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Processus d’autonomie : La délégation corse demande à l’Etat de recréer les conditions du dialogue


Nicole Mari le Vendredi 7 Octobre 2022 à 21:37

Après le refus en appel de la semi-liberté conditionnelle de Pierre Alessandri et le report consécutif de la visite du ministre de l’Intérieur, le Président du Conseil Exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, a réuni, vendredi après-midi, les 21 élus, membres du Comité stratégique pour l’avenir de la Corse, qui négocie avec le gouvernement, pour faire un point sur la situation politique. Les élus, à la quasi-unanimité à l’exception de Corsica Libera, ont signé un texte commun demandant solennellement à l’Etat la libération de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi afin de permettre la reprise du processus en cours.



Le président de l'Exécutif corse, Gilles Simeoni, a réuni la délégation corse à l'hôtel de région à Aiacciu. Photo Michel Luccioni.
Le président de l'Exécutif corse, Gilles Simeoni, a réuni la délégation corse à l'hôtel de région à Aiacciu. Photo Michel Luccioni.
C’est une déclaration commune et solennelle que la délégation des élus de la Corse, dans sa diversité politique, adresse au gouvernement et au plus haut niveau de l’Etat : celle de régler au plus vite un déni de droit qui plombe les relations entre la Corse et Paris et le processus de discussions en cours sur l’autonomie, amorcé dans la douleur, après l’assassinat d’Yvan Colonna et la violence qui a secoué l’île en mars dernier. Le déni de droit, c’est le nouvel arrêt de la Cour d’appel de Paris refusant de façon systématique la semi-liberté conditionnelle accordée en première instance à Pierre Alessandri, et avec un scénario identique pour Alain Ferrandi, condamnant les deux derniers prisonniers du commando Erignac, libérables depuis six ans, à la prison à vie. La nouvelle du refus signifié, le jeudi 29 septembre, à Pierre Alessandri, a provoqué l’interruption et la levée de session de l’Assemblée de Corse sur une décision unanime de la Conférence des présidents de groupes. Cette Conférence a débouché sur une protestation commune de tous les groupes politiques qui ont estimé, d'une même voix, que le maintien en détention de Pierre Alessandri et dAlain Ferrandi était « générateurs de trouble et remettait en cause le processus de discussions en cours avec Paris ». La déclaration commune affirmait qu’il « appartient au gouvernement de recréer rapidement les conditions politiques dun dialogue serein et de la confiance réciproque ». Les deux partis indépendantistes, Core in Fronte et Josepha Giacometti pour Corsica Libera, avaient même annoncé suspendre leur participation au processus. Le collectif L'Ora di u Ritornu et des syndicats d’étudiants leur ont emboité le pas. Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui devait venir dans l’île, les 6 et 7 octobre, avec le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, pour assister au congrès de maires de Corse du Sud, a prudemment reporté sa visite.
 
Une déclaration solennelle
Le président de l’Exécutif a, donc, proposé la tenue d’une réunion des 21 membres de la délégation corse pour tenter de trouver une position commune face à l’Etat. Elle s’est tenue, vendredi après-midi, pendant plus de quatre heures à la Collectivité de Corse à Aiacciu en présentiel et par visioconférence. Y ont participé la Présidente de l’Assemblée de Corse, deux représentants par groupes politiques, les sept parlementaires, les maires d’Aiacciu et de Bastia et les Présidents des deux associations de maires. Comme à l’Assemblée de Corse, les positions font la quasi-unanimité. A l’exception de Corsica Libera qui prône l’arrêt des négociations et le rapport de forces, tous les groupes politiques, y compris Core in Fronte, ont réaffirmé leur volonté de poursuivre le processus et la nécessité de solder la question des prisonniers. Ils l’ont dit clairement dans une déclaration commune qui va plus loin que la déclaration de l’Assemblée de Corse et qui s’adresse de manière très solennelle et très ferme à l’Etat. La réunion, expliquent les signataires de la déclaration, « a analysé, dans un climat solennel et constructif, la situation de tension créée par la décision de la Cour d’appel de Paris, infirmant le jugement du tribunal ayant admis Pierre Alessandri au bénéfice de la libération conditionnelle ».

La déclaration acte les points suivants :

  • « -  Elle partage et réitère la position de la Conférence des Présidents relative au caractère incompréhensible et injuste de cette décision ;
  • -  Elle considère que, contrairement à la motivation de l’arrêt, ce sont les maintiens en détention de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi qui sont et peuvent être générateurs d’un trouble à l’ordre public, et non leur accès à un régime de semi-liberté ;
  • -  Elle relève que cette motivation, uniquement fondée sur l’ordre public, ignore totalement les logiques de démocratie, de dialogue et d’apaisement qui prévalent en Corse depuis plusieurs années ;
  • -  Elle affirme qu’après plus de 23 années de détention, la libération de ces deux hommes est conforme au droit et à la justice, aspiration partagée par la société corse dans toutes ses composantes ;
  • -  Elle rappelle que cette position a été exprimée à plusieurs reprises de façon solennelle et unanime tant par l’Assemblée de Corse et le Conseil exécutif de Corse, que par de très nombreux maires, parlementaires, élus, et organisations humanitaires, en Corse comme à l’extérieur de l’île ;
  • -  Elle considère que cette décision et les tensions qu’elle suscite mettent en danger le processus de discussion engagé entre la Corse et l’Etat ».
La déclaration conclut sur un appel à l’Etat : « La délégation de la Corse aspire à poursuivre le processus de dialogue dans des conditions apaisées et demande donc, solennellement, l’expression d’une parole politique au plus haut niveau du Gouvernement et de l’Etat, prenant en compte l’ensemble de ces éléments, de façon à recréer les conditions de la reprise du processus en cours ».
 
 

Gilles Simeoni : « Cette déclaration est un texte important »

A l’issue de la réunion, le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni a déclaré que cette déclaration était « un texte important dont chaque mot a été pesé » et que tous les élus signataires « avaient conscience de la gravité de l’heure ». D'où le quasi-consensus : « Nous disons de façon claire que la remise en liberté de Pierre Alessandri et d’Alain Ferrandi est une des conditions, au même titre que la vérité et la justice pour Yvan Colonna, qui permet de conforter, crédibiliser et poursuivre le processus », comme il l’explique à CNI :

 


Les signataires de la déclaration

-  Gilles Simeoni, Président du Conseil exécutif de Corse
-  Marie-Antoinette Maupertuis, Présidente de l’Assemblée de Corse
-  Jean Biancucci, pour le groupe Fà populu inseme
-  Jean Martin Mondoloni, pour le groupe Un soffiu novu
-  Jean Christophe Angelini, pour le groupe Avanzemu
-  Paul-Félix Benedetti, pour le groupe Core in Fronte
-  Michel Castellani, Député de la 1ère circonscription de Haute Corse
-  Jean Félix Acquaviva, Député de la 2ème circonscription de Haute Corse
-  Laurent Marcangeli, Député de la 1ère circonscription de Corse du Sud
-  Paul André Colombani, Député de la 2ème circonscription de Corse du Sud
-  Paulu Santu Parigi, Sénateur de la Haute Corse
-  Jean Jacques Panunzi, Sénateur de la Corse du Sud
-  François Alfonsi, Député européen
-  Pierre Savelli, Maire de Bastia
-  Stéphane Sbraggia, Maire d’Aiacciu
-  Ange Pierre Vivoni, Président de l’Association des Maires de Haute Corse
-  Jean Jacques Ciccolini, Président de l’Association des Maires de Corse du Sud.