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Petr'Anto Tomasi : « Nous nous présentons dans les quatre circonscriptions pour gagner ! »


Nicole Mari le Jeudi 25 Mai 2017 à 22:56

Il était déjà le candidat de Corsica Libera en 2012. C’est désormais sous la bannière Pè à Corsica, en binôme de la majorité territoriale, que Petr'Anto Tomasi repart comme suppléant de Jean-Félix Acquaviva aux élections législatives des 11 et 18 juin dans la seconde circonscription de Haute-Corse. Le jeune conseiller territorial indépendantiste, président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, explique, à Corse Net Infos, l’enjeu de ce scrutin pour les Nationalistes : faire valoir les droits du peuple corse ! Il estime que le mouvement national est le seul à se prévaloir d’une démarche politique d’ensemble et qu’il se présente, uni et fortement mobilisé, dans les quatre circonscriptions pour gagner.



Le binôme de la majorité territoriale, Jean-Félix Acquaviva, conseiller exécutif, élu de Femu a Corsica, et son suppléant, Petr'Anto Tomasi, conseiller territorial, président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, tous deux candidats sous la bannière Pè à Corsica aux élections législatives des 11 et 18 juin dans la seconde circonscription de Haute-Corse.
Le binôme de la majorité territoriale, Jean-Félix Acquaviva, conseiller exécutif, élu de Femu a Corsica, et son suppléant, Petr'Anto Tomasi, conseiller territorial, président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, tous deux candidats sous la bannière Pè à Corsica aux élections législatives des 11 et 18 juin dans la seconde circonscription de Haute-Corse.
- Après avoir été candidat aux législatives de 2012, pourquoi avez-vous choisi de repartir comme suppléant de Jean-Félix Acquaviva ?
- J’étais candidat en 2012 pour Corsica Libera dans un tout autre contexte. Saveriu Luciani était également candidat pour Femu a Corsica. A ce moment-là, les principales avancées sur nos revendications fondamentales – coofficialité de la langue, statut de résident, amnistie des prisonniers – n’avaient pas été validées. Les Nationalistes n’étaient pas au pouvoir. Dans cette circonscription, le jeu politique était beaucoup moins ouvert. Enfin, dernier élément important, après notre victoire historique de décembre 2015, nous avons pris la décision de nous présenter unis. C’est un message politique fort ! Nous avons eu des discussions au sein de la majorité territoriale et nous avons décidé de partir en binôme avec Jean-Félix Acquaviva. Même s’il y a légalement un titulaire et un suppléant, la démarche est collective.
 
- Ne craignez-vous pas les contrecoups de la crise, qui a déchiré Femu a Corsica pour la désignation de leur candidat, et d’un départ très tardif en campagne ?
- Non ! Il y a eu, effectivement, des discussions qui auraient pu être préjudiciables, si elles avaient duré. Nous avons dit, dès le départ, que la pluralité des candidatures au sein de Femu a Corsica ne saurait constituer, ni un élément de blocage, ni un élément de rupture. Après un cycle de discussions, la majorité territoriale se présente unie dans les quatre circonscriptions de l’île. C’est la seule mouvance politique qui peut se prévaloir d’une démarche d’ensemble à cette élection législative. S’il y a pu avoir, à un moment donné, chez les Nationalistes, et plus généralement chez les Corses, de l’inquiétude ou de la circonspection par rapport à ce qu’ils ont pu lire dans la presse ou entendre ici et là, cette phase-là est derrière nous. Nous sommes, dorénavant, complètement mobilisés dans cette campagne des législatives.
 
- Comment se déroule-t-elle ?
- Bien ! Notre meeting de lancement à Ghisonaccia a montré l’enthousiasme de la base militante nationaliste, toutes les tendances étaient présentes et mobilisées pour la victoire. Depuis nos dernières campagnes électorales, nous avons pour habitude de passer dans tous les villages pour rencontrer, à la fois, les habitants, y compris ceux qui ne sont pas nationalistes, et les maires. A travers l’accueil que nous recevons, nous avons la sensation d’une validation de l’action menée depuis un an et demi à l’Assemblée de Corse. C’est aussi, en ce sens, un test électoral. Je crois que les Corses ont compris ce que nous sommes en train de faire. Ils ont compris que nous sommes en train d’œuvrer au redressement national et de construire un pays développé, plus juste et apaisé. Nous sentons un vent d’optimisme et d’espoir flotté dans cette circonscription. Nous avons bon espoir de faire fructifier ces sensations.
 
- Quel est, aujourd’hui, pour vous indépendantistes, l’enjeu de cette élection ?
- Depuis des décennies, nous avons pris la décision d’être présents à cette élection législative. En 1993 déjà, il y avait des candidats indépendantistes. Ce n’est, donc, pas un fait nouveau ! Pour nous, aujourd’hui, l’enjeu est simple. En décembre 2015, nous avons remporté une bataille électorale décisive. Depuis lors, nous nous employons, à l’Assemblée de Corse, à utiliser tous les leviers dont nous disposons pour changer les choses en profondeur dans ce pays et avancer sur le chemin de l’émancipation. Mais il est très clair que nous ne disposons pas de tous les moyens nécessaires pour faire avancer la Corse. Une partie de la bataille se joue à Paris pour, dans un premier temps, négocier des dérogations à la loi générale, et, puis surtout, négocier un nouveau statut qui permettra à la Corse de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire de plein droit. Au-delà de la conjoncture électorale, il nous semble légitime de faire entendre à Paris la voix du peuple corse. Nous n’irons pas au Palais Bourbon pour être une unité supplémentaire dans la majorité ou l’opposition présidentielle, nous irons pour faire valoir et reconnaître les droits du peuple corse.
 
- Vous avez, avec Jean-Guy Talamoni, rencontré Emmanuel Macron lors de sa visite électorale en Corse. Comment appréhendez-vous la nouvelle donne politique à Paris ?
- Nous l’appréhendons de façon claire et pragmatique. Nous avons, effectivement, à sa demande et à celle de son entourage, rencontré le candidat Macron pendant la campagne. Il a écouté beaucoup plus qu’il ne s’est engagé sur les questions corses. Pour nous, la situation est très simple. Des délibérations ont été votées massivement par l’Assemblée de Corse sous l’ancienne mandature : statut de résident, coofficialité de la langue, statut fiscal, notamment concernant la fiscalité des successions, amnistie des prisonniers qui, en plus, relève de la loi et non pas de la Constitution, inscription de la Corse dans la Constitution… Des dossiers sont en cours sous l’actuelle mandature : le cadre normatif spécifique pour l’Académie de Corse, le statut fiscal et social porté par le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, une charte pour l’emploi local, le transfert du pouvoir législatif… Tous ces dossiers nécessitent une évolution législative et constitutionnelle.
 
- Pensez-vous que, sur ces sujets, ce gouvernement sera plus ouvert que le précédent ?
- Nous verrons ! Il faut que le gouvernement et le président de la République prennent la mesure de ce qui se passe en Corse. Nous disons clairement que nous ne saurons accepter qu’on nous oppose, de façon péremptoire, des lignes rouges à ne pas franchir, comme l’a fait le précédent gouvernement. Nous sommes bien déterminés à les franchir car nous savons que c’est tout à fait nécessaire à la survie du peuple corse sur sa terre. Nous attendons, donc, aujourd’hui, d’avoir les premières discussions structurées, non plus avec un candidat, mais avec un président de la République française en exercice.

Petr'Anto Tomasi.
Petr'Anto Tomasi.
- Il n’y a jamais eu de parlementaire nationaliste. Après la prise de Bastia et du pouvoir régional, pensez-vous possible d’enlever au moins une des quatre circonscriptions ?
- Oui ! Nous pensons que c’est possible ! Le message, que nous portons, est le même sur les quatre circonscriptions, de Rogliano jusqu’à Bunifaziu, du littoral jusqu’à l’intérieur de l’île. Nous partons du postulat que le vote de décembre 2015 n’est pas un vote de contestation ponctuelle, mais un vote d’adhésion. Il correspond à un vrai mouvement de fond, irrémédiable. Désormais, il n’y a plus d’élection en Corse qui ne soit pas gagnable par le mouvement national ! On a pu le constater depuis décembre 2015, y compris dans des élections qui étaient très compliquées pour les Nationalistes et où on ne pensait même pas présenter des candidats !
 
- Lesquelles ?
- Par exemple, l’élection de Paulu Santu Parigi comme président de la Communauté de communes du Centre Corse, qui, jusqu’à présent, était dominée par le modèle ancien. Dorénavant, elle est gouvernée par un Nationaliste corse. Nous nous présentons, donc, dans les quatre circonscriptions pour gagner ! Pour que cette victoire électorale présage, demain, d’autres victoires politiques, notamment une évolution substantielle du statut de la Corse. Mais, avant de songer à la victoire, il faut remporter le 1er tour. C’est ce à quoi nous nous attelons ! Concernant la circonscription de Corte-Balagne qui est particulièrement ouverte, nous pensons avoir de bonnes chances de l’emporter.
 
-  Remporter ce fief Giacobbiste, ne serait-ce pas hautement symbolique ?
- Oui ! Effectivement ! Le député sortant est Paul Giacobbi qui était, aussi, le précédent président de l’Exécutif de Corse, et, avec qui, sous cette mandature, nous avons des débats vifs et des oppositions très fortes. Ce serait symbolique à plus d’un titre puisque c’est la circonscription où se situe Corte, ville centrale pour les Nationalistes. Ce serait, enfin, symbolique parce que nous gagnerions avec les deux grandes tendances du mouvement national, unies, rassemblées, résolument dirigées vers l’avenir et vers une démarche qui a vocation à s’enraciner dans le temps et dans le paysage politique corse.
 
- Si vous êtes élus, quel rôle, en tant que suppléant, comptez-vous jouer ?
- Aux termes de la loi, un député suppléant a assez peu de prérogatives. Il n’est censé remplacer le député titulaire que dans un certain nombre de cas assez limités. L’important, une fois que Jean-Félix Acquaviva sera élu député, c’est de poursuivre notre démarche. Je crois que mon rôle de suppléant ne s’arrêtera pas le 18 juin prochain. Il y aura, bien entendu, une coordination de nos actions, y compris durant l’exercice du mandat. L’intérêt, pour nous, d’être représentés au Palais Bourbon, c’est d’avoir une continuité entre ce qui est fait en Corse et ce qui se fait à Paris. On a bien vu ce qu’il s’est passé, ces deux dernières années, entre la majorité nationaliste en Corse, qui a fait valider des orientations, et des députés qui n’en sont pas issus. On a assisté, parfois, à des reniements, en tous cas à des oppositions fortes qui ne servent pas les intérêts de la Corse. L’intérêt, c’est bien que toutes les tendances de la majorité puissent, durant l’exercice du mandat des députés, être en symbiose avec l’action qui sera développée à Paris.
 
- Quel devrait être, selon vous, le premier acte d’un député nationaliste ?
- Le premier acte doit être hautement politique et symbolique. Ce serait d’affirmer, dans l’enceinte du Palais Bourbon, que le ou les députés, qui entreront dans cette instance, sont des députés du peuple corse, qu’ils incarnent des décennies de lutte, qu’ils ne renoncent à rien et qu’ils se battront sur le terrain démocratique et institutionnel pour faire reconnaître les droits du peuple corse. Je crois que tenir un tel discours dans l’enceinte du Parlement français aura un retentissement important dans le cadre français, mais également européen et international. Autrement dit, ce ou ces députés auront un véritable rôle d’ambassadeurs de la Corse à Paris. Dans un second temps, il faudra créer des réseaux, des structures de lobbies pour avancer sur différents dossiers. D’abord, prolonger le travail qui a été fait sous cette mandature, plus ou moins à droit constant, notamment sur le statut d’île-montagne, la fiscalité du patrimoine et la collectivité unique. Ensuite, très vite, prendre des initiatives sur les dossiers fondamentaux que j’évoquais précédemment.
 
- D’autres députés ont défendu certains dossiers. Quelle serait votre plus-value ?
- Jusqu’à présent, un certain nombre de députés ont voté à l’Assemblée de Corse pour ces avancées. Ils auraient eu tout loisir durant leur mandat de déposer des propositions de loi ou des propositions de loi constitutionnelle, d’organiser un groupe de députés qui auraient pu être favorables à ces avancées, et discuter avec eux au Parlement. Ils ne l’ont pas fait. Il faut que nous le fassions !
 
Propos recueillis par Nicole Mari.