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Rassemblement à Paese Novu : des habitants partagés entre soutien à la victime et refus de la stigmatisation


David Ravier le Vendredi 12 Janvier 2024 à 20:18

Samedi 13 janvier se tiendra une manifestation intitulée « Racailles Fora » au stade de football de Paese Novu, en soutien à un jeune du quartier qui a été agressé sur le parking d'une zone commerciale de Furiani dans la nuit du 5 au 6 janvier. Si cet évènement, largement relayé sur les réseaux sociaux, est assuré de réunir du monde, dans le quartier les habitants sont divisés entre soutien à la victime et refus de la stigmatisation.



Le terrain de football de Paese Novu où se tiendra la manifestation "Racailles Fora" du samedi 13 janvier.
Le terrain de football de Paese Novu où se tiendra la manifestation "Racailles Fora" du samedi 13 janvier.
En ce paisible vendredi après-midi, la quiétude règne à Paese Novu. Quelques habitants déambulent dans les rues du quartier, pour récupérer leurs enfants à l'école, aller boire un café au bar, ou jouer une dernière partie de pétanque. Entouré de ses camarades, Pierre peaufine sa stratégie. Entre deux lancées, le retraité résume sa pensée face à la manifestation qui doit se tenir samedi 13 janvier sur le stade de foot. « Ici en Corse, on se défend nous-mêmes, on n’attend pas que les problèmes dégénèrent comme sur le continent pour les résoudre. On se respecte entre nous, on respecte les gens qui viennent de l’extérieur, mais à condition que ce soit mutuel », indique-t-il, avant de reprendre sa partie. Pierre, qui sera présent lors de cette manifestation, veut ainsi montrer que « le climat actuel en Corse n’est pas bon et qu’il faut savoir dire stop, c’est ça le but du rassemblement ».

 

Pas d’insécurité, mais un climat qui se dégrade

Les habitants ont tous leur mot à dire quant à cette histoire d’agression et de manifestation populaire en solidarité au jeune homme qui a été attaqué à l’arme blanche lors d’une rixe sur le parking d’une zone commerciale de Furiani dans la nuit du 5 au 6 janvier. Aux abords du quartier, deux habitantes qui ont souhaité conserver l’anonymat indiquent que le climat au sein du quartier s’est détérioré depuis quelques années, glissant notamment que cela serait la faute « trop grand nombre d’étrangers » qui seraient installés. « Je pense participer à la manifestation, mais depuis ma fenêtre, car j’ai peur des débordements qu’il peut y avoir », concède cette retraitée qui a vu le quartier changer au cours des 32 années qu’elle a passé dans ces bâtiments. Son amie, installée dans la résidence depuis une trentaine d’années aussi, et qui a « élevé ses deux enfants ici sans pour autant qu’ils deviennent des voyous », redoute également les retombées de cette histoire, notamment auprès des jeunes « qui exagèrent et dégradent le climat du quartier ». Pour autant,  si l’une comme l’autre assurent ne « jamais avoir eu d’histoires dans le quartier » ni ressentir d’insécurité, elles disent comprendre et soutenir cette manifestation, car « ce n’est pas dans la mentalité des Corses de venir frapper quelqu’un à plusieurs. Et quand on sait que ce sont des Maghrébins qui ont fait le coup… », glisse la retraitée, sans laisser le fil de sa réflexion aller jusqu’à son terme.

 

Une récupération politique

Au pied du terrain de football qui accueillera la manifestation du lendemain, Mohammed, Sam et Jean-Marc discutent de ce qu’ils considèrent comme un non-évènement. « Pour moi, c’est juste une histoire entre des petits merdeux qui prennent des proportions inconsidérées », détaille Mohammed dans un langage fleuri, rejoint dans ses propos par ses amis qui opinent du chef. Habitant du quartier depuis plus de vingt ans, le quadragénaire ne comprend pas l’emballement autour de cette manifestation, qui possède selon lui quelques relents de racisme. « Venez ici quand vous voulez, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit et vous verrez qu’il n’y a pas de problèmes de violence. Paese Novu, c’est comme un village où tout le monde se connaît. Quand il se passe quelque chose, on le règle entre nous ». Jean-Marc, qui écoute la discussion depuis le début, tient à rajouter que « la récupération politique qui a été faite de l’évènement ne sert qu’à se montrer. Si cette histoire fait autant de bruit, c’est parce que c’est un Arabe qui s’est défendu lorsqu’il s’est fait agresser par un Corse, rien de plus ». Arrivé à Paese Novu à l’âge de 12 ans, il déplore que des groupes politiques se soient greffés à cette manifestation citoyenne. Jean-Marc les accuse notamment d’avoir monté cette histoire en épingle avec l’aide des réseaux sociaux pour se faire de la publicité rapide et jouer sur le coup de l’émotion. « On est loin des problèmes des banlieues du continent, tempère Sam, le troisième acolyte. Avant qu’ils ne parlent de violence, qu’ils aillent un peu à Marseille dans les quartiers nord pour comprendre ce qu’est vraiment l’insécurité ». Selon eux, le rassemblement du lendemain devrait réunir beaucoup de monde, mais pour eux, pas question d’y mettre les pieds, car « participer à cette manifestation alors qu’on vit dans ce quartier, ça ne sert à rien si ce n’est stigmatiser les habitants », conclut Mohammed.