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Nanette Maupertuis : « L’Etat n’a pas pris la mesure de ce qui s’est joué en Corse au printemps dernier »


Nicole Mari le Mercredi 21 Décembre 2022 à 15:42

Lors de son allocution d’ouverture de la dernière session de l’année, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis s’est concentrée sur le climat tendu en Corse, les relations avec l’Etat et a fustigé la répression et la volonté de Paris de laisser pourrir la situation. Réaffirmant que les Corses ne sont pas dupes, elle lance fermement un avertissement à l’Etat et un appel à la démocratie



Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
C’est une parole forte contre l’Etat que la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a prononcé lors de sa traditionnelle allocution d’ouverture pour la dernière session de l’année 2022. Un discours bilingue pour, à la fois, faire le constat d’un climat tendu, pointer des responsabilités, poser des questions et lancer un appel et un avertissement. Le constat, la présidente Maupertuis le déroule en évoquant un contexte international anxiogène, mais surtout la crise politique et la colère qui continuent de secouer la Corse depuis l’assassinat d’Yvan Colonna en mars dernier. « Ancu s’elle sò principiate dopu discussioni incù u guvernu, ùn si sò mai piantate a collera, a frustrazione, a diffidenza... Esistenu sempre in a sucetà corsa, in core di i Corsi è ogni frusta puderia fà piccià un incendiu murtale », dit-elle in lingua nustrale. Avant de poursuivre en langue française pour que son propos soit bien entendu par tous. « Alors que le processus initié en juillet et poursuivi en septembre a été suspendu dans l’attente d’une parole forte de l’Etat quant à la situation de nos prisonniers, nous n’avons reçu aucun signal. Pire, à l’absence de mots, se sont rajoutées l’arrestation de nombreux militants nationalistes et l’incarcération de certains d’entre eux, contribuant ainsi à alimenter le climat général de défiance vis-à-vis des réelles intentions de l’Etat ».
 
Pas dupes !
La responsabilité, la présidente de l’Assemblée la renvoie à l’Etat qui renoue avec des pratiques que beaucoup espérait révolues : « La logique de la répression aveugle, des gardes à vue interminables dans des conditions indignes, des pratiques de l’anti-terrorisme, nous la connaissons et nous la rejetons ! Nous la rejetons car elle ne peut que renforcer le sentiment d’injustice toujours ancré, et ne peut conduire qu’à des situations conflictuelles. A ceux qui en sont les victimes, nous tenons à dire que nous ne sommes pas dupes et que jamais, nous n’accepterons la répression ». Revenant sur la multiplication des attentats à l’encontre de commerces à Aiacciu et Corti, le 5 décembre dernier, ou d’outils de travail, comme celui qui a touché le maire d’Appietto, le 13 décembre, elle déplore que « le climat déjà fortement dégradé se soit particulièrement tendu en cette fin d’année. Aux personnes visées par ces actes lâches, nous apportons tout notre soutien ». Une situation qui, estime-t-elle, pose une question récurrente.  
 
Que fait l’Etat ?
La question est simple : « Que fait l’Etat ? », Et de scander : « Que fait l’Etat quand il choisit la répression envers des Nationalistes et refuse de venir discuter de dérives mafieuses devant notre Assemblée ? Que fait l’Etat quand il réclame le maintien en détention d’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri alors que ces derniers ont purgé leur peine et sont libérables ? Que fait l’Etat quand il cherche à diviser ? ». La réponse, précise-t-elle, est connue : « L’Etat semble créer les conditions de la poursuite d’un conflit, qui n’a jamais été réglé. L’Etat créé, ici, les conditions d’une énième division. L’Etat semble ne pas avoir pris la mesure de ce qui s’est joué au printemps dernier et de ce qui se joue, ici et maintenant. Mais, encore une fois, nous ne sommes pas dupes. Les Corses ne sont pas dupes ! Nombreux sont ceux, dans cet hémicycle et ailleurs, qui connaissent les mécanismes actuellement à l’œuvre. Les plus anciens se souviennent bien des dérives que la division a causées ».
 
Une chance à l’espoir
L’appel, la présidente Maupertuis le lance, d’abord, aux Nationalistes de tous bords : « Nous savons qui nous sommes, d’où nous venons, quels sont nos désaccords, mais aussi et surtout où est l’intérêt supérieur de la Corse. A la différence des années passées et des décennies les plus sombres de notre histoire récente, nous avons tous appris, sommes allés de l’avant. Nous avons choisi de donner une chance à l’union, une chance à l’espoir, à la démocratie, à la construction de cette nation. Et nous ne devons pas dévier de ce chemin ! Nous pouvons ne pas être d’accord, mais ne devons pas quitter la seule voie possible, celle de la démocratie ». L’avertissement, elle l’adresse à l’Etat : « Nous ne tomberons dans aucun piège. Nous le disons depuis 2015. Nous l’avons redit en 2018. Nous avons continué à le dire en 2021. Et nous le répéterons encore, et toujours jusqu’à être entendus, car c’est le sens de l’histoire ! La division, les manipulations, le pourrissement des situations n’auront pas raison de notre projet d’émancipation pour la Corse ».
 
Le message des urnes
Nanette Maupertuis rappelle, enfin, le message martelé par les urnes depuis sept ans : « Les Corses nous ont portés aux responsabilités pour obtenir l’autonomie de notre île. Les Corses aspirent à la vérité sur l’assassinat d’Yvan Colonna. Ils exigent le respect du droit et la liberté conditionnelle pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Les Corses ne demandent qu’à pouvoir vivre sur leur terre dans le respect de leurs spécificités, libérés de toute violence mafieuse, dans une société où les tabous laissent la place au dialogue, où l’on entreprend, où l’on apprend et où l’on travaille ». Avant de conclure, in lingua corsa, sur des vœux pour 2023, notamment « la justice », « le respect et l’écoute que nous sommes en droit d’obtenir de l’Etat » et « l’union, chaque fois, qu’il faudra défendre nos droits à vivre libre sur cette terre ».
 
N.M.