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Petru Dottori-Liccia, sentinelle du patrimoine balanin


François Daumont le Jeudi 7 Mars 2024 à 19:08

Dans un monde en perpétuelle évolution, où les fastes du progrès menacent parfois de balayer les traces du passé, émerge parfois des hommes porteurs d'une passion inébranlable pour la préservation de l’héritage culturel et historique commun. Petru Dottori-Liccia, originaire de Balagne, est sans conteste, l’un d’entre eux. Bien qu’il s’en défense par modestie, il incarne un réel puits de savoir patrimonial, qu’il aime à promouvoir et à partager au gré de ses rencontres.



Petru Dottori-Liccia
Petru Dottori-Liccia
Ce combat de toute une vie démarre au contact de ses grands-parents et grandira au cours de rencontres initiatiques, à l’exemple du berger Pierre Giuntini de Palmentu, qui façonneront son amour immodéré pour la terre de ses ancêtres. Comme il le souligne : « C’est en travaillant pour l’associu « Alivu Balaninu » en 1989, que j’ai pris conscience de la richesse que constituait pour la Balagne, l’exploitation de l’olivier et les noms rattachés aux parcelles mises en culture, malheureusement souvent décimées par le feu ».


Cette prise de conscience l’amènera dès l’adolescence, à s’engager bénévolement dans les comités communaux feux de forêts puis au sein des sapeurs-pompiers volontaires du SIS 2B. En parallèle de ces missions, Petru s’est toujours enthousiasmé pour l’archéologie, ce qui lui permettra de coopérer, un temps avec le professeur émérite Michel-Claude Weiss, et pour la toponymie. Ces deux passions seront le fil conducteur d’une existence dédiée à l’étude historique et à la recherche de ces vestiges et appellations en voie de disparition, qui singularisent ce territoire balanin, autrefois véritable grenier à grain de la Corse.


Comme l’intéressé l’explique : « Je milite afin que l’on n’oublie pas ce que nos anciens nous ont laissé en héritage, car il s’agit là du socle sur lequel est bâtie notre identité et notre raison d’être. Aussi je pense sincèrement, comme d’autres passionnés de patrimoine, qu’il convient de préserver ce qui peut l’être encore ». Puis de préciser : « Ce que je redoute par-dessus tout au regard de l’évolution actuelle de notre société, c’est que l’on ne vienne à dénaturer durablement le fondement même de la toponymie locale et plus encore du caractère singulier du bâti, petit ou grand, qui a toujours prévalu jusque-là. Certaines aberrations urbanistiques et paysagères, que l’on voit émerger ici et là, ne font que confirmer mes craintes. J’aimerais tant convaincre le plus grand nombre sur la nécessité de
préserver l’authenticité de nos paysages et de nos toponymes
».


Issu d'une lignée familiale fortement enracinée au sein de cette microrégion pastorale, Petru Dottori- Liccia, incarne depuis son jeune âge, la quintessence de la détermination et de l'investissement envers la conservation des patrimoines. Les années qui passent n’ont en rien entamé ses convictions et son attachement aux vieilles pierres notamment. Ainsi tel le berger qu’il aurait aimé être, l’infatigable machjaghjolu, arpente régulièrement les sentiers étroits qui fendent le maquis, cherchant à décrypter les secrets enfouis dans chaque recoin, dans chaque ruine, dans chaque caillou. Pour orienter ses recherches, il s’appuie volontiers sur des documents tels que le cadastre napoléonien ou bien le plan Terrier qui constituent pour lui, de véritables mines d’information.


Sa curiosité insatiable le pousse aussi à plonger au cœur des récits oubliés, qui sommeillent dans les murs millénaires. Quand on le questionne sur sa passion, il répond simplement  : «  Chaque élément du patrimoine est pour moi, une pièce précieuse d'un puzzle géant, témoignant des époques révolues et des civilisations disparues. Ma mission va bien au-delà de la simple admiration. Je suis animé par un profond respect pour mes ancêtres et pour les nouvelles générations, en espérant que celles-ci se dressent, tel un rempart contre les assauts du temps et de ';indifférence.».


On l’aura compris, Petru Dottori-Liccia, se fait le porte-voix des édifices oubliés, des traditions ancestrales et des savoir-faire artisanaux menacés de disparition. Sa quête de préservation est une lutte de tous les instants au-delà de lui-même. Il dialogue volontiers avec qui veut bien l’écouter afin de mobiliser les bonnes volontés nécessaires à la sauvegarde de ce patrimoine qui appartient à tous, mais dont la responsabilité de protection incombe à chacun.


Au-delà de son militantisme associatif, Petru Dottori-Liccia voit dans le patrimoine non seulement un témoignage du passé, mais aussi un vecteur de lien social, de transmission des valeurs et de construction de l'identité collective. Pour lui, restaurer une vieille église, préserver un site archéologique ou revitaliser un quartier historique, c'est insuffler un souffle de vie dans le présent et offrir des racines solides pour l'avenir. Ainsi, incarne-t-il, l'espoir d'un équilibre entre modernité et tradition, entre progrès et conservation. Dans un monde en quête perpétuelle de renouveau, il nous rappelle avec conviction que l'ancien et le nouveau peuvent coexister harmonieusement, que notre héritage insulaire est notre richesse et que sa préservation est un devoir sacré pour les générations présentes et à venir.