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Napoléon et les Juifs : l'éclairage de l'historien bastiais Guy Sabbagh


Eden Levi-Campana le Mardi 30 Janvier 2024 à 19:38

La France du Consulat et de l'Empire fut un tournant dans l'histoire des Juifs en France et en Europe. A cette époque, les Juifs étaient souvent marginalisés et soumis à diverses restrictions, jusqu’à la rencontre… avec les ambitions de Napoléon Bonaparte. L’historien bastiais Guy Sabbagh nous apporte un éclairage sur la légende dorée de l’empereur



En définitive, le bilan de Napoléon 1er est-il positif pour les israélites en France ?
- Bien entendu. A la veille de 1789, les israélites ne sont plus soumis à des mesures d’exception. La Constituante, sur l’initiative de l’abbé Grégoire a proclamé leur égalité civique. Sous Napoléon, la convocation du Grand Sanhédrin en 1806 est une étape importante vers l’intégration des juifs dans la société française tout en préservant leur autonomie religieuse. D’ailleurs ces mesures ont eu un effet d’entraînement dans d’autres parties de l’Europe avec des réformes similaires.
 

- Comment ?
- En établissant le Consistoire central et ses déclinaisons régionales et en s’inspirant du modèle de gouvernance des autres religions reconnues par l’Etat. Cette structure était destinée à fournir un cadre pour la pratique religieuse juive tout en assurant la loyauté de la communauté envers l’état. Ce consistoire était chargé de réguler les affaires religieuses et civiques des juifs, marquant un tournant dans la relation entre l’état et la communauté juive. L’Av Beth Din, chef du tribunal rabbinique faisait partie de cette structure soulignant la reconnaissance officielle de la loi juive dans le cadre plus large de la loi française. La pérennité de ces institutions n’est plus à démontrer puisqu’elle perdure jusqu’à nos jours.
 

- Et le grand Sanhédrin ?
- Il avait son origine dans le conseil des 71 anciens dont s’entourait Moïse pour juger des questions et des cas difficiles y compris criminelles. Il avait à sa tête le grand prêtre. C’est devant lui qu’a comparu Jésus. Plusieurs Sanhédrins siégeaient dans différentes villes de Judée mais Hérode les a supprimés en 37. Le dernier Sanhédrin traditionnel en tant qu’institution officielle de gouvernance juive remonte au IVème siècle, vers 425 après JC. Il a été dissous lorsqu’une série de lois promulguées par l’Empire romain ont interdit les tribunaux juifs et ont restreint considérablement l’autorité des institutions juives. Après cette période, il n’y a pas eu de Sanhedrin officiellement reconnu en tant qu’institution centrale de gouvernance juive.
 

- En réalité Napoléon n’était-il pas un peu admiratif des Israélites ?
- (rires) On va dire ça. Il y a effectivement une anecdote qui pourrait aller dans ce sens. Dans le récit de la campagne de Napoléon en Terre Sainte (22 février-2 juin 1799) on a souvent évoqué Napoléon entrant à Jérusalem, qui s’étonne de ne voir aucun juif sur son passage. Renseignement pris, on lui fait savoir que les juifs jeûnent et prient ce 9 avril en raison de la destruction du Grand Temple de Jérusalem. Surpris de n’avoir pas été mis au courant de cette nouvelle, on lui explique que cet évènement a eu lieu il y a très longtemps. Il aurait alors déclaré : « Ces juifs qui se lamentent encore aujourd’hui avec autant de ferveur méritent cette terre ». A cette date du 9 avril, Bonaparte n’étant déjà plus en Terre Sainte, les juifs locaux ont effectivement jeûné ce jour-là mais comme un acte d’espoir messianique lié à l’arrivée du conquérant français.