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Réouverture de la carrière Petre Scritte de Brandu : le non de l'opposition et les réserves de l'Autorité environnementale


le Jeudi 11 Avril 2024 à 18:56

Exploitée au ralenti entre 2014 et 2018, la carrière de Petre Scritte ne l’est officiellement plus du tout depuis 2018 et la fin du bail qui liait la municipalité de Brando avec la Société de construction du Cap. En redressement judiciaire, cette dernière a été acquise en 2022 par le groupe Brandizi, qui ambitionne de reprendre l’exploitation de la carrière d’où est extraite la pierre de Brando qui a fait la renommée du village cap-corsin. Mais alors que l’enquête publique vient de démarrer, des voix s’élèvent contre cette possible reprise d’activité. Elles viennent de l’opposition municipale, qui entend mobiliser contre le projet.



La pierre de Brando : on la retrouve sur tous les trottoirs de Corse et d'ailleurs.
La pierre de Brando : on la retrouve sur tous les trottoirs de Corse et d'ailleurs.
Réputée pour sa robustesse, la pierre de Brando (également appelée cipolin) a fait la joie des marbriers, qui l’ont utilisée le plus souvent pour le dallage des sols. Elle se distingue par sa variété de couleurs, du vert et bleu au braisé. Les prémices de son exploitation remontent au XIIe siècle. Mais dans la Corse contemporaine, ce sont les frères Jean et Lucien Brignoli qui ont développé l’activité en 1972. D’abord artisanale, l’exploitation de la carrière va s’intensifier dans les années 90. La carrière est alors entre le mains de la Société de construction du Cap, qui extrait jusqu’à 140 000 tonnes de pierres par an. Mais la société périclite. Auprès de la municipalité propriétaire du terrain, elle ne s’acquitte plus du loyer annuel de 50 000 euros. « Ils n’ont plus payé pendant huit ans », confirme le maire de Brando, Pierre Sanguinetti. Ce qui représente une ardoise de 400 000 euros.

60 000 euros par an pour la mairie

La pierre de Brando aurait pu appartenir au passé si le groupe Brandizi, issu du BTP, n’avait pas racheté les parts de la Société de construction du Cap en septembre 2022. Et ce, alors même que le plan de redressement incluait le règlement des créances par le repreneur. Dans la foulée, le conseil municipal de Brando délibère pour donner son feu vert à la reprise de l’activité sur la carrière de Brando. Le nouveau bail est plus avantageux pour la mairie, qui percevra 10 000 euros de loyer supplémentaire par an, soit 60 000 euros auxquels s’ajoutera chaque année en complément une somme égale à un pour cent du chiffre d’affaires réalisé par l’exploitant de la carrière. « Et ces conditions sont suspensives », précise le maire qui ne cache pas sa satisfaction de pouvoir à nouveau « valoriser la pierre de Brando, qui fait partie de notre patrimoine ».

Les réserves de l'Autorité environnementale

Mais au-delà de cette belle histoire de patrimoine sauvegardé, il y a des interrogations plus prosaïques sur des nuisances potentielles, que n’ont pas manqué de soulever les services de l’État : quelles conséquences sur l’environnement ? Une étude d’impact est commandée au groupe Brandizi, qui s’exécute en vue d’obtenir les autorisations nécessaires. En parallèle à Brando, le projet reçoit l’hostilité des quatre élus du groupe d’opposition au conseil municipal. Actuellement, la procédure en est au stade de l’enquête publique, qui a débuté le 4 avril pour s’achever le 7 mai. A cette occasion, les opposants entendent mobiliser les Cap-corsins contre le projet : « Il est prévu une exploitation de 200 000 tonnes par an, soit 200 rotations par jour sur l’unique route du cap, et ce pendant trente ans », fustige le tract qui a été distribué.  Les opposants au projet redoutent en premier lieu le trafic des camions, le bruit et la poussière. Ils s’appuient sur l’avis émis par la Mission régionale de l’autorité environnementale (MRAe), qui formule un avis indépendant sur l’étude d’impact commandée par le groupe Brandizi. Concernant le trafic, l’étude d’impact concluait à une augmentation de 6 490 rotations par an (9 090 rotations envisagées contre 2 600 rotations en 2014). Le rapport de la MRAe s’interroge : « L’étude d’impact en déduit que le trafic ne serait pas sensiblement perturbé par cette augmentation de rotations sur la route départementale 80. Cette affirmation est néanmoins d’autant plus difficile à comprendre que la carrière était sous-exploitée entre 2014 et 2018. En outre, aucune analyse de cette augmentation de trafic n’est proposée au regard, d’une part des transformations survenues dans les environs de la Départementale 80 depuis près de dix ans et, d’autre part, de la qualité de l’air, des conséquences du poids des camions chargés sur la route (entre 40 et 45 rotations par jour, cinq jours par semaine sur 10 mois) et des nuisances sonores occasionnées par la rotation des camions. » La MRAe recommande donc de compléter l’étude d’impact, sans avoir pour autant le même mode de calcul que les opposants pour évaluer le nombre de rotations quotidiennes : entre 40 et 45, quand le tract parle de 200.

Le maire promet "un comité de suivi"

Hugo Brandizi se veut rassurant : « Exploiter une carrière aujourd’hui, ce n’est plus comme avant, expose le président du groupe. À intervalles réguliers, il y a des bureaux d'études spécialisés qui mesurent les niveaux de poussières à l’aide d’un appareil. Et on ne peut pas dépasser le bruit résiduel de plus de 5 décibels, sinon on serait mis en demeure. » Et sur les 200 000 tonnes par an, il précise : « Ce ne sont pas les tonnes livrées, mais le maximum de celles que l’on pourrait extraire. Car sur ces tonnes, il y a une quantité qu’on ne pourra pas utiliser. » « On sera plutôt à 150 000 tonnes en sortie de carrière », évalue de son côté Pierre Sanguinetti, qui tient aussi à rassurer : « Après la réouverture de la carrière, je compte mettre en place un comité de suivi qui veillera au respect des contraintes environnementales. Elle sera composée d'un représentant de la majorité municipale, de l’opposition et de la société civile. » Mais selon lui, extraire des pierres localement vaut mieux pour l’environnement que d’acheminer les matériaux « d’Italie ou de Chine ». Quand Guy Luciani, élu d’opposition, voit plutôt la pollution engendrée par les camions sur la route du Cap...  Il précise par ailleurs ne pas être contre l’exploitation de la pierre de Brando, mais en faveur d'un projet « à taille humaine, finement étudié ».