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Prunelli-di-Fiumorbo : Un concert de très haute tenue au centre culturel Anima


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Lundi 14 Novembre 2022 à 17:33

Dimanche 13 novembre, le centre culturel Anima de Prunelli-di-Fiumorbu organisait un concert à l’école de musique de Casamuzzone : Émilie Fairy au piano et Richard Jehl au violon ont enchanté les spectateurs venus nombreux les applaudir.



Les deux musiciens
Les deux musiciens
Pour le centre culturel Anima, 2022 n’est pas une année comme les autres : il fête en effet ses trente ans d’existence. « On a organisé une année de fête, explique son Directeur, Olivier Van der Beken. Et nous clôturerons avec la réouverture de la salle Cardiccia de Migliacciaru, créée elle aussi il y a trente ans, et qui est actuellement fermée pour des travaux de rénovation. Ce sera un grand week-end, en janvier : trois jours avec des artistes comme Feli, Diana Salicetti, et bien d’autres… » 

Virtuosité et musicalité du jeu
Le concert de dimanche entrait dans le cadre de ce programme festif. Il a attiré un public nombreux : la salle de l’école de musique de Prunelli était comble, ce dimanche en fin de journée, et certains ont dû renoncer à venir écouter les deux artistes : « J’ai passé l’après-midi au téléphone à refuser du monde », soupire, des regrets dans la voix, le Directeur du Centre. 
Il est vrai que le spectacle était de qualité. Violon et piano ont promené les spectateurs de l’époque baroque – avec Gluck ou Vivaldi –, au XXe siècle, – avec Sibelius, Ravel ou Fauré , en passant par le romantisme d’un Massenet. Un répertoire varié, offrant une place de choix à des airs dansants ou ensorcelants, et qui donnait aux deux artistes l’opportunité d’exprimer leur virtuosité autant que la sensibilité de leur jeu. 

Les œuvres des compositeurs hongrois – avec les danses roumaines de Béla Bartók et le Boléro de Jenö Huszka – interprétées avec brio, ont été ovationnées, tout comme la musique quelque peu tzigane d’un Czardas de Monti, ou la Habanera d’un Maurice Ravel. Les harmonies latines étaient en effet à l’honneur, avec les Espagnols Enrique Granados et Manuel de Falla – dont la Danse espagnole de la vie brève a fait l’objet d’une interprétation magistrale – , l’Argentin Astor Piazzolla, ou encore le Brésilien Heitor Villa-Lobos.


Des femmes compositeurs
Des airs connus, mais des découvertes également, avec deux femmes compositeurs : Maria Theresai von Paradis, une contemporaine de Mozart dont la Sicilienne inaugurait le concert, et Lili Boulanger, décédée en 1918 à l’âge de 24 ans, mais qui nous a laissé quelques belles œuvres comme ce Nocturne que Richard et Émilie ont interprété avec beaucoup de sensibilité. 
Longuement applaudis et bissés, les musiciens ont clôturé le spectacle par un morceau plus jazzy de Stéphane Grappelli.  


Un plaidoyer pour la liberté et la joie de créer
L’atmosphère bon-enfant se prêtait aux échanges avec l’assistance, et les musiciens s’y sont livrés tout naturellement, prolongeant, de façon informelle, le temps qu’ils avaient passé avant le spectacle avec une douzaine de jeunes élèves de l’École de musique. « Une démarche que nous faisions irrégulièrement jusque-là, précise le Directeur d’Anima, et que nous cherchons maintenant à systématiser ». Présentant leur parcours respectif à ces violonistes et pianistes débutants, très attentifs, les deux interprètes ont su, avec beaucoup de pédagogie et de simplicité, parler du plaisir que la musique pouvait procurer à ceux qui savaient y consacrer un peu de temps et de travail. 
Plaisir non seulement de jouer devant des spectateurs, mais également « de préparer le spectacle et d’obtenir un rendu qui sonne le mieux possible. On choisit les œuvres que l’on aime. Et comme il y a différentes manières de jouer un morceau, on essaie des choses… et on s’efforce de maîtriser le geste qui nous permet de faire ce que l’on trouve le plus beau  ». Démonstration à la clé, les deux musiciens ont illustré leur propos par quelques mesures jouées et rejouées à différentes vitesses ou en modifiant les nuances… « C’est autre chose que le plaisir que l’on prendrait à un jeu vidéo, a expliqué Richard. Quand on joue à un jeu vidéo, on suit ce que le programmeur a voulu. Quand on fait de la musique, le plaisir dépend de ce que l’on choisit : c’est vraiment soi. Il y a des pièces que l’on joue depuis très longtemps, et pourtant, on a toujours des idées nouvelles pour les interpréter. On est vraiment libres, toujours en train de créer. Créer : c’est ça qui fait qu’on se sent bien. »

« Nous voudrions aussi vous donner envie de jouer avec d’autres musiciens, a ajouté Émilie. Car c’est aussi ça qui est beau dans la musique : le partage ! ». 
 
Un très beau plaidoyer pour la liberté, pour la joie de créer et de partager, qui fera peut-être naître, qui sait ? quelques solides vocations parmi les jeunes de l’école de musique de Prunelli. 
 

Les musiciens :

Émilie Fairy a commencé la musique à l’âge de cinq ans, encouragée par des parents qui lui font découvrir très tôt l’opéra et qui la conduisent à des concerts. Elle est lauréate des conservatoires de Brest puis de Versailles. En 2007, à l’âge de 25 ans, elle s’installe en Corse où elle va enseigner à l’École de musique Anima – une activité qu’elle conjugue avec celle de concertiste. Elle y crée la classe de piano. Un an durant, pour bénéficier des conseils de ce concertiste talentueux, elle va suivre les cours en perfectionnement de Jean-Baptiste Fontlup, un musicien originaire de Sartène qui enseigne alors au Conservatoire de Bastia. 
De 2018 à 2020, elle fait également partie du trio Les nymphéas, au sein duquel elle accompagne la mezzo-soprano Anne-Marie Grisoni et la soprano colorature Julia Knecht.  
Outre son activité de professeur de piano au sein d’Anima, elle est également chef de chant à Bunifaziu, où elle réside. Elle se produit fréquemment en Corse, notamment aux côtés de Richard Jehl.
 
Richard Jehl a commencé le violon à l’âge cinq ans, influencé par un père violoniste. Ses parents le poussent. Il n’en est pas moins passionné et travaille beaucoup. Il se forme au sein du Conservatoire de Versailles puis à la Royal Academy of Music de Londres. 
Quand la maladie l’oblige à arrêter l’instrument, il doit choisir une nouvelle orientation professionnelle : ce sera la naturopathie… et l’écriture. 
Mais dix ans plus tard, la santé revient : il peut renouer avec la musique et les concerts. Originaire de Pianottoli par sa mère, il s’est installé à Figari et se produit régulièrement en Corse, notamment aux côtés d’Émilie Fairy.