Michel Castellani, député de la 1ère circonscription de Haute-Corse, membre du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT).
- Une nouvelle année parlementaire s’ouvre. Quels dossiers jugez-vous prioritaires pour la Corse ?
- D’abord, il faut préciser que tout est conditionné par le sort réservé à Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Il est évident qu’il faut, dans ce dossier des prisonniers, une solution conforme au droit, c’est-à-dire leur libération, de façon à faire tomber toutes les tensions parallèles et parasites et à reprendre tranquillement les discussions avec Paris. L’hypothèque est là. Si on ne réussit pas à régler ce problème, tout sera bloqué. Ensuite, il faudra aborder sereinement la discussion avec le gouvernement pour avancer sur un certain nombre de dossiers, notamment le statut fiscal, l’hôpital de Bastia et le conventionnement des écoles immersives. Ce sont les trois dossiers que, personnellement, je défendrai en priorité. Ceci, sans préjudice de ce qu’il convient de mettre dans un statut dit « d’autonomie ».
- Pierre Alessandri sera fixé le 31 janvier sur sa demande de semi-liberté. Avez-vous bon espoir après le jugement de la Cour de cassation ?
- Dans cette affaire, il ne faut pas oublier une chose fondamentale : nous ne demandons rien d’autre que l’application de la Loi. Donc, cette loi doit s’appliquer. Les magistrats responsables doivent tenir compte de toutes les pièces de ce dossier, c’est-à-dire le fait que les prisonniers en question n’ont jamais posé de problème en prison, qu’ils ont parfaitement le droit depuis longtemps à une évolution favorable de leur situation et qu’il faut une libération pure et simple. Le moment est arrivé, vu leur âge et la durée de leur détention, de régler définitivement cette pénible question.
- Dans vos échanges informels avec le gouvernement, sentez-vous l’Etat prêt à sortir de cette impasse ?
- C’est un dossier que je suis très régulièrement depuis des années, depuis que j’ai été élu la première fois à la députation. J’ai un sentiment très clair, très net et sans nuance sur cette question. Il y a deux attitudes parfaitement contradictoires à l’intérieur de ce qu’on appelle l’État. D’un côté, des gens ont véritablement envie de régler ce problème de façon à faire évoluer la question Corse dans un sens un peu plus positif. De l’autre côté, d’autres gens ont une hostilité fondamentale, pour des raisons qui m’échappent, à je ne sais pas quoi exactement : les prisonniers, la Corse, ou les deux. En tout cas, ils font tout pour bloquer de façon féroce. A mon avis, cette double attitude n’a rien de neuf. Elle est historique, elle a toujours été constitutive de l’opinion française à l’égard de la Corse. Il y a clairement deux France : une France des Droits de l’homme, décentralisatrice et proche des terroirs, et une France Cocorico, autoritariste et très forte avec les faibles.
- Gérald Darmanin ne cesse de reporter la reprise des discussions sur l’autonomie. Pensez-vous qu’il ait vraiment envie de les reprendre ?
- Mon sentiment est clairement : Oui ! Le problème ne vient ni de Darmanin, ni de son environnement immédiat. Le problème vient d’ailleurs. À mon avis, il y a une double hostilité directe au plus haut niveau de l’État qui vient d’une partie de la Préfectorale et d’une partie de la magistrature. Je n’en dirais pas plus.
- D’abord, il faut préciser que tout est conditionné par le sort réservé à Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Il est évident qu’il faut, dans ce dossier des prisonniers, une solution conforme au droit, c’est-à-dire leur libération, de façon à faire tomber toutes les tensions parallèles et parasites et à reprendre tranquillement les discussions avec Paris. L’hypothèque est là. Si on ne réussit pas à régler ce problème, tout sera bloqué. Ensuite, il faudra aborder sereinement la discussion avec le gouvernement pour avancer sur un certain nombre de dossiers, notamment le statut fiscal, l’hôpital de Bastia et le conventionnement des écoles immersives. Ce sont les trois dossiers que, personnellement, je défendrai en priorité. Ceci, sans préjudice de ce qu’il convient de mettre dans un statut dit « d’autonomie ».
- Pierre Alessandri sera fixé le 31 janvier sur sa demande de semi-liberté. Avez-vous bon espoir après le jugement de la Cour de cassation ?
- Dans cette affaire, il ne faut pas oublier une chose fondamentale : nous ne demandons rien d’autre que l’application de la Loi. Donc, cette loi doit s’appliquer. Les magistrats responsables doivent tenir compte de toutes les pièces de ce dossier, c’est-à-dire le fait que les prisonniers en question n’ont jamais posé de problème en prison, qu’ils ont parfaitement le droit depuis longtemps à une évolution favorable de leur situation et qu’il faut une libération pure et simple. Le moment est arrivé, vu leur âge et la durée de leur détention, de régler définitivement cette pénible question.
- Dans vos échanges informels avec le gouvernement, sentez-vous l’Etat prêt à sortir de cette impasse ?
- C’est un dossier que je suis très régulièrement depuis des années, depuis que j’ai été élu la première fois à la députation. J’ai un sentiment très clair, très net et sans nuance sur cette question. Il y a deux attitudes parfaitement contradictoires à l’intérieur de ce qu’on appelle l’État. D’un côté, des gens ont véritablement envie de régler ce problème de façon à faire évoluer la question Corse dans un sens un peu plus positif. De l’autre côté, d’autres gens ont une hostilité fondamentale, pour des raisons qui m’échappent, à je ne sais pas quoi exactement : les prisonniers, la Corse, ou les deux. En tout cas, ils font tout pour bloquer de façon féroce. A mon avis, cette double attitude n’a rien de neuf. Elle est historique, elle a toujours été constitutive de l’opinion française à l’égard de la Corse. Il y a clairement deux France : une France des Droits de l’homme, décentralisatrice et proche des terroirs, et une France Cocorico, autoritariste et très forte avec les faibles.
- Gérald Darmanin ne cesse de reporter la reprise des discussions sur l’autonomie. Pensez-vous qu’il ait vraiment envie de les reprendre ?
- Mon sentiment est clairement : Oui ! Le problème ne vient ni de Darmanin, ni de son environnement immédiat. Le problème vient d’ailleurs. À mon avis, il y a une double hostilité directe au plus haut niveau de l’État qui vient d’une partie de la Préfectorale et d’une partie de la magistrature. Je n’en dirais pas plus.
- Vous montez au créneau régulièrement sur le projet de refondation du Centre hospitalier de Bastia. Où en est-on ?
- Lors de ma dernière question au gouvernement sur cette affaire, la ministre déléguée, Geneviève Darrieussecq, m’a répondu que l’expertise réalisée par le Conseil national d'investissements en santé serait rendue publique au premier trimestre 2023. On sait par des fuites que le Conseil national d’investissements Santé se prononce pour la constitution d’un nouvel établissement hospitalier à Bastia. À partir de là, il faudra rentrer dans une phase plus opérationnelle. Je compte multiplier les efforts auprès du gouvernement pour essayer de faire bouger les choses. J’ai déjà un rendez-vous prévu avec le ministre de la Santé au mois de janvier.
- Au vu de la situation actuelle de l’hôpital en France et du manque de moyens, plaider pour un nouvel hôpital ne relève-t-il pas de l’utopie financière ?
- Effectivement, les moyens à disposition sont extrêmement réduits, mais Bastia a impérativement besoin d’un hôpital neuf. Il s’agit de dégager les moyens pour cela, même si on les étale sur une programmation de trois ans, et de rentrer immédiatement dans la phase opérative. On ne peut pas opposer les questions budgétaires, qui sont réelles, aux questions de santé ! Vu l’état du Centre hospitalier de Bastia, vus les sacrifices que font chaque jour les hommes et les femmes qui le font vivre, vues les conditions d’accès aux soins, le problème est réel, il exige de dépasser la question financière.
- Concernant le conventionnement des écoles immersives, là aussi, ça patine ?
- Oui, et c’est regrettable ! Les écoles immersives sont très peu nombreuses. Il faut recréer un véritable réseau, si on veut faire une reconquête culturelle qui, à mon avis, est indispensable. Ces écoles ne survivent, à l’heure actuelle, que par le sacrifice d’un certain nombre de gens, de donateurs, des parents et de tous ceux qui s’engagent au quotidien pour préparer matériellement les écoles, les repas aux enfants, trouver les sommes d’argent pour régler le corps enseignant… Une école peut vivre sur une approche exclusivement militante pendant une ou deux saisons, mais pas pendant une longue période. Et surtout, on ne peut pas construire un véritable projet. Donc, il faut que l’État prenne en charge la partie qui lui revient, en conventionnant et en réglant les salaires du corps enseignant. A ce moment-là seulement, les choses pourront avancer de façon sereine. Il est essentiel, à mon avis, d’agir sur les tout petits enfants plutôt que sur des enfants qui acquièrent la langue corse de façon tout à fait naturelle. Ceci, sans difficulté et sans opposition à l’acquisition d’autres langues. Le français bien sûr, mais pas que. Les enfants ont une aptitude énorme, naturelle et immédiate à acquérir des langues, il est vraiment regrettable que l’on ne profite pas de cet état de première enfance pour ne pas inculquer toute une série de langues indispensables à l’âge adulte et qu’à ce moment-là, on a d’énormes difficultés à acquérir.
- Quelle est l’attitude du ministre de l’Education sur cette question ? Est-il à l’écoute ou frileux ?
- Affronter directement cette question avec le ministère de l’Education nationale, cela a déjà été fait, mais sans jamais aller très loin. Les avancées ne peuvent venir, à mon avis, que du processus de Beauvau. La langue corse doit faire partie du package de discussions générales avec le gouvernement.
- Lors de ma dernière question au gouvernement sur cette affaire, la ministre déléguée, Geneviève Darrieussecq, m’a répondu que l’expertise réalisée par le Conseil national d'investissements en santé serait rendue publique au premier trimestre 2023. On sait par des fuites que le Conseil national d’investissements Santé se prononce pour la constitution d’un nouvel établissement hospitalier à Bastia. À partir de là, il faudra rentrer dans une phase plus opérationnelle. Je compte multiplier les efforts auprès du gouvernement pour essayer de faire bouger les choses. J’ai déjà un rendez-vous prévu avec le ministre de la Santé au mois de janvier.
- Au vu de la situation actuelle de l’hôpital en France et du manque de moyens, plaider pour un nouvel hôpital ne relève-t-il pas de l’utopie financière ?
- Effectivement, les moyens à disposition sont extrêmement réduits, mais Bastia a impérativement besoin d’un hôpital neuf. Il s’agit de dégager les moyens pour cela, même si on les étale sur une programmation de trois ans, et de rentrer immédiatement dans la phase opérative. On ne peut pas opposer les questions budgétaires, qui sont réelles, aux questions de santé ! Vu l’état du Centre hospitalier de Bastia, vus les sacrifices que font chaque jour les hommes et les femmes qui le font vivre, vues les conditions d’accès aux soins, le problème est réel, il exige de dépasser la question financière.
- Concernant le conventionnement des écoles immersives, là aussi, ça patine ?
- Oui, et c’est regrettable ! Les écoles immersives sont très peu nombreuses. Il faut recréer un véritable réseau, si on veut faire une reconquête culturelle qui, à mon avis, est indispensable. Ces écoles ne survivent, à l’heure actuelle, que par le sacrifice d’un certain nombre de gens, de donateurs, des parents et de tous ceux qui s’engagent au quotidien pour préparer matériellement les écoles, les repas aux enfants, trouver les sommes d’argent pour régler le corps enseignant… Une école peut vivre sur une approche exclusivement militante pendant une ou deux saisons, mais pas pendant une longue période. Et surtout, on ne peut pas construire un véritable projet. Donc, il faut que l’État prenne en charge la partie qui lui revient, en conventionnant et en réglant les salaires du corps enseignant. A ce moment-là seulement, les choses pourront avancer de façon sereine. Il est essentiel, à mon avis, d’agir sur les tout petits enfants plutôt que sur des enfants qui acquièrent la langue corse de façon tout à fait naturelle. Ceci, sans difficulté et sans opposition à l’acquisition d’autres langues. Le français bien sûr, mais pas que. Les enfants ont une aptitude énorme, naturelle et immédiate à acquérir des langues, il est vraiment regrettable que l’on ne profite pas de cet état de première enfance pour ne pas inculquer toute une série de langues indispensables à l’âge adulte et qu’à ce moment-là, on a d’énormes difficultés à acquérir.
- Quelle est l’attitude du ministre de l’Education sur cette question ? Est-il à l’écoute ou frileux ?
- Affronter directement cette question avec le ministère de l’Education nationale, cela a déjà été fait, mais sans jamais aller très loin. Les avancées ne peuvent venir, à mon avis, que du processus de Beauvau. La langue corse doit faire partie du package de discussions générales avec le gouvernement.
- La réforme des retraites est le gros dossier de ce début d’année. Quelle est votre position sur ce projet de loi ?
- Il est difficile de se prononcer sur un texte dont on ne connaît pas exactement les contours, donc on ne peut avoir que des formules générales. Nous ne pouvons pas imaginer un prolongement de l’âge de départ à la retraite, et encore moins de ne pas prendre en compte la pénibilité du travail. Il faudra être extrêmement prudent sur ces deux aspects incontournables du projet de loi. Il faut que la réforme repose de façon juste sur l’ensemble des couches sociales et l’ensemble des considérations d’âge, de pénibilité, de durée du travail, de date d’entrée dans la vie active. Je voterai uniquement une loi qui soit pragmatique et juste sur le plan social et qui tienne compte de ces paramètres divers et des différents types de métiers.
- Tout le monde prophétise une année 2023 très difficile au plan économique. En tant qu’économiste, êtes-vous inquiet ?
- Les paramètres ne sont pas bons. Il va probablement y avoir un ralentissement assez net de la croissance. Ce qui est inquiétant, c’est la coexistence entre la reprise de l’inflation et le ralentissement de croissance, ce qu’on appelle la stagflation. C’est ingérable. Cette situation se heurte aux politiques publiques, qu’elles soient budgétaires ou monétaires, parce ce que lorsqu’on essaye d’améliorer un aspect des choses, on dégrade l’autre. Par exemple, si on fait une politique monétaire expansive - ce qui d’ailleurs ne dépend plus de la France mais de l’Europe -, on dégrade l’aspect inflation, même si on accélère un peu la reprise. Si on privilégie, au contraire, une politique de stabilisation de l’inflation, on appuie sur la pédale de frein et, à ce moment-là, on dégrade la croissance économique et on aggrave le chômage. C’est pour cela que cette situation de stagflation est la hantise de tous les décideurs. S’y ajoutent tous les aspects d’instabilité géopolitique qui peuvent dégrader la situation soudainement. Je suis très inquiet de ce qui se passe à l’heure actuelle du côté de l’Ukraine. On sait que la situation peut brutalement se dégrader et qu’à ce moment-là, on passera à autre chose. Ce ne sera plus de la stagflation, ce sera plus grave encore. Il faut être prudent et, en même temps, agir de façon pragmatique. En tant que député, à la Commission des finances, nous sommes contraints à une gestion serrée, très difficile, des budgets publics et à chercher au maximum des effets de levier. C’est ce que j’essaye de faire à travers mes interventions et mes amendements : essayer d’optimiser les rares moyens à disposition de façon à pousser au maximum le rendement des politiques en matière de revenus, de croissance et de création de richesse.
- C’est donc une année qui s’annonce très dure pour la population ?
- Oui. L’année va être dure parce qu’on va assister à l’explosion d’un certain nombre de prix et peut-être aussi à une remontée assez sensible du chômage. Les études les plus optimistes donnent une aggravation du chômage de 1,5 %. Les fondamentaux incitent à la prudence. Ce qui est aussi terrifiant pour la France, c’est la coexistence d’un déficit commercial à plus de cent milliards d’euros et un trou des finances publiques de 3000 milliards d’euros, souscrits en majorité par des non-résidents. Un phénomène qui se traduit par une sortie continue de capitaux pour rembourser le capital et les intérêts, dans toute une partie est mobile, ce qui ajoute encore une inquiétude. La France vit en empruntant 1 milliard par jour sur le marché obligataire. Les gens doivent avoir conscience - comme on le disait tout à l’heure pour l’hôpital - que les moyens à disposition sont très limités et qu’une partie est à crédit.
- En conséquence, certains députés parlent déjà d’une rentrée sous haute tension sociale et politique. Partagez-vous ce point de vue ?
- La situation est objectivement difficile, en plus s’y ajoutent les arrière-pensées. Des forces politiques à l’Assemblée nationale visent très directement la dissolution. Elles ont l’arrière-pensée de sortir majoritaires de nouvelles élections générales et, donc, de prendre le pouvoir. C’est le cas des deux extrêmes de l’éventail politique : d’un côté, la France Insoumise (LFI) pense qu’elle va rafler la mise, donc multiplie tout ce qui peut ralentir le travail de l’assemblée et rendre incohérentes les tenues de l’assemblée. De l’autre côté, dans un style plus soft, mais tout aussi décidé, le Rassemblement national (RN) pense aussi ramasser la mise d’une élection générale. La situation est très difficile pour le gouvernement qui essaye d’étendre sa majorité relative à un certain nombre de députés, en particulier du côté des Républicains.
- Y-a-t-il vraiment le risque d’une dissolution ?
- Le risque d’une dissolution est toujours présent dans la mesure où cela peut être une porte de sortie pour le président Macron. Par exemple, si les choses explosent sur la réforme des retraites ou sur d’autres lois tout aussi explosives comme la loi sur l’Immigration. Si le climat se dégrade beaucoup à l’Assemblée nationale, la dissolution peut être envisagée. Elle est en tout cas envisageable au moment où nous parlons.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Il est difficile de se prononcer sur un texte dont on ne connaît pas exactement les contours, donc on ne peut avoir que des formules générales. Nous ne pouvons pas imaginer un prolongement de l’âge de départ à la retraite, et encore moins de ne pas prendre en compte la pénibilité du travail. Il faudra être extrêmement prudent sur ces deux aspects incontournables du projet de loi. Il faut que la réforme repose de façon juste sur l’ensemble des couches sociales et l’ensemble des considérations d’âge, de pénibilité, de durée du travail, de date d’entrée dans la vie active. Je voterai uniquement une loi qui soit pragmatique et juste sur le plan social et qui tienne compte de ces paramètres divers et des différents types de métiers.
- Tout le monde prophétise une année 2023 très difficile au plan économique. En tant qu’économiste, êtes-vous inquiet ?
- Les paramètres ne sont pas bons. Il va probablement y avoir un ralentissement assez net de la croissance. Ce qui est inquiétant, c’est la coexistence entre la reprise de l’inflation et le ralentissement de croissance, ce qu’on appelle la stagflation. C’est ingérable. Cette situation se heurte aux politiques publiques, qu’elles soient budgétaires ou monétaires, parce ce que lorsqu’on essaye d’améliorer un aspect des choses, on dégrade l’autre. Par exemple, si on fait une politique monétaire expansive - ce qui d’ailleurs ne dépend plus de la France mais de l’Europe -, on dégrade l’aspect inflation, même si on accélère un peu la reprise. Si on privilégie, au contraire, une politique de stabilisation de l’inflation, on appuie sur la pédale de frein et, à ce moment-là, on dégrade la croissance économique et on aggrave le chômage. C’est pour cela que cette situation de stagflation est la hantise de tous les décideurs. S’y ajoutent tous les aspects d’instabilité géopolitique qui peuvent dégrader la situation soudainement. Je suis très inquiet de ce qui se passe à l’heure actuelle du côté de l’Ukraine. On sait que la situation peut brutalement se dégrader et qu’à ce moment-là, on passera à autre chose. Ce ne sera plus de la stagflation, ce sera plus grave encore. Il faut être prudent et, en même temps, agir de façon pragmatique. En tant que député, à la Commission des finances, nous sommes contraints à une gestion serrée, très difficile, des budgets publics et à chercher au maximum des effets de levier. C’est ce que j’essaye de faire à travers mes interventions et mes amendements : essayer d’optimiser les rares moyens à disposition de façon à pousser au maximum le rendement des politiques en matière de revenus, de croissance et de création de richesse.
- C’est donc une année qui s’annonce très dure pour la population ?
- Oui. L’année va être dure parce qu’on va assister à l’explosion d’un certain nombre de prix et peut-être aussi à une remontée assez sensible du chômage. Les études les plus optimistes donnent une aggravation du chômage de 1,5 %. Les fondamentaux incitent à la prudence. Ce qui est aussi terrifiant pour la France, c’est la coexistence d’un déficit commercial à plus de cent milliards d’euros et un trou des finances publiques de 3000 milliards d’euros, souscrits en majorité par des non-résidents. Un phénomène qui se traduit par une sortie continue de capitaux pour rembourser le capital et les intérêts, dans toute une partie est mobile, ce qui ajoute encore une inquiétude. La France vit en empruntant 1 milliard par jour sur le marché obligataire. Les gens doivent avoir conscience - comme on le disait tout à l’heure pour l’hôpital - que les moyens à disposition sont très limités et qu’une partie est à crédit.
- En conséquence, certains députés parlent déjà d’une rentrée sous haute tension sociale et politique. Partagez-vous ce point de vue ?
- La situation est objectivement difficile, en plus s’y ajoutent les arrière-pensées. Des forces politiques à l’Assemblée nationale visent très directement la dissolution. Elles ont l’arrière-pensée de sortir majoritaires de nouvelles élections générales et, donc, de prendre le pouvoir. C’est le cas des deux extrêmes de l’éventail politique : d’un côté, la France Insoumise (LFI) pense qu’elle va rafler la mise, donc multiplie tout ce qui peut ralentir le travail de l’assemblée et rendre incohérentes les tenues de l’assemblée. De l’autre côté, dans un style plus soft, mais tout aussi décidé, le Rassemblement national (RN) pense aussi ramasser la mise d’une élection générale. La situation est très difficile pour le gouvernement qui essaye d’étendre sa majorité relative à un certain nombre de députés, en particulier du côté des Républicains.
- Y-a-t-il vraiment le risque d’une dissolution ?
- Le risque d’une dissolution est toujours présent dans la mesure où cela peut être une porte de sortie pour le président Macron. Par exemple, si les choses explosent sur la réforme des retraites ou sur d’autres lois tout aussi explosives comme la loi sur l’Immigration. Si le climat se dégrade beaucoup à l’Assemblée nationale, la dissolution peut être envisagée. Elle est en tout cas envisageable au moment où nous parlons.
Propos recueillis par Nicole MARI.