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"Polluants éternels" : 5 sites sont présumés contaminés en Corse


La rédaction avec AFP le Vendredi 21 Avril 2023 à 19:42

Selon une enquête du Monde, 5 sites seraient contaminés par des polluants dits éternels (PFAS ) en Corse.



Les sites relévés par l'enquête du Monde se situent à la base aérienne 126 de Ventiseri et aux aéroports d'Ajaccio; Figari, Calvi et Bastia
Les sites relévés par l'enquête du Monde se situent à la base aérienne 126 de Ventiseri et aux aéroports d'Ajaccio; Figari, Calvi et Bastia
Il est urgent d'agir face aux PFAS ! Un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) recommande au gouvernement de prendre "sans tarder" des mesures face aux polluants dits éternels, en vue d'améliorer les connaissances et les contrôles et de les interdire. "La réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS et leur suivi (...) est quasi-inexistant", souligne en préambule ce rapport, commandé en février 2022 par Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique, et publié vendredi dernier. Le texte recommande notamment "d'engager sans tarder les actions de maîtrise du risque les plus urgentes".
 
Le sigle anglais PFAS (prononcé "pifasse") désigne les substances per- et polyfluoroalkylés, une famille de composés organofluorés de synthèse (plus de 4.700 molécules), développées depuis les années 1940. Dotées de propriétés antiadhésives et imperméables, elles sont massivement présentes dans la vie courante: poêles en Teflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles... Quasi indestructibles, elles sont décrites par certains experts comme "la plus grande menace chimique au XXIe siècle", mais jugées en partie incontournables par l'industrie.

 

5 sites corses sur la carte d’Europe de la contamination par les PFAS

Sur la carte d’Europe de la contamination par les PFAS dressée par Le Monde,  5 sites, utilisateurs de mousses anti-incendie, sont présumés être contaminés en Corse : il s’agit d’Ajaccio-Napoléon Bonaparte, de Figari-Sud Corse, de Calvi-Sainte-Catherine et  de Bastia-Poretta. Un cinquième site, la Base aérienne 126 de Ventisri-Solenzara, figure dans la liste des sites présumés contaminés a ces PFAS.

À la direction des aéroports de Haute-Corse, Pierre-François Novella rappelle que les aéroports de Corse sont engagés dans une démarche de protection de l'environnement et de valorisation de la Biodiversité"En effet, compte tenu  de l'importance de la protection de notre environnement et parfaitement en phase avec les politiques aéroportuaires sur la minimisation de la persistance dans l'environnement, dès le début des années 2018, à l'instar des aéroports de Bastia et de Calvi, les Services de sauvetage et de Lutte contre l'Incendie se sont dotés d'émulseur totalement vierge de composés fluorés comme moyens d'extinction des feux d'hydrocarbure", affirme-t-il.

Pour la Corse-du-Sud, Laurent Poggi, directeur des aéroports, indique qu'il n'y "pas ce type de produit à Figari" et "qu'il n'y  en a plus à Ajaccio"

La BA126  concernée
À la BA 126 de Ventiseri-Solenzara on souligne que "les PER et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, sont des substances aux propriétés chimiques spécifiques utilisées notamment dans les émulseurs servant à lutter contre les incendies d'hydrocarbures, au titre de leurs propriétés filmogènes permettant d’étouffer l’incendie et de limiter le risque de reprise du feu."
 
Et on reconnaît être concerné par cette problématique "avec l'utilisation des émulseurs par les véhicules de sécurité incendie de l’aéroport. Ces produits sont les seuls efficaces pour intervenir sur un aéronef en flammes."
 
Mais l’armée de l’air affirme qu'elle "applique strictement les réglementations en vigueur pour l’utilisation de cette classe de produit et s’inscrit dans une démarche encore plus vertueuse en dotant les bases aériennes d’ouvrages permettant la récupération et le retraitement des mousses d’extinctions utilisées à des fins de maintenance ou d’entraînement. Et précise encore que leur "emploi est d’ores et déjà limité au strict nécessaire et les zones potentiellement contaminées" dans le passé font l’objet d’un suivi."


"Constat inquiétant"
Selon l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) "Les connaissances sur les risques sanitaires associés aux différents PFAS sont insuffisantes, voire absentes (...) mais des effets nocifs et toxiques sur le métabolisme humain ont été observés pour plusieurs PFAS et leur caractère cancérigène est suspecté".

La contamination se fait notamment via la consommation d'eau et d'aliments et l'inhalation de l'air et de ses poussières. La liste des effets est longue: diabète, obésité, effets immunitaires, hématologiques, neurologiques, nécrose du foie, cancers... Face à ce "constat inquiétant", la première recommandation est donc d'"appliquer le principe de précaution" et de demander à l'État français "d'œuvrer pour une restriction Reach (en référence à la réglementation européenne destinée à préserver la santé humaine et l'environnement des produits chimiques, NDLR) conduisant à une interdiction d'usage, de production et d'importation de l'ensemble des PFAS", estime le rapport.

L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié le 7 février la proposition de cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Suède) pour bannir dans l'UE les PFAS, qu'elle évaluera avant de soumettre une recommandation à Bruxelles et aux vingt-Sept, pour une mise en oeuvre après 2026. Cette démarche a été appuyée par plusieurs États, dont la France. L'IGEDD préconise aussi la "substitution des PFAS chaque fois que c'est possible par des substances moins nocives", de mieux informer le public concernant les risques et la présence de ces polluants dans les différents produits et d'engager un programme de recherches pour améliorer les connaissances.

"Inaction coupable"
Actuellement, "la France ne réglemente aucun PFAS dans le contrôle des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine" et la "réglementation française des émissions industrielles encadre encore trop peu les rejets en PFAS", note le rapport, ajoutant que des lacunes similaires existent pour l'air et les sols.
 
Le rapport montre des contaminations marquées de certaines nappes souterraines (Alsace, région rhodanienne, vallée de la Seine, Moselle, Méditerranée ...), ajoutant que celle des eaux superficielles "est plus générale". En décembre 2022, le gouvernement a publié un "plan d'action" pour mieux "évaluer les effets des PFAS et ainsi les limiter plus strictement" tout en soulignant que les actions doivent être prises au niveau européen.

Le député écologiste Nicolas Thierry, qui estime que ce plan est une "diversion", a déposé une proposition de loi réclamant une interdiction des PFAS dès 2025 quand il y a une alternative, avant une interdiction totale en 2027.

Le rapport de l'IGEDD, bloqué selon lui et l'ONG Robin des bois depuis des mois par le gouvernement, est "aussi inquiétant qu'on le pressentait", a-t-il réagi auprès de l'AFP. "C'est le début d'un long combat face à un scandale sanitaire d'une ampleur inédite. Le problème est connu depuis 20 ans et l'inaction de l'État et des industriels est coupable" alors que "des alternatives aux PFAS existent déjà". "Alors que la pollution est généralisée (...) l'inaction de l'État est totale" et son plan "n'est pas à la hauteur des enjeux", fustige de son côté Générations Futures, estimant qu'il est "urgent d'adapter la surveillance" notamment sur les denrées alimentaires et l'eau. "Attendre des normes européennes, connaissant la lenteur des processus (...), est insuffisant", conclut l'association.