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Municipales à Aiacciu : Le scrutin de la discorde ou l’éclatement des majorités


Nicole Mari le Vendredi 13 Mars 2020 à 19:58

Huit candidats pour 38 645 votants dans une élection municipale ajaccienne, frappée du sceau des unions éclatées et des guerres fratricides. Des comptes se règlent sur fond d’enjeux locaux ou de luttes d’influence. Une ambiance chicaneuse dans une campagne assez morne et sans surprise.



Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
La Madunuccia est reportée pour cause d’épidémie de coronavirus, pas l’élection municipale. Dimanche à Aiacciu, huit listes seront en lice, donc, pour un 1er tour où l’enjeu dépasse les clivages traditionnels majorité-opposition. Certes, le maire sortant divers droite, Laurent Marcangeli, qui brigue un second mandat avec sa liste « Fieri d’esse Aiaccini », fait face à sept candidats dont la plupart tire sur sa gestion à boulets rouges sans que cela ne trouble son statut de favori. Plan local d’urbanisme, parkings, désertion du centre-ville, finances de la ville, appauvrissement de la population, abandon des quartiers pauvres… Rien ne trouve grâce aux yeux de ses opposants, mais vrai ou faux, c’est de bonne guerre, pourrait-on dire, en campagne électorale. Ce qui l’est moins, c’est le rapport des forces en présence et l’émergence des duels là où on ne les attendait pas. Tout le monde avait très tôt réduit ce scrutin ajaccien à un affrontement de deux camps : le patron de la droite sudiste pouvait prétendre rassembler de nouveau ses forces pour défendre son bastion contre le désormais unique ennemi : la toute nouvelle puissance nationaliste qui vole de victoire en victoire depuis 2014. Mais c’était faire fi des querelles intestines, des batailles d’ego, des rancoeurs, des colères, pour ne pas dire des haines sourdes ou inavouées.
 
La guerre à droite
A droite d’abord, Laurent Marcangeli subit la fronde d’une fraction de ses anciens amis qui l’ont pourtant accompagné dans ce qui a été un sans-faute depuis son succès aux Législatives de 2012, sa prise de la Cité impériale en 2014 et en 2015 grâce à une union quasi sans faille, puis le grand chelem aux départementales sudistes, enfin l’élection de son poulain aux Législatives de 2017, le seul à résister à la vague nationaliste. Ce fut d’abord la rupture avec l’ancien patron des Républicains du Corse du Sud, Marcel Francisci, en retrait de la vie politique depuis juin 2019, mais dont les troupes ne pardonnent pas au maire actuel sa liste d’ouverture et sa perte de mémoire. Une de ses proches, Isabelle Feliciaggi, a démissionné de la majorité municipale pour divergences politiques et a émigré sur la liste de Jean-André Miniconi à la quatrième place. Mais le premier à faire sécession a été François Filoni. L’adjoint à la propreté urbaine et à la police municipale et vice-président de la CAPA conduit sa propre démarche, sans étiquette, « ni de droite, ni de gauche », avec une liste intitulée « Ajaccio change de visage». Il entre dans une opposition résolue avec Guy Castellana et Anthony Chareyre, qui occupent respectivement les 3ème et 5ème places de sa liste, et ne ménage pas ses critiques contre son ancien allié, notamment sur la crise des déchets.
 
La désunion nationaliste
Le temps de la concorde, si propice aux victoires, est aussi de l’histoire ancienne pour les Nationalistes ajacciens qui s’entredéchirent cordialement avec pas moins de trois listes en présence. Les partenaires de la majorité territoriale – Femu a Corsica, PNC et Corsica Libera – semblent, eux aussi, avoir localement consommé la rupture, le premier n’appréciant pas l’activisme à tous crins des deux autres. En s’autoproclamant candidat sans consultation préalable avec Femu, le conseiller territorial PNC, l’avocat Jean-François Casalta, qui conduit une liste d’union PNC- Corsica-Libera, « Pà Aiacciu », copiée sur le modèle territorial, entendait forcer l’adhésion, mais n’a généré que des crispations. Résultat : le parti du président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, pas présent sous son étiquette propre, soutient Jean-André Miniconi, ancien président de la Chambre de commerce de Corse-du-Sud, et sa liste « Aiacciu pà tutti » où figure en 2ème position le Dr Danielle Antonini, conseillère territoriale Femu. Cette liste, qui se veut plurielle et rassemble pas mal de mécontents de tous bords, bénéficie également du soutien d’Europe Ecologie les Verts et de Génération S. La question, qui taraude tout le monde, est de savoir laquelle des deux listes arrivera en tête de l’opposition dimanche soir. Et par-là même, qui, de l’union PNC-Corsica Libera ou du parti simeoniste, peut revendiquer le leadership nationaliste dans la première ville de Corse et prétendre incarner une démarche de second tour, aujourd’hui encore bien improbable. D’autant qu’une troisième liste, celle de Core in Fronte menée par l’avocat Jean-Marc Lanfranchi, sous le nom de « Aiacciu in Core », aussi peu encline à s’associer avec ses alliés naturels, réduit encore plus leur marge de manœuvre. Malgré des rumeurs de négociations aussitôt divulguées, aussitôt démenties, les Nationalistes risquent bien d’être bien les premières victimes de leurs divisions.
 
Des outsiders à la peine
Dans cette ambiance chicaneuse, les trois dernières listes en course peinent à exister. Le vieux briscard communiste, Etienne Bastelica a, lui aussi, tenter de faire l’union de la Gauche ajaccienne, ou du moins ce qu’il en reste. L’ancien président du groupe « Communistes et démocrates » à l’Assemblée de Corse rassemble sur sa liste « Inseme per una cità ghjusta »  aussi bien le socialiste François Casasoprana que, dans les dernières places, en présence symbolique, deux personnalités retirées de la vie politique : Jean-Marc Ciabrini, ex-secrétaire général de la fédération PS de Corse du Sud, et Paul-Antoine Luciani, ex-premier adjoint de l’ancien maire Simon Renucci. Mais d’autres ont migré vers des horizons plus fertiles. Seule femme candidate, Patricia Curcio, militante de la France Insoumise, est entrée tardivement dans la campagne. Sa liste « Ajaccio citoyen », composée de membres de la société civile, ne revendique aucune étiquette politique, mais un engagement social et citoyen. Enfin, dans la plus pure tradition ajaccienne, Michel Ciccada, remet le couvert pour la quatrième fois. Mais cette fois-ci, il affirme de pas avoir envie de « macagna ». Son intention : faire entendre au futur maire le « Ras-le-bol » des Ajacciens. Le nom de sa liste et tout un programme en soi.
 
N.M.
 

Les listes en présence

Laurent Marcangeli et sa liste « Fieri d’esse aiaccini »
Jean-François Casalta et sa liste PNC-Corsica Libera « Pà Aiacciu »
Jean-André Miniconi et sa liste « Aiacciu pà tutti »
Jean-Marc Lanfranchi et sa liste « Aiacciu in Core »
François Filoni : « Ajaccio change de visage »
Etienne Bastelica : « Inseme per una cità ghjusta »
Patricia Curcio : « Ajaccio citoyen »
Michel Ciccada : « Ras-le-bol »