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Porto-Vecchio : Préserver le chêne-liège, retardateur de flamme, pour mieux développer la filière


le Jeudi 18 Avril 2024 à 19:07

Ce jeudi, les acteurs de la filière liège en Corse se sont réunis à la médiathèque l’Animu, à Porto-Vecchio, pour une journée de séminaire consacrée à la préservation du chêne-liège, tout en traçant des pistes de développement de la filière en Corse.



Les acteurs de la filière liège en Corse se sont réunis jeudi à Porto-Vecchio pour un séminaire.
Les acteurs de la filière liège en Corse se sont réunis jeudi à Porto-Vecchio pour un séminaire.
Maire d’Evisa, Jean-Jacques Gianni avait fait le déplacement jusqu’à Porto-Vecchio pour assister au séminaire sur la valorisation du liège en Corse. « Le chêne-liège, c’est un produit d’avenir, quand on voit le réchauffement climatique. Il faut le protéger », a-t-il insisté. Ce n’est pourtant pas dans la forêt d'Aitone, voisine d'Evisa, que l’on a le plus de chances de trouver des chênes-lièges en Corse. L’arbre pousse majoritairement sur le littoral, et jusqu’à 700 mètres d’altitude. La majorité des suberaies (les forêts de chênes-lièges) se trouve dans la région de Porto-Vecchio. 

L’ère des méga-feux, dans laquelle nous sommes malheureusement entrés, n’épargnera peut-être pas la Corse, mais les chênes-lièges seront de fidèles alliés. C’est à travers cet enjeu environnemental fondamental que Jean-Jacques Gianni en parle comme d’un fameux « produit d’avenir », car le liège est résistant au feu. Maître de conférence à l’université de Corse, Toussaint Barboni est précisément venu parler des vertus du liège en tant que retardateur de flamme. Autrement dit, sa combustion, qui est lente, ne dégage ni fumée, ni gaz toxique, ce qui limite tout risque de propagation. D’où l’intérêt aussi de limiter la présence d’autres espèces dans les suberaies, note Florian Galinat, le directeur adjoint du CNPF, le Centre national de la propriété forestière, qui a organisé cette journée de séminaire : « Je ne dis pas qu’il faut nettoyer toutes les suberaies corses, mais pratiquer des détourages, des éclaircies à son profit, ça permettra de s’engager dans le sens d’une gestion durable. »

"Privilégier la régénération naturelle"

Autre enjeu : envisager le renouvellement des peuplements, car les chênes-lièges ont une durée de vie qui excède rarement les 300 ans, ce qui n’est pas exceptionnel pour un arbre (en comparaison, un chêne vert peut dépasser les 1 000 ans). Or la récolte du liège ne peut avoir lieu qu’à partir d’une vingtaine d’années d’existence du chêne-liège, puis tous les neuf ans, au minimum, le temps qu’il se régénère. « Il faut privilégier la régénération naturelle, en faisant confiance à la génétique », a estimé Sylvestre Sisco, chef de la cellule du développement forestier à l’ODARC, l’Office du développement agricole et rural de la Corse.

En Corse, sur environ 65 000 hectares de suberaies, le tiers est exploitée par les subériculteurs. «  Une suberaie rapporte entre 100 à 200 euros par hectare et par an », a évalué Renaud Piazetta, de l’Institut méditerranéen du liège. En Corse, les exploitants de liège se sont récemment constitués en syndicat, I suvaraghji di Corsica, lequel doit venir préserver leurs intérêts. L’autre maillon de la chaîne, ce sont les propriétaires forestiers, sur les terrains desquels se trouvent les suberaies exploitées (98 % des suberaies se trouvent sur des terrains privés). La coopérative Silvacoop a été créée pour les aider à exploiter cette ressource, tout en la préservant. Elle regroupe, en 2024, 145 propriétaires fonciers, ce qui équivaut à 4 000 hectares de suberaies. La Silvacoop leur permet de mettre en place une gestion pérenne des suberaies, grâce à la planification et à un suivi sanitaire des peuplements.

Des pistes à explorer

Ce jeudi, durant le séminaire, les différents acteurs de la filière du liège en Corse ont insisté sur le besoin de reboiser, de mettre en place une charte de qualité, de développer des filières artisanales et de se regrouper pour mieux pouvoir peser dans une économie mondialisée. Un projet d’isolant biosourcé, à base de liège, a été présenté. Une architecte est également venue illustrer comment le liège pouvait servir de base à des projets de construction, à l’échelle internationale. Au bémol près que le liège ne peut être utilisé, pour l’heure, que dans des projets privés, car il n’est pas certifié pour la commande publique. Le maire de Porto-Vecchio, Jean-Christophe Angelini, voit cette effervescence d’un œil satisfait : « Avec tout cet écosystème qui s’organise, on peut devenir le haut-lieu de la culture du liège. »