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Menaces sur la maternité de Porto-Vecchio : les grévistes et leurs soutiens attendent des réponses claires


Julien Castelli le Mardi 12 Septembre 2023 à 18:15

« Développer une offre complètement atypique », c’est le projet de Marie-Hélène Lecenne pour la maternité de Porto-Vecchio pourtant menacée de fermeture. La directrice de l’Agence régionale de santé (ARS) entendait rassurer le personnel de la maternité, tout autant que la population de l’Extrême Sud, en tenant ces propos la veille du premier jour de grève. Raté. C’est en réalité l’agacement et l’incompréhension qui a prédominé dans les rangs des grévistes et de leurs soutiens, qui étaient environ 150 ce mardi après-midi à réclamer des garanties quant au devenir de la maternité porto-vecchiaise.



Une centaine de personnes était rassemblée ce mardi devant la clinique
Une centaine de personnes était rassemblée ce mardi devant la clinique
Atypique : « qui ne répond pas au type habituel, difficile à classer », définit le dictionnaire. Le mot n’est pas passé auprès des défenseurs de la maternité qui se sont réunis devant la clinique de l’Ospedale. « L’ARS en Corse aussi, elle est atypique, puisqu’il n’y a que 330 000 habitants en Corse... Son existence est-elle donc justifiée ? », ironise Marie-Désirée Nicolaï-Marcellini, secrétaire nationale du Syndicat des travailleurs corses (STC). Elle fait un parallèle entre le seuil des 300 naissances annuelles réclamé initialement par l’ARS pour maintenir la maternité à Porto-Vecchio. Délégations de service public Un seuil qui n’a pas été atteint par l’établissement en 2022. « Des naissances, il y en a eu 220 à 230 », confirme Rémi François, le directeur de la clinique.

Pour les urgences et la maternité, deux missions de service public confiées par l’État à la clinique porto-vecchiaise, il reçoit « environ 3,5 millions d’euros par an ». Une enveloppe que Rémi François entend bien évidemment conserver : « Ce qui est atypique, c’est que la direction de la clinique soutient la grève », fait-il malicieusement remarquer. « La mission de service publique, elle est globale, reprend-il. Toucher à la maternité, ce serait donc aussi toucher au service des urgences. »

Mais à entendre Marie-Hélène Lecenne lundi, la maternité ne serait pas menacée : « Nous ne voulons pas la fermer, nous voulons la faire évoluer », s’était-elle confiée devant la presse. En y adjoignant, selon elle, un centre périnatal de proximité (CPP). « Actuellement, ce cas de figure n’est pas prévu par la loi, balaie Véronique Bouffard, cadre sage-femme à la clinique de l’Ospedale. Soit il y a une maternité, soit un CPP. Pas les deux. Dans un CPP, on ne pratique pas d’accouchements. En fait, elle ne connaît pas notre service car à Porto-Vecchio, nous travaillons déjà avec la PMI et le centre de planification. Tout ce qu’elle propose, c’est déjà en place. Augmenter l’offre de services à la population ne ferait que rentrer en concurrence avec les sage-femmes libérales. Quel intérêt ? » « Une césarienne, je la fais en dormant... »

Sur le terrain médical, le docteur Sami Haddad démonte l’argument selon lequel les praticiens d’une clinique qui ne réalise pas 300 accouchements annuellement seraient insuffisamment entraînés. « A Porto- Vecchio, on est quatre gynécologues obstétriciens à se relayer chaque semaine. Et quand on n’est pas ici, on travaille pour un autre établissement, alors on pratique tout le temps. » Et quand bien même, « une césarienne, je la fais en dormant... C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. »

Porte-parole de l’intersyndicale STC-FO, Lionel Baggioni a dénoncé « la non réponse de l’ARS » et réclamé un plan à long terme pour assurer la pérennité de la maternité, compte tenu de son action indispensable pour le territoire. » Dans le cas contraire, « la grève continuera. On ira crescendo si on ne nous entend pas. Ça ira jusqu’à des blocages, s’il le faut. » Membre du collectif de soutien à la maternité, Marie-Françoise Papi s’est montrée perplexe devant le discours de Marie-Hélène Lecenne, mais « elle a retenu deux choses », a-t-elle noté : « Les deux heures et demi de trajet pour rejoindre la maternité la plus proche en cas de fermeture et le service de transfert qui n’est pas suffisant. »

A l’unisson de tous, le député de la 2e circonscription de la Corse-du-Sud, Paul- André Colombani attend « des réponses claires venues de l’ARS. On veut sauver la maternité. Point. » Le projet atypique ? « Il n’est pas question de faire une expérimentation à Porto-Vecchio sur des femmes qui sont sur le point d’accoucher ». Alors que le directeur de la clinique annonce « 100 % de grévistes » en ce mardi parmi le personnel de la maternité, des papas et des mamans sont venus apporter leur soutien à l’établissement. « Liberté, proximité, sécurité », pouvait-on lire sur une pancarte. Sur une autre, en forme de cercueil : « A vita iè, a morti no ». Sophie et Maxime sont venus avec leur petite fille, Lou, âgée d’un an. « La petite est née ici. Et on n’aurait pas eu envie de faire deux heures et demi de route pour l’accouchement. Avec un tel éloignement, il y aurait de gros risques, non ? »