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Michel Castellani : « J’appelle les citoyens à se mobiliser et à conforter la démarche qui est la nôtre depuis sept ans »


Nicole Mari le Vendredi 17 Juin 2022 à 13:14

Le député nationaliste sortant, Michel Castellani, est arrivé en tête du 1er tour des législatives dans la 1ère circonscription de la Haute-Corse, avec 33,77% des suffrages et une avance de 20% sur son principal challenger, Julien Morganti. Une confortable avance qui le place à l’abri des surprises. Le candidat de Femu a Corsica, qui a reçu le soutien du mouvement national, à l’exception de Corsica Libera, lance un appel à la mobilisation, notamment à Bastia où le taux d’abstention a atteint des records. Il explique, à Corse Net Info, l’enjeu de ce scrutin avec un choix entre deux visions différentes de la Corse, dans le cadre notamment des futures discussions avec Paris.



Michel Castellani, député nationaliste sortant, candidat à l’élection législative dans la 1ère circonscription de la Haute-Corse. Photo CNI.
Michel Castellani, député nationaliste sortant, candidat à l’élection législative dans la 1ère circonscription de la Haute-Corse. Photo CNI.
- Vous êtes arrivé largement en tête au soir du 1er tour avec 20 points d’avance, mais pas aussi haut que prévu. Comment analysez-vous ce score ?
- Quand il y a 12 candidats sur la ligne de départ et qu’on réalise 33,7 % des suffrages, ça va ! Il n’y a pas lieu d’être mécontent ! Je constate une chose : la dernière fois, nous étions partis tous unis, cette fois-ci je partais tout seul avec la majorité territoriale, il y a moins de votants, et, malgré tout, je fais 20 voix de mieux qu’il y a 5 ans. J’ai récupéré mes voix, j’ai récupéré le handicap d’être tout seul, et j’avance un peu. Donc, ce n’est pas triomphant, mais c’est très correct quand même. Maintenant, on n’est qu’à la mi-temps, les bilans définitifs se tirent à la fin. Je demande aux gens de rester motivés et de ne pas considérer que l’élection est gagnée parce que l’élection n’est gagnée qu’à la fin du second tour, lorsqu’on est majoritaire. J’appelle, donc les citoyens à se mobiliser et à venir voter pour conforter la démarche qui est la nôtre depuis sept ans.

- Le taux d’abstention a été très élevé sur Bastia, notamment dans les Quartiers Sud où il a même dépassé 72%. A quoi l’attribuez-vous ?
- Il faut comprendre que la situation sociale et économique est extrêmement dure. Il y a toute une partie de la population qui reste sur les marges de la société, qui n’a plus confiance dans le système démocratique et dans les élus. Il y a eu une première révolte qui a été celle des gilets jaunes, ensuite la grosse catastrophe du Covid n’a rien arrangé. Maintenant il y a la guerre en Europe, les prix explosent, et les gens n’en peuvent plus. Une partie du peuple n’a plus confiance dans le système. Je pense qu’il se trompe, parce que la meilleure façon d’essayer de régler les problèmes est la façon démocratique. Il n’y a d’ailleurs pas d’autre façon ! Mais c’est difficile à faire comprendre à des gens qui ont une forme de rejet pour la vie sociale et en particulier pour la vie politique.

- L’autre clé de l’abstention est la désaffection de la jeunesse que l’on a vu très mobilisée par ailleurs. Comment l’expliquez-vous ?
- C’est la même chose. Mais en même temps, les jeunes doivent avoir un espoir. Nous devons donner à la jeunesse un univers dans lequel elle a un avenir, une société dans laquelle elle peut obtenir une promotion sociale par le travail et par l’étude. Or, ce n’est que partiellement le cas aujourd’hui. Donc, tout un travail reste à faire pour intégrer les jeunes, leur ouvrir des perspectives dans un monde qui est très difficile et dans une conjoncture qui l’est autant. Toute l’idée de notre démarche est justement de donner aux jeunes la notion de leur propre avenir.

- Vous avez affronté un autre candidat nationaliste de Corsica Libera qui refuse de soutenir des candidats de Femu pour le 2nd tour. Comment réagissez-vous ?
- Je pense que le vote de dimanche prochain est quand même clair ! Il n’y a pas besoin d’être un grand spécialiste de politique pour savoir que, dans cette élection, deux univers s’affrontent. D’un côté, un univers dans lequel on dit : « groupez-vous autour de ma personne parce que c’est moi, parce que j’ai de l’ambition et que je veux faire une carrière politique ». De l’autre, un univers qui s’inscrit dans un immense et long combat pour la Corse. Je suis dans la ligne de tous ceux qui ont toujours combattu pour que la Corse soit reconnue dans sa dimension historique, sa personnalité, pour qu’elle ait une université, pour faire tomber le système désastreux de la continuité territoriale, pour essayer de lutter contre la désertification de notre intérieur, pour sauvegarder notre langue… Nous avons hérité de tous ces combats. Les citoyens, qui au premier tour ont voté pour Petru Anto Tomasi, doivent tenir compte de cela, mais c’est valable aussi pour tous les autres citoyens qui ont un choix de fond à faire. Avec une autre question : quand on arrive à l’Assemblée nationale, où va-t-on ? Sur quels bancs de l’hémicycle ? Mon concurrent est bien gentil, mais où compte-t-il siéger ? Il va défendre quoi ? On aimerait quand même le savoir avant de voter. Parce qu’on n’en sait rien, on ne sait pas du tout quel est son positionnement. Dans un hémicycle qui va de gauche à droite, il faut savoir où on compte se placer. Moi, je sais où je vais. Je vais rejoindre le groupe Liberté & Territoires. Les gens savent déjà comment je vais travailler, exactement comme j’ai travaillé et j’ai été pendant cinq ans. Les citoyens doivent voter en leur âme et conscience, mais en l’occurrence, le choix n’est pas très compliqué.

- Petru Anto Tomasi justifie sa candidature en vous accusant de ne pas porter la question corse et celle des prisonniers comme il faut. Que lui répondez-vous ?
- C’est strictement faux ! Certes, nous avons eu une activité pragmatique, au service des grands dossiers, de nos communes, de nos chambres consulaires, de nos entreprises, de notre hôpital pour lequel j’ai mené un combat extraordinaire, mais également sur les questions de fond. Nous n’avons jamais rien lâché sur la dimension historique de la question Corse. Nous n’avons jamais rien lâché sur le fait qu’il y a un peuple. J’ai donné, à plusieurs reprises dans l’hémicycle, la définition de ce qu’était le peuple Corse, petite parcelle de l’humanité. Quant aux prisonniers, cela a été un combat permanent pour faire comprendre à tous les ministres et en particulier aux deux Gardes des Sceaux qu’il fallait appliquer la loi tout simplement. Quand j’entends dire que nous avons suivi les députés français, cela m’arrache les cheveux ! Si les députés des autres groupes de l’Assemblée nationale ont bougé notamment sur le rapprochement des prisonniers, c’est que nous avons fait énormément de pédagogie. Ils ne sont pas brutalement tombés amoureux des prisonniers Corses ! On ne peut pas entendre une chose pareille ! C’est le résultat de tout un travail de pédagogie que nous avons fait.

- L’ouverture des négociations sur l’autonomie est-il l’enjeu principal de cette élection ?
- Ces discussions à vocation historique ont été discutées, négociées par le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, quand le ministre de l’intérieur est venu en Corse. Cela a fait l’objet d’une signature. Elles comporteront un très fort volet social sur lequel il faudra avancer. En prévision, Gilles Simeoni et sa majorité ont diligenté les assises sociales. On assiste aujourd’hui dans notre île à une très forte dégradation de la vie sociale qui n’était déjà pas brillante avant. Si nous voulons une avancée institutionnelle, c’est justement pour doter la Corse de moyens qui nous permettront d’améliorer les choses en matière économique, sociale et culturelle. Il y a le dossier de l’hôpital et toute une série de dossiers sur lesquels il faudra se battre, et aussi celui de la sauvegarde de notre langue auquel je tiens énormément. Tout cela va demander un travail énorme. Il ne faudra pas rater ces négociations. Il faudra les mener de façon pragmatique, intelligente et pertinente. Il faudra être crédible. Plus notre score sera haut, plus nous aurons de légitimité.

- Est-ce l’appel que vous lancez aux électeurs pour ce 2nd tour ?
- Oui ! Il faut faire comprendre aux citoyens que dans l’univers de l’Assemblée nationale, on pèse ce qu’on pèse. Si vous vous présentez avec 51 % des voix, c’est bien. Si vous vous présentez avec 70 %, c’est mieux. Surtout quand vous avez un ministre en face. Je dis,donc, aux gens : mobilisez-vous ! Donnez-nous la force de peser dans les discussions de demain ! Pas pour nous faire plaisir, mais parce qu’on a besoin d’avoir cette force pour essayer d’améliorer la situation de la Corse, de donner un avenir à la Corse et à nos enfants en particulier.

- Le fait qu’Emmanuel Macron n’aura peut-être pas la majorité absolue, est-il un enjeu supplémentaire de cette élection pour la Corse ?
-  On ne saura pas avant dimanche soir quelle sera la configuration de l’Assemblée nationale, ni qui va dominer cette assemblée. On ne sait même pas si elle sera gouvernable ! Quoiqu’il en soit, nous ferons preuve de responsabilité, comme toujours. On ne va pas jouer la chienlit, on ne va pas jouer par plaisir de déstabiliser cette institution. Bien au contraire, s’il faut profiter d’une situation pour négocier sérieusement des avancées économiques, sociales, culturelles et institutionnelles pour la Corse, on le fera, mais toujours avec un grand esprit de responsabilité.

- A part l’autonomie, quelle sera votre première priorité, si vous êtes réélu ?
- C’est difficile de le dire aujourd’hui, parce que nous ne sommes pas maître de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, mais je sais très bien où je vais peser de tout mon poids. D’abord, sur l’hôpital de Bastia, c’est indispensable pour commencer. Je n’oublie pas la situation de cet hôpital, ni les sacrifices inouïs que fait le personnel pour le faire tourner. C’est une priorité absolue ! Ensuite, il faut avancer institutionnellement pour améliorer les choses sur le plan social. Je serai exactement sur la ligne de la convention qui a été passée par Gilles Simeoni et sa majorité lors des Assises sociales. Il y a aussi la langue et le soutien qu’il faut apporter à nos communes et à nos entreprises dans de nombreux dossiers. Cela fait du pain sur la planche. Je le ferai comme je l’ai fait pendant cinq ans, de tout mon cœur.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.