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Prison avec sursis et lourdes amendes requises au procès du "trésor" de Lava


La rédaction avec AFP le Mardi 30 Janvier 2024 à 20:38

Prison avec sursis et lourdes amendes ont été requises mardi au procès du "trésor" romain de Lava, contre deux "pilleurs" qui avaient tenté de vendre un inestimable plat en or du IIIe siècle. Parmi eux, un des inventeurs de ce trésor, qui en revendique la propriété.



Prison avec sursis et lourdes amendes requises au procès du "trésor" de Lava
Regrettant une rencontre "qui n'aurait jamais dû se produire entre l'Histoire et des pilleurs" corses, le procureur Michel Sastre a fustigé les prévenus devant le tribunal correctionnel de Marseille, les accusant d'avoir "détruit un pan entier du savoir" historique et "dilapidé des biens qui auraient pu faire la fierté de l'île" de Beauté.
Félix Biancamaria, 67 ans, et son ami et complice présumé, Jean-Michel Richaud, 68 ans, sont poursuivis pour "recel", "détention" et "importation en contrebande" d'un "bien culturel maritime présentant le caractère de trésor national". En l'espèce, un plat en or massif de 25 cm de diamètre.
Cet objet, estimé jusqu'à plusieurs millions d'euros, est la pièce maîtresse connue du "trésor" de Lava, dont les premières mentions dans des publications remontent à 1958.
C'est en pêchant des oursins en 1985 dans le golfe de Lava, à 17 km au nord d'Ajaccio, avec son frère et un ami, que Félix Biancamaria avait découvert les premières pièces en or du trésor du IIIe siècle, aux effigies des empereurs romains Gallien, Claude II, Quintille et Aurélien.
Il a déjà été condamné en 1995 dans cette affaire, avec son frère Ange, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende, pour "détournement d'épave maritime".
Au vu de cette première condamnation, le prévenu ne pouvait donc selon le procureur ignorer l'illégalité de la détention de ce plat, avec lequel il a été interpellé en octobre 2010 à la gare TGV de Roissy, rentrant de Bruxelles où un acheteur potentiel s'était finalement désisté. Le magistrat a donc demandé contre Félix Biancamaria deux ans de prison avec sursis et 150.000 euros d'amende.

"Martingale" pour "flambeur"
Contre Jean-Michel Richaud, qui reconnaît avoir voulu proposer un acheteur à son ami, afin de toucher une commission, le magistrat a réclamé 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 15.000 euros d'amende. Le procureur a également précisé que les douanes, non représentées au procès, réclamaient solidairement aux deux hommes une amende de 800.000 euros.
Pour Jean-Michel Richaud, Me Marc Maroselli a demandé la relaxe, arguant que son client, "flambeur", habité par "la passion du jeu", avait "vu dans ce plat en or sa martingale" pour se sortir de difficultés financières. Mais il n'aurait jamais eu le plat en sa possession, contrairement à ce qu'a un temps affirmé Félix Biancamaria, qui ne l'a toutefois pas répété au procès.
La défense de Félix Biancamaria a également plaidé la relaxe, arguant notamment que l'origine du trésor viendrait en fait d'un point d'occupation romaine à terre.
Point qui changerait tout légalement: si le trésor se trouvait au départ sur la terre ferme, celui qui le découvre a légalement droit à 50% de sa valeur ; mais s'il s'était abîmé en mer, depuis un navire, il appartient intégralement à l'Etat.
A la barre du procès, Félix Biancamaria a affirmé l'avoir découvert en 1986 sous un rocher d'éboulis sur la plage: "Ce plat m'appartient" aujourd'hui encore, a-t-il estimé en conséquence.
Problème: dans un livre publié en 2004, qu'il assure aujourd'hui ne pas avoir rédigé et qu'il qualifie de "fable", il racontait avoir retrouvé le plat sous l'eau, sous un rocher si lourd qu'il avait fallu le soulever avec un cric de char AMX30.
Dénonçant une procédure dans laquelle "tout est péremptoire", Me Anna-Maria Sollacaro a également contesté la qualification juridique de "trésor national" du plat. M. Biancamaria est "victime d'une expropriation illégale et injuste", a renchéri sa consoeur Me Amale Kenbib, en demandant "la restitution du plat".
Des arguments balayés d'avance par le procureur, qui avait fustigé un prévenu "qui tantôt dit blanc, tantôt dit noir" et estimé la notion d'épave maritime "pleinement applicable au plat".
Le jugement a été mis en délibéré au 27 mars.