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Quand Manhattan rime avec Susan : le nouveau roman de Michèle Acquaviva-Pache


Philippe Jammes le Vendredi 8 Juillet 2022 à 09:48

C’est un beau récit, une belle histoire que nous raconte Michèle Acquaviva Pache dans son dernier livre « Manhattan… Susan »*, son road trip effectué en 1966 aux Etats-Unis. Elle avait à l’époque 22 ans ! Rencontre avec cette journaliste et écrivaine qui sera en dédicace ce 8 juillet à Bastia.



- Michèle, cette Lina c’est vous en fait ?
- Oui, j'ai juste changé le nom. C’était le nom d’une des sœurs, la plus belle, de mon grand-père.

- Ce road trip date de 1966, pourquoi le publier 56 ans plus tard ?
- J’avais pris des notes sur le moment mais à l’époque j’avais 22 ans et je ne me sentais pas mûre pour l’écrire et puis j’aurais pu mettre certaines personnes en danger. Le déclic a eu lieu le 9 août 2014. Ce jour-là le jeune afro-Américain Michael Brown, 18 ans, est abattu par les flics. Son crime ? Marcher au milieu de la chaussée, refuser d’emprunter le trottoir sous l’injonction des forces de l’ordre. L’affaire a fait grand bruit et des émeutes ont suivi le drame. Toujours cette année 2014, l’avortement est en difficulté aux USA. Tout ceci me renvoie alors à cet été 1966, marqué par la lutte pour l’égalité raciale, les problèmes liées à l’avortement et j’étais sur place.

- Un livre que vous dédiez à 4 femmes …
- 4 femmes qui se sont battues pour les femmes, leurs idéaux : Angela Davis, Gisèle Halimi, Marie-Claire Chevalier et Big Mama Thornton. Des combats souvent politiques. D’ailleurs à cette époque la frontière était très mince entre les démocrates et les républicains américains. En fait il y avait surtout une fracture au sein des démocrates du Nord et du Sud.

- La genèse de ce road trip de 66 ?
- Après mes études de Sciences Po et d’Histoire à Lyon, j’avais poursuivi une année de journalisme au Centre de Formation de Journalisme à Paris. A la fin de cette 1ère année j’ai voulu rejoindre ma sœur, Marie dans le récit, boursière, qui était installée à Washington. Un organisme universitaire affrétait justement un avion pour une centaine d’étudiants, en mal de rêve américain. Quel avion ! On a mis 15h pour rallier Paris à New-York.


- Et c’est dans l’avion que vous rencontrez Ralf, l’autre personnage central du livre …
- Il était installé dans l’avion, pas très loin de moi. On a lié connaissance. Il s’appelait Rudi en fait. Il avait des origines allemande et autrichienne. Il venait de tomber amoureux d’une hôtesse de l’air et voulait la rejoindre à San Antonio.

- S’en suit une escapade en … Cadillac
- Il n’avait que 20 ans mais était très dégourdi. En arrivant à New-York, il a trouvé dans un magazine l’annonce d’un docteur qui cherchait quelqu’un pour convoyer une Cadillac à l’un de ses confrères. Il l’a convaincu. S’en est suivi ce road trip. De temps en temps je prenais des notes et Ralf m’asticotait avec ça. On vivait au jour le jour, sans le sou ou presque, lancés en autostop une fois la Cadillac livrée.

- Au fil de ce parcours, défilent des tas de personnages dans un contexte politique tendu… Un florilège de personnages qui font tantôt rire, tantôt grincer des dents… de savoureux portraits !
- Au fil des villes et des personnages du livre on est en effet confronté aux problèmes de l’époque : la violence, le racisme, la guerre du Vietnam, l’avortement, le féminisme mais aussi la musique. Le seul fait d’actualité que je n’ai pas côtoyé c’est le mouvement hippie qui prenait naissance de l’autre côté du pays. Mais ce n’est pas un livre noir. Il y a certes de la colère, des personnages qui souffrent, mais aussi des moments de joie, de l’humour car les personnages rencontrés dans ce voyage étaient très hétéroclites de Ralf l’amoureux à Susan en détresse, en passant par Syd le berger des chiens, jacob le bluesman, Petit-Bedon, la grosse dame noire dans le bus, la texane Sarah-Rivka, Naomie…

- Susan, cette jeune apprentie-journaliste vous a particulièrement marquée ?
- J’avoue avoir eu très peur pour elle. L’avortement à l’époque posait problème. Aujourd’hui encore 23 états sont contre.

- L’avez-vous revue ?
- Je n’ai cherché ou pas eu envie de revoir ces personnes. Par hasard, il y a vingt ans, j’ai vu Susan à la télé dans un reportage. Elle était devenue journaliste.

- Ralf ?
- Aucune nouvelle. Il n’était même pas dans l’avion du retour avec nous.

- Comme vous le disiez il y a des côtés très sombres et d’autres plus gais… c’est ce qui fait le charme et la facilité de lecture.
- Oui bien sûr, il y a eu des moments épiques : la Cadillac de Ralf, les courroies de la Volkswagen de Susan, la situation cocasse dans le bus où les places de devant étaient réservées aux noirs et où mon accent d’Oxford faisait rire, l’arrestation pour excès de vitesse… Heureusement Ralf parlait mieux l’anglais que moi.

- La couverture du livre ?
- Elle est l’œuvre de ma fille cadette, Rinata Shaka. Un visage qui selon elle me ressemble.

- Une belle séance de dédicaces en vue à Bastia ?
- Oui effectivement, le 8 juillet, à la Galerie Noir et Blanc des extraits seront lus par Patrizia Poli, Pascal Arroyo et Zelda Colonna.

- 14ème livre pour vous et je suppose encore des projets ? 
- Oui, mais pour l’heure rien de définitif. Du moins à dévoiler !
 
*Editions L’Harmattan.

Synopsis

« Été 66, Lina, apprentie journaliste, se lance à la découverte des États-Unis. Les yeux noyés de curiosité et de naïveté elle embarque avec elle, Ralf, étudiant pas très mature mais sympa. Objectif : convoyer une luxueuse Cadillac de New York à Key West.  Charleston, Jacksonville, Miami sont autant de villes étapes. La livraison de la rutilante voiture effectuée, les voilà autostoppeurs désargentés à la poursuite d'un rêve américain qui n'a rien d'hollywoodien. St Petersburg, les Bayous, la Nouvelle-Orléans, Port-Arthur, sont des escales contrastées les conduisant à Houston. Cet été 1966 aux States, c'est un temps d'émeutes raciales, de combat pour les droits civiques, de lutte contre la guerre du Vietnam, de l'annonce d'un renouveau du féminisme américain. C'est encore les protest songs, les sons caribéens, la pop, le free jazz, la créativité faite musique. Sur la route de Lina, un lot de rencontres étonnantes, détonantes, émouvantes, singulières ».