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Où en sont les projets de centres de sur-tri d'Ajaccio et Monte dénoncés par Ecologia Sulidaria ?


Naël Makhzoum le Vendredi 13 Janvier 2023 à 19:23

Une structure à Ajaccio, l'autre à Monte, devaient entrer en service à l'horizon 2024. Mais les financements restent en attente, alors que le flou s'entretient sur les avancées concrètes du projet. Ecologia Sulidaria demande des clarifications et s'y oppose fermement.



Photo archives CNI
Photo archives CNI
Les mois passent, mais les évolutions se font attendre. Dans l'épineux dossier concernant la création d'un centre de sur-tri dans chacun des deux départements, difficile de voir concrètement le bout du tunnel. Ces deux centres - qui s'étendraient sur plusieurs hectares de terrain à Ajaccio et Monte, au sein de la communauté de communes Marana-Golo - prévoient de traiter plus de 100 000 tonnes de déchets par an.

Mais le coût, estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros pour chacune des structures, est au cœur des interrogations : le financement est réclamé à hauteur de 80% à la Collectivité de Corse, l'État et le Syvadec (Syndicat de valorisation des déchets de la Corse). "Il y a des raisons financières et la volonté d'opérateurs privés d'imposer leurs lois, dénonce Agnès Simonpietri,  militante écologiste d'Ecologia Sulidaria. Ceux qui décident sont les financeurs : si la CdC, comme elle s'y est engagée et a réaffirmé dans les documents et la préparation du plan déchet, veut une gestion publique, elle ne peut pas financer des installations privées ! Ces grosses installations sont l'achèvement de la privatisation de nos déchets et c'est un vrai problème. Le privé peut avoir sa place dans certaines filières, mais pas d'un bout à l'autre. Le risque est d'avoir une facture qui explose et de ne pas avoir la main mise sur cette gestion."

Peur du privé et manque d'informations

Un constat qui dérange particulièrement le maire de Monte. "Les écologistes ont présenté une liste territoriale qui a regroupé 2,5% des voix, donc il faut les écouter à cette hauteur, ce n'est pas la Bible, s'indigne Jean-François Mattei. A Brest, la taxe d'ordures ménagères par an et par habitant est de 63€ parce qu'ils valorisent énergétiquement. Il faut s'inspirer aussi de ce que font les autres !"

La question du tri à la source est pointée du doigt côté Verts. "Ça va enterrer définitivement le tri : en tant que consommateurs, si on nous présente un centre miraculeux pour le faire à notre place, on ne va pas continuer à le faire, déplore l'ex-Conseillère exécutive chargée de l'environnement. La loi oblige le tri des biodéchets en 2023. On sait que le système de tri en point d'apport volontaire tel qu'on le connaît, plafonne. On n'ira jamais au-delà de 20% et ça fait des années qu'on est entre 15 et 18% de tri sur le verre, le papier, les emballages, etc. On ne trie pas les biodéchets : il y a 3000 tonnes collectées pour un gisement de 40 000. Travaillons là-dessus, mettons à disposition de tout le monde des endroits pour les collecter."

Une autre issue par crainte de la privatisation du secteur : voilà ce que les écologistes réclament. Avec pour fer de lance de leur argumentaire, la remise en question de la crédibilité de tels projets. Le flou généralisé et le manque d'informations contrastent avec la date de mise en service fixée avant 2024. "Si ça commence à se construire en 2024, ce sera déjà bien", s'accorde à dire Jean-François Mattei.

"Mener à bien le projet"

Contactée à ce propos par CNI, la Communauté d'Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA) n'a pas souhaité communiquer sur le sujet, précisant simplement sa volonté de "mener à bien le projet". Silence radio également du côté du Syvadec, qui a fait savoir qu'il ne s'exprimerait pas durant la phase de marché. 
 
Un calme plat auquel s'ajoutent des interrogations, notamment de santé publique. Quid des résidus de brûlage ? "On est obligés de produire les CSR (combustibles solides de récupération), c'est vieux de 30 ans, tempère le maire de Monte. Le mieux, plutôt que de les exporter pour les fournir à des cimentiers, serait d'avoir des chaufferies." Mais là aussi, Ecologia Sulidaria émet un doute sur "les résidus des filtres, il faut bien les mettre quelque part".

L'engagement des contrats - de 12 ans pour des installations d'une durée de vie de 25 ans - est aussi un motif de questionnements, lié à l'attente de résultats. "Ailleurs, l'Ademe a refusé de financer de gros centres comme ça parce qu'on sait qu'il y a ensuite un problème d'efficacité, rappelle Agnès Simonpietri. Il y a un mauvais taux de tri autour de 40%, donc 60% à enfouir ou brûler. Quand on voit que la Sardaigne est à 75% de tri, que la Toscane a dépassé les 80%, que 700 communes en Italie sont quasiment sur du zéro déchet..."

Sur ce dernier point "ce centre de tri est fait pour devenir public après cette période", insiste Jean-François Mattei, lui aussi conscient de la nécessité de retrouver un service public par la suite.