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Réforme des retraites : Ce que les Corses en pensent


Naël Makhzoum le Jeudi 19 Janvier 2023 à 13:12

Comme à Bastia et partout en France, un cortège de manifestants s'est élancé de la gare d'Ajaccio, peu avant 11 heures jeudi 19 janvier. Les près de 3000 personnes réunies - 1500 selon les autorités - ont entamé leur marche pour protester contre la réforme des retraites. Vous avez expliqué à CNI les raisons de votre mobilisation.



Pierre-Louis et Jacquie, soignants et collègues de travail

Pierre-Louis, 30 ans : "La retraite touche tout le monde à un moment de sa vie. Aujourd'hui, tous les rapports économiques nous montrent que le modèle actuel pour la cotisation des retraites et le départ à la retraite est stable. On ne comprend pas pourquoi cette réforme et ça paraît injuste. 
Il n'y a pas vraiment d'âge pour se sentir moins ou plus concernés. On est tous, à un moment donné, confronté à un départ à la retraite. Et puis, je pense qu'il faut s'en soucier dès l'entrée dans la vie active. D'anciens collègues à la retraite sont quand même ici pour manifester avec nous en soutien."


Jacquie, 57 ans : "On a de quoi s'inquiéter sur tout : l'économie, les retraites, etc. Nos conditions de travail également. C'est un tout. Moi, à 57 ans, je me dis : "allez, la retraite est loin sans être trop loin". Mais ça touche aussi les jeunes. On ne sait pas s'ils vont avoir une retraite ou pas. J'ai des enfants qui vont être touchés, de l'âge de Pierre-Louis. On ne lâchera rien et on fera ce qu'il y a à faire. On continuera à être là pour revendiquer nos mécontentements."

Nathalie, retraitée

Nathalie, 65 ans, retraitée depuis quelques mois : "C'est indispensable d'être là. J'étais fonctionnaire à La Poste. Tout le monde est concerné. J'ai des enfants, petits-enfants qui le sont au premier chef. Je le suis aussi puisque tout est fait pour diminuer les retraites, n'étant plus indexées comme avant. Je sais qu'à terme, ma retraite va baisser encore plus. Ceux qui sont encore vivants à l'âge de la retraite s'appauvrissent encore plus. Le but est d'appauvrir. On prend toujours sur les classes moyennes et jamais sur les très riches. On est les bonnes poires pour payer toujours plus."

Pierre, attaché territorial

Pierre, 30 ans, attaché territorial : "Cette réforme, en plus de précariser un peu plus les personnes âgées, va créer une classe de travailleurs qui vont se retrouver en difficulté. Je suis à la fois là contre cette réforme, et pour affirmer aussi que la retraite, ce n'est pas seulement un temps où les gens sont fracassés et se remettent difficilement du travail, mais aussi un moment où ils peuvent s'investir.
La retraite est une continuation du travail, un libre-travail. Les gens peuvent choisir ce qu'ils font. Ils s'engagent dans les associations, dans les conseils communaux, etc. C'est aussi ça qui est en danger. Il faut absolument montrer qu'on est présents, sinon comment faire entendre notre voix ? C'est important aussi de se retrouver tous ensemble, de montrer qu'on est unis et nombreux. Vu mon âge et le nombre de réformes qui s'enchaînent depuis trente, quarante ans, c'est difficile de se projeter."

Éricka, régisseuse

Éricka, 45 ans, régisseuse à la maison Bonaparte : "Les personnes comme moi, ayant fait des études longues, ont commencé à travailler un peu plus tard. On se retrouve à devoir travailler jusqu'à 67 ans, en n'ayant pas une retraite complète. On ne sait pas de quoi demain sera fait, combien on va gagner, si on sera capable de subvenir à nos besoins avec notre retraite... Ce n'est pas normal.
Le gouvernement part du principe qu'il ne pourra pas payer les retraites, mais ne tient pas compte du fait qu'un quart des personnes qui ont cotisé n'ont pas de retraite. Entre l'augmentation de l'essence, du coût de la vie et particulièrement ici en Corse, on a de plus en plus de difficultés, en ayant deux salaires, à joindre les deux bouts.
J'ai une fille au collège et quand je vois que c'est difficile maintenant, on se demande dans quinze ans, quand nos enfants voudront faire des études, auront davantage de besoins... C'est pour nos enfants qu'on le fait, qu'est-ce qu'on va leur laisser ?"

Joséphine, enseignante

Joséphine, 54 ans, enseignante : "Je ne pense pas que ce soit une bonne solution de faire travailler des gens plus vieux, qui sont ensuite fatigués, manquent d'énergie, se mettent en arrêt maladie pour tirer jusqu'au bout... Il faudra payer deux fois, sans compter les jeunes au chômage qui n'arrivent pas à trouver de boulot.
Même si je suis passionnée par mon travail, je vois que je perds en énergie. Je ne m'imagine pas être dans une classe à 67 ans. On serait en plus complètement décalé par rapport aux élèves. On va juste alimenter la précarité."

Témoignages anonymes

Un anonyme de 58 ans : "Je suis contre la réforme. 64 ans c'est trop tard, on est cassés à cet âge-là. Je suis déjà en vrac maintenant. J'ai beaucoup travaillé dans le bâtiment, le commerce, la saison quand j'étais jeune. Aujourd'hui, je travaille dans la fonction publique et 64 ans, pour moi, c'est trop tard, trop long. J'ai un frère décédé à 60 ans, l'autre à 62. Si je vais jusqu'à 64 ans, je ne profiterais de rien après avoir travaillé toute une vie. S'il faut revenir, je serais là. Je gratterais sur mon temps de travail, mais je serais là."

Une administrative de 61 ans : "Cette réforme m'oblige à travailler six mois de plus. Je faisais déjà mes projets de départ et ça les remet en cause totalement. J'ai des problèmes de santé. J'ai de grosses difficultés à rester à mon poste aujourd'hui, avec un employeur qui serait d'accord pour que je parte, très clairement, et qui m'a même mis des pressions et des menaces pour que je m'en aille.
Mais avec cette réforme, c'est une obligation de travail six mois de plus. Même si on a le bénéfice de l'expérience, on nous en demande toujours de plus en plus, sans avoir la santé qui nous permet d'être aussi productif et de donner plus à nos employeurs. Une grosse partie des gens arrivent en retraite avec, déjà, des problématiques de santé plus ou moins importantes.
Non seulement je suis concernée, mais je connais plein de gens autour de moi qui n'arrivent pas à être maintenus dans un emploi à 62 ans. Des tas de gens sont licenciés et ne peuvent plus trouver d'emplois... C'est une réalité."