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Menacés par le bouclier tarifaire de TotalEnergies, des pompistes de Haute-Corse dénoncent une "distorsion de concurrence"


Thibaud KEREBEL le Jeudi 13 Avril 2023 à 17:50

Menacés par le bouclier tarifaire de TotalEnergies, qui a plafonné le prix de ses carburants à 1,99 euro pour toute l’année 2023, les gérants des station-service Vito et Esso de Haute-Corse dénoncent un cas de concurrence déloyale, et craignent une faillite générale. Pour faire entendre leurs revendications, les pompistes menacent de mener des « actions fortes ».



les pompistes ont donné une conférence de presse ce jeudi devant le dépôt pétrolier de Lucciana
les pompistes ont donné une conférence de presse ce jeudi devant le dépôt pétrolier de Lucciana
C’est une action pacifique qui en appelle d’autres… surement plus conséquentes. Ce jeudi 13 avril, une vingtaine de pompistes se sont réunis devant le dépôt pétrolier de Lucciana, pour faire entendre leurs revendications dans le contexte actuel de hausse des prix du carburant. « Sans une écoute bienveillante et face au péril qui nous menace, nous n’hésiterons malheureusement pas à mener des actions fortes sous 96 heures », précise un communiqué du syndicat des distributeurs de carburants de la Haute-Corse, lu par son responsable, Serge Antoniotti.

L’inquiétude de ces professionnels est liée au bouclier tarifaire annoncé par TotalEnergies en février dernier. En effet, le géant pétrolier avait certifié qu’à compter du 1er mars, et pour toute l’année 2023, le prix du litre à la pompe serait plafonné à 1,99 euro dans toutes ses stations. Initialement réservée à certains carburants, non disponibles sur l’île, l’offre a finalement été généralisée, incluant donc la Corse.

Une situation qui s’apparente à de la « distorsion de concurrence » pour les autres distributeurs, que sont Vito et Esso. « On ne pourra pas s’aligner ! », anticipe Serge Antoniotti. « Il n’y a personne qui peut faire cadeau de 20 centimes du litre en en gagnant 5 ou 6 brut. On sait très bien que seuls quelques centimes d’écart dirigent les clients d’une station à l’autre, donc si on en a plusieurs dizaines, ce n’est même pas la peine d’ouvrir. C’est la faillite assurée pour les trois quarts des stations, soit 90 environ sur toute l’île. » La crainte est plus que jamais d’actualité, puisque ce bouclier tarifaire s’activera dès que les prix dépasseront la barre des 2 euros. Or, au regard de l’augmentation actuelle des cours, « on peut se retrouver dans une semaine avec des carburants à 2,10 ; 20,20 ; 2,30 euros ».

« Au long terme, un monopole, ce n’est jamais bon »

Document CNI
Document CNI
Pour éviter la catastrophe, le syndicat des distributeurs de carburants de la Haute-Corse demande une « extension du bouclier tarifaire à l’ensemble des distributeurs de l’île ». Une requête justifiée par la position particulière de TotalEnergies, qui fournit également en carburant les stations qui ne sont pas sous son pavillon. « Ce que Total propose à ses gérants, on voudrait l’avoir aussi, dans la mesure où on est aussi clients de Total », expose Serge Antoniotti. « Aujourd’hui, Vito achète son carburant à la maison mère, Rubis, qui elle-même en prend chez Total. Esso, aussi, achète son carburant chez Total. On est tous, en France, clients de Total. Donc on estime que chaque station-service doit bénéficier du meilleur prix, pour le répercuter sur ses clients. »

Sans ça, les pompistes craignent une faillite générale du côté des exploitants Vito et Esso. À ce titre, Serge Antoniotti rappelle, qu'« au long terme, un monopole, ce n’est jamais bon ». « Pour le consommateur, ce serait peut-être être un avantage dans un premier temps, mais il faut voir plus loin. »

Le même statut que dans les autres îles ?

L’autre revendication majeure du syndicat est plus générale, et porte sur l’insularité de la Corse. « Pourquoi est-ce que nous ne bénéficions pas d’un statut particulier pour les carburants, comme tous les départements d’outre-mer ? », questionne Serge Antoniotti. « Population assez faible, pas très riche, éloignement de la métropole, pas de transport en commun… La Corse a toutes les prédispositions pour avoir ce statut, elle est où la différence ? »

Un sujet important, puisque sur toutes les autres îles, le carburant est géré par des autorités qui fixent un prix pour le mois. « Aujourd’hui, à La Réunion, le litre de gazole coûte 1,40 euro. Ici, il est à 1,9 euro. On se demande s’il n’est pas opportun d’inclure le carburant dans la discussion qui s’ouvre entre la Corse et les instances parisiennes. C’est le moment ou jamais. » Pour ce faire, le syndicat demande la mise en place d’un tour de table réunissant exploitants, pétroliers, et institutionnels régionaux et nationaux. Reste à savoir si la menace des blocages fera bouger les choses.