On prolonge ici le débat amorcé sur le groupe Facebook "U POPULU CORSU CANTA, PARLA, SCRIVE ! ":
"Ùn m'arriesce à traduce "OVNI", "navette spatiale" è "alien" in a nostra bella lingua...
Qualchissia mi pò aiutà?"
(Anna Lena, 25-04-2013, https://www.facebook.com/ groups/519549144750189/ ) "OVNI" est un acronyme (ou sigle) abréviation formée d'initiales qui se prononce comme un nouveau mot (on peut le mettre au pluriel "des ovnis"), à la différence d'autres cas où les lettres sont prononcées séparément, comme dans ANPE (défunte "Agence Nationale pour l'Emploi", aujourd'hui "Pôle emploi").
Parfois on a des "hybridations". Dans RCFM ("Radio Corse Frequenza Mora") les lettres sont prononcées séparément en français ("ercéefème"; on pense à R.Quenau qui écrivait "achélème" pour H.L.M.). En corse on attendrait "erreccieffeemme" (en corse du Nord!). Or à l'oral on a une sorte de nouveau mot hybride prononcé "ercieffemme".
Pour en revenir à "OVNI" ("objet volant non identifié"), il s'agit d'un calque de l'anglais "UFO" pour "unidentified flying object" ("Unknown Flying Object" selon le CNRTL, http://www.cnrtl.fr/ definition/ovni ).
On a ici une illustration du "nationalisme linguistique" français. La plupart des langues se servent de l'anglais (UFO en italien, allemand, polonais, danois, norvégien, Turc …), alors que d'autres utilisent les initiales de l'expression anglaise traduite: OVNI (français, espagnol), OZN (roumain), ATIA (grec) …
Le procédé est habituel en français, plus que dans les autres langues.
L'alliance NATO (North Atlantic Treaty Organization) devient en français OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) alors que l'on a NATO dans la plupart des langues, les mêmes qui emploient UFO, ainsi que dans certaines autres qui ont "squeezé" UFO mais accueuillent NATO: roumain, grec, portugais (mais pas le portugais du Brésil qui préfère OTAN !).
On remarquera que la démarche "nationaliste" trouve certaines limites, notamment dans le domaine de la dérivation. La discipline qui s'occupe du phénomène OVNI s'appelle en français… Ufologie! Voilà donc que UFO, mis à la porte, revient par la fenêtre dans une forme dérivée… D'ailleurs, même si OVNI est plus fréquent en français, UFO est présent dans les dictionnaires (notamment Larousse) bien qu'il fasse parfois l'objet d'un certain ostracisme. En effet sur le site créé par le CNRS il ne figure que comme "synonyme" de OVNI et la recherche en ligne de "UFO" renvoie un message d'erreur ("Cette forme est introuvable!"; http://www.cnrtl.fr/ definition/ufo ). Ce n'est qu'en cherchant "ufologue" qu'on a davantage d'informations ("UFOLOGUE: Formé de UFO, mot anglo-amér. formé des init. De Unidentified Flying Object "objet volant non identifié", peu utilisé en fr. car remplacé dans l'usage par Ovni*, et de logue*").
Pour en revenir à la question posée plus haut, en corse on a le choix entre trois solutions.
Soit on s'aligne soit sur le français (OVNI), avec l'assurance d'être compris en France (ce qui n'est déjà pas si mal…), sans se sentir obligé de mettre un accent sur la dernière syllabe au prétexte qu'en corse on prononce "à la française" les mots de ce type, ainsi que bien d'autres mots. Aurait-t-on idée de marquer l'accent graphique en évoquant dans le domaine du football "e relazione di a mafia cun a FIFÀ et l'UEFÀ ?.
Les Corses seraient-ils désormais de culture française? Associés hier au champ linguistique "italien", aujourd'hui ils semblent bien avoir basculé dans le champ de communication français. Le cadre administratif impose le même vocabulaire à Bastia et à Brest, et rend vaines les velléités de traduction ou d'adaptation dans les langues locales ou nationales. Comment dit-on "salaire minimum interprofessionnel garanti" (SMIG) en corse, en italien, ou dans les autres pays? Un dictionnaire multilingue en ligne répondra sèchement: "Sorry, no results for “smig” in the Collins French-English Dictionary" (alors que les équivalents de ONU ne lui poseront aucun problème).
On pourrait citer beaucoup d'exemples qui montrent que, sur le marché (mondialisé?) de la Corse tout passe désormais à travers le "filtre" du français. Il n'y a (peut-être) pas lieu de s'en offusquer s'il est vrai que toutes les "CIVILISATIONS" se valent (même si elles ne sont pas toutes logées à la même enseigne...). Le phénomène atteint son paroxysme avec la prononciation à la française d'expressions latines, graphiquement "corsisées" de manière saugrenue (Associu À CAPPELLÀ: on sait que les mots latins n'étaient jamais accentués sur la dernière syllabe).
La deuxième solution consisterait à s'aligner sur l'anglais ou l'italien (UFO), ce qui serait (peut-être) un premier pas vers une intégration européenne.
La troisième solution serait d'affirmer l'originalité du corse en créant un mot nouveau ("Et qui on est?!"). Comme la création de néologismes est plus un art qu'une science, je fais confiance à l'inventivité du peuple corse pour forger des mots superbes et mystérieux, du genre spichjafonu ("télévision"), qui ne favorisent pas la communication, mais font flipper l'inventeur et s'extasier son auditoire.
N'oublions pas cependant que le vocabulaire de toutes les langues comprend deux parties d'importance inégale.
D'abord un noyau dur, central, de mots transmis de manière ininterrompue et partagés par l'ensemble de la communauté (on parle de "lexique commun fondamental").
Ensuite des zones périphériphériques, "sectorielles", un ensemble de mots spécialisés qui est variable selon la culture et l'expérience professionnelle (langue des sciences et techniques par exemple).
Ce qu'il importe de préserver c'est le vocabulaire fondamental; quant à la terminologie technique, elle tend à être internationale, et dans ce domaine la recherche de l'originalité va à l'encontre de l'exigence principale qui est celle de la clarté et de la précision. Évoquant l'aspect économique, le linguiste Umberto Eco remarquait que les asiatiques se taillaient la part du lion sur le marché de l'informatique sans se croire obligés d'inventer un néologisme pour parler des ordinateurs par exemple (les italiens ou les japonais notamment prononcent computer comme les anglais). En corse c'est ordinatori qui domine (calque du néologisme forgé par un linguiste français), même si une résistance (timide) s'exprime à travers l'emploi de cumputori.
Pour la langue corse comme pour les autres, la création de néologismes n'est pas la priorité lorsque que ce sont les structures fondamentales qui s'effritent. Notre "Cunsigliu di a lingua" semble mettre au centre de ses préoccupations la "terminologie", renvoyant à plus tard l'examen des structures lexicales et grammaticales de base. Osons une comparaison (à peine) forcée: c'est comme si on commençait une construction par le toit, avant même de consolider les fondations.
"Ùn m'arriesce à traduce "OVNI", "navette spatiale" è "alien" in a nostra bella lingua...
Qualchissia mi pò aiutà?"
(Anna Lena, 25-04-2013, https://www.facebook.com/
Parfois on a des "hybridations". Dans RCFM ("Radio Corse Frequenza Mora") les lettres sont prononcées séparément en français ("ercéefème"; on pense à R.Quenau qui écrivait "achélème" pour H.L.M.). En corse on attendrait "erreccieffeemme" (en corse du Nord!). Or à l'oral on a une sorte de nouveau mot hybride prononcé "ercieffemme".
Pour en revenir à "OVNI" ("objet volant non identifié"), il s'agit d'un calque de l'anglais "UFO" pour "unidentified flying object" ("Unknown Flying Object" selon le CNRTL, http://www.cnrtl.fr/
On a ici une illustration du "nationalisme linguistique" français. La plupart des langues se servent de l'anglais (UFO en italien, allemand, polonais, danois, norvégien, Turc …), alors que d'autres utilisent les initiales de l'expression anglaise traduite: OVNI (français, espagnol), OZN (roumain), ATIA (grec) …
Le procédé est habituel en français, plus que dans les autres langues.
L'alliance NATO (North Atlantic Treaty Organization) devient en français OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) alors que l'on a NATO dans la plupart des langues, les mêmes qui emploient UFO, ainsi que dans certaines autres qui ont "squeezé" UFO mais accueuillent NATO: roumain, grec, portugais (mais pas le portugais du Brésil qui préfère OTAN !).
On remarquera que la démarche "nationaliste" trouve certaines limites, notamment dans le domaine de la dérivation. La discipline qui s'occupe du phénomène OVNI s'appelle en français… Ufologie! Voilà donc que UFO, mis à la porte, revient par la fenêtre dans une forme dérivée… D'ailleurs, même si OVNI est plus fréquent en français, UFO est présent dans les dictionnaires (notamment Larousse) bien qu'il fasse parfois l'objet d'un certain ostracisme. En effet sur le site créé par le CNRS il ne figure que comme "synonyme" de OVNI et la recherche en ligne de "UFO" renvoie un message d'erreur ("Cette forme est introuvable!"; http://www.cnrtl.fr/
Pour en revenir à la question posée plus haut, en corse on a le choix entre trois solutions.
Soit on s'aligne soit sur le français (OVNI), avec l'assurance d'être compris en France (ce qui n'est déjà pas si mal…), sans se sentir obligé de mettre un accent sur la dernière syllabe au prétexte qu'en corse on prononce "à la française" les mots de ce type, ainsi que bien d'autres mots. Aurait-t-on idée de marquer l'accent graphique en évoquant dans le domaine du football "e relazione di a mafia cun a FIFÀ et l'UEFÀ ?.
Les Corses seraient-ils désormais de culture française? Associés hier au champ linguistique "italien", aujourd'hui ils semblent bien avoir basculé dans le champ de communication français. Le cadre administratif impose le même vocabulaire à Bastia et à Brest, et rend vaines les velléités de traduction ou d'adaptation dans les langues locales ou nationales. Comment dit-on "salaire minimum interprofessionnel garanti" (SMIG) en corse, en italien, ou dans les autres pays? Un dictionnaire multilingue en ligne répondra sèchement: "Sorry, no results for “smig” in the Collins French-English Dictionary" (alors que les équivalents de ONU ne lui poseront aucun problème).
On pourrait citer beaucoup d'exemples qui montrent que, sur le marché (mondialisé?) de la Corse tout passe désormais à travers le "filtre" du français. Il n'y a (peut-être) pas lieu de s'en offusquer s'il est vrai que toutes les "CIVILISATIONS" se valent (même si elles ne sont pas toutes logées à la même enseigne...). Le phénomène atteint son paroxysme avec la prononciation à la française d'expressions latines, graphiquement "corsisées" de manière saugrenue (Associu À CAPPELLÀ: on sait que les mots latins n'étaient jamais accentués sur la dernière syllabe).
La deuxième solution consisterait à s'aligner sur l'anglais ou l'italien (UFO), ce qui serait (peut-être) un premier pas vers une intégration européenne.
La troisième solution serait d'affirmer l'originalité du corse en créant un mot nouveau ("Et qui on est?!"). Comme la création de néologismes est plus un art qu'une science, je fais confiance à l'inventivité du peuple corse pour forger des mots superbes et mystérieux, du genre spichjafonu ("télévision"), qui ne favorisent pas la communication, mais font flipper l'inventeur et s'extasier son auditoire.
N'oublions pas cependant que le vocabulaire de toutes les langues comprend deux parties d'importance inégale.
D'abord un noyau dur, central, de mots transmis de manière ininterrompue et partagés par l'ensemble de la communauté (on parle de "lexique commun fondamental").
Ensuite des zones périphériphériques, "sectorielles", un ensemble de mots spécialisés qui est variable selon la culture et l'expérience professionnelle (langue des sciences et techniques par exemple).
Ce qu'il importe de préserver c'est le vocabulaire fondamental; quant à la terminologie technique, elle tend à être internationale, et dans ce domaine la recherche de l'originalité va à l'encontre de l'exigence principale qui est celle de la clarté et de la précision. Évoquant l'aspect économique, le linguiste Umberto Eco remarquait que les asiatiques se taillaient la part du lion sur le marché de l'informatique sans se croire obligés d'inventer un néologisme pour parler des ordinateurs par exemple (les italiens ou les japonais notamment prononcent computer comme les anglais). En corse c'est ordinatori qui domine (calque du néologisme forgé par un linguiste français), même si une résistance (timide) s'exprime à travers l'emploi de cumputori.
Pour la langue corse comme pour les autres, la création de néologismes n'est pas la priorité lorsque que ce sont les structures fondamentales qui s'effritent. Notre "Cunsigliu di a lingua" semble mettre au centre de ses préoccupations la "terminologie", renvoyant à plus tard l'examen des structures lexicales et grammaticales de base. Osons une comparaison (à peine) forcée: c'est comme si on commençait une construction par le toit, avant même de consolider les fondations.
J.Chiorboli, 26 avril 2013