terme, ce qui me dit que lorsqu’on a une possibilité de pouvoir faire ce partage, de donner de l’émotion, donner de la joie dans ces moments compliqués qu’on traverse. Je trouve que c’est une mission pour l’artiste de laisser la liberté de ces personnes de pouvoir profiter de ces œuvres dans ce paysage. 
 
- À travers ces œuvres, que souhaitez-vous transmettre ?
 - D’abord la joie, la vie… Prendre conscience de ce qu’on est, de s’interroger sur toutes les problématiques, et de voir qu’on a la chance d’être en vie, d’être sur cette terre. Mais il y a surtout une grande liberté. Quand une personne réagit à une sculpture et interprète l’une de mes œuvres, je ne contredis jamais. Mon but est vraiment de laisser la liberté de l’émotion. Si tu ressens ça, tant mieux. Je ne suis pas dictateur, et je n’impose pas une volonté, même si j’ai bien sûr une idée quand j’ai créé. L’important, c’est que le spectateur se l’approprie, et reparte chez lui avec cette émotion.
 
- Sur la Communauté d’Agglomération de Bastia, six œuvres dont deux gorilles, un lion, une panthère, un ours et un crocodile sont installés. Pourquoi avez-vous fait le choix de créer des animaux ?
 - On est tous de grands enfants, et quand on était à l’école maternelle, on a tous visité des zoos, dessiné des animaux, représenté les dessins animés… C’est quelque chose qui anime. Je pense que si l’on remonte l’histoire de l’humanité, l’animal a toujours été présent chez l’homme, pour des raisons différentes. Quand j’ai développé le concept « Born wild », je disais : « Pourquoi prendre des animaux? Parce qu'eux tuent pour se nourrir, et qu’ils obéissent à un cercle vertueux. Alors que nous, on tue pour n’importe quoi. On est des animaux intelligents, mais parfois on aurait à apprendre d’eux.

- Cela fait désormais près de 20 ans que vous vivez de votre art. Faisiez-vous parler votre créativité avant cela ?
 - Dès l'âge de 4 ans, je fabriquais des animaux en terre glaise que l’on faisait cuire au four en suite, et je les offrais à mes maîtresses ou à mes directrices. J’avais déjà ce besoin de plaire. J’avais besoin de me challenger. Je faisais à l’époque beaucoup d’éléphants. C’était déjà très présent en moi. Mais à l’adolescence, c’était moins glamour… À mon époque, la sculpture n’était pas très rock’n’roll. Mais j’ai repris cette activité à la poste d’adolescence.

- Comment avez-vous vécu les polémiques autour de l’exposition de vos œuvres à Nice, avec la publication de l’enquête de Mediapart notamment ?
 - La polémique a toujours été. Puis, s’il n’y a pas de polémique, c’est que vous n'intéressez personne en réalité. Ça fait parler, ça fait jaser, mais bon, c’est surtout lié à des couleurs politiques, et c’est très déconnecté de l’artiste en réalité. Par cette polémique, ce n’est pas tellement l’artiste que l’on touche, mais plutôt, un écosystème politique. Qu’on en parle, en bien ou en mal, l’important c’est qu’on en parle. Et même quelqu’un qui arrive et qui dit « Oh, c’est moche », sans avoir regardé, ça a tout de même suscité une émotion. Donc même si c’est négatif, ce n’est pas très grave. Je suis habitué maintenant. Même si au début, ça me faisait mal (…) d’avoir toutes ces critiques, parfois acerbes. Mais avec le temps, je me suis rendu compte que ce n’était pas mal. On est dans une démocratie, tout le monde a le droit de s’exprimer, et toutes les critiques sont bonnes à prendre.
 
- Quel artiste vous a inspiré ?
 - Je vais être un peu ordinaire, mais j’ai beaucoup été inspiré par Andy Warhol, et par sa faculté à rebondir sur plein de domaines différents. Il a fait du cinéma, de la musique… Il a initié le pop art, et il venait de la publicité… On est aujourd’hui avec des dictateurs de l’art, qui te disent quoi faire ou ne pas faire. L’art est une émotion, et nous ne sommes personne pour dire ce qui est bien ou non. Ça doit répondre à des critères simples, donner de l’émotion, et c’est tout. Il n’y a pas d’experts. Et il a été l’un des pionniers à mettre cette idée dans la tête de tout le monde. Il m’a inspiré.
 
- Y a-t-il des collaborations en perspective ?
 - J’ai déjà fait plusieurs collaborations avec des artistes plus ou moins connues. J’aime aussi faire des « cross-over » entre les mondes. J’ai collaboré avec le monde de la musique, avec Steve Aoki notamment. On a fait des sculptures ensemble. Là, je suis en contact avec Chris Brown, avec Maluma, et beaucoup d’autres artistes français et internationaux. J’adore ce type de collaborations. Je suis actuellement sur un gros projet musical, où l'on crée un gros mouvement artistique européen, puis peut-être après, mondial.
 
- Avez-vous besoin de ces collaborations pour continuer à créer ? 
- Ce n’est pas que j’en ai besoin, mais je trouve que c’est bien parce que ça permet de faire découvrir à davantage de monde. Si les gens viennent pour l’art, pour la musique ou pour le sport - que j’aime beaucoup -, en mélangeant tout ça, on fédère beaucoup plus de gens autour de quelque chose. Puis, l’art fait partie de la vie, donc c’est important.